Art Deco Chennai

On trouve l’art Deco dans de nombreux lieux à Chennai. Il a investi les quartiers lotis dans les années 1940 ou 50. A la différence des autres styles architecturaux, néogothique, indo sarracénique voire palladien, il n’est pas inspiré par les Anglais.

L’art Deco à Chennai, un developpement tardif

Contrairement à la France, son berceau entre les deux guerres, l’art Deco touche l’Inde et Chennai en particulier tardivement. Il aborde dans les ports, Chennai, Bombay et Calcutta seulement dans les années 1940. Il vient alors des Etats Unis et emprunte au continent américain des symboles ou formes inconnues en Europe. Ainsi la rose iribe, motif typiquement parisien des années 1920 ne s’y voit pas. En revanche les images plus géométriques, inspirées par l’automobile, empruntent largement à l’iconographie américaine, comme les triglyphes.

Les lignes modernes s’intègrent dans des quartiers nouveaux en attente d’urbanisation. Souvent, la maison est construite mais dans l’attente d’infrastructures qui peinent à arriver. Routes, parcs voire système d’adduction d’eau tardent le plus souvent.

L’art Deco se manifeste à Chennai par des lignes simples et géométriques. Mais aussi des escaliers, des piliers, des porte à faux  et des grilles. On le trouve  dans les quartiers de Royapettah, Mount Road ou Thyagaraja Nagar, Bose Road, Parry’s corner, CIT Colony, Gandhinagar,Mylapore. Il vise la modernité dans les espaces , comme les salles de bain ou cuisines souvent rejetées vers le fond. Cette modernité concerne aussi les matériaux utilisés, béton armé, motifs préfabriqués, grandes vitres. Elle est à l’origine de formes et motifs. Comme des formes de paquebot, sobres bandeaux de couleur unie, porte à faux, bâtiments d’angle arrondis.

Bien que tard venu, l’Art Deco se développe sur une bonne vingtaine d’années à Chennai. Il finit par toucher une clientèle de plus en plus populaire et par « indianiser » les motifs. Aux parapets et piliers géométriques va s’ajouter le motif local du soleil levant dans le jalis. Le jalis, cette dentelle de pierre, remonte, elle, à l’architecture moghole.

Une clientèle privée à la composition familiale particulière

L’une des premières constructions art Deco de Chennai  est l’horloge de Royapettah. Elle date des années 1920.

En général, l’art Deco à Chennai concerne davantage les résidences privées que les édifices publics. En dehors de quelques rares sièges manufactures, banques ou assurances, il s’adresse essentiellement à une clientèle privée. Il est pourtant apparu tout d’abord dans les théâtres et cinémas. Mais ceux-ci ont souvent disparu.

En revanche, la clientèle aisée des années 1940 se faisait construire des maisons sur des parcelles dans des faubourgs ou quartiers récemment annexés. Le modèle constructif correspond le plus souvent au bungalow. Cette maison individuelle s’inspire de la maison précoloniale traditionnelle du Bengale d’où son nom. Popularisée par les militaires pour son caractère pratique, elle se dresse en général au centre d’une parcelle. A la base, il s’agit d’une maison de plain-pied. Elle sera souvent rehaussée voire agrandie avec le temps. Elle s’orne assez régulièrement d’un toit terrasse, d’un porche ou d’une loggia

A Chennai, l’art Deco s’adapte aux contingences locales dans les quartiers nouveaux marqués par la croissance urbaine. Il correspond également à un modèle familial particulier. Contrairement à la cellule nucléaire occidentale, le noyau indien repose sur la “famille jointe”. Les grand parents coexistent avec les enfants, frères et sœurs et petits enfants. Des maisonnées complexes s’articulent souvent autour d’une grande cuisine et d’une grande pièce commune. Chaque génération bénéficie ensuite de son espace. 

L’Art Deco en danger à Chennai

Dans les années de gloire, l’art Deco exprimait une défiance face a la couronne britannique. Peu courant en Angleterre en effet, il tranchait courageusement avec l’esthétique établie par les architectes de la couronne. Les bâtiments coloniaux affectaient en effet les styles palladien, néo gothiques ou encore indosarracénique . Lors de mes visites londoniennes, j’avais rendu compte d’une rare construction art Deco dans la capitale britannique. L’art Deco, venu en Inde par le truchement des Etats Unis, reflétait en revanche les aspirations indépendantistes des « freedom fighter ».

Aujourd’hui hélas, un grand pourcentage de ce magnifique patrimoine se détériore. Les propriétaires historiques sont soit morts, soit trop âgés pour entretenir leurs demeures. Souvent issus de familles huppées, les enfants sont souvent partis faire leurs études au loin. Emigrés en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis, ils n’en sont pas toujours revenus. Les maisons ne sont plus toujours entretenues et se voient souvent soumises à des destins malheureux. Dans le meilleur des cas, celui où la famille est restée à peu près au complet, elle a jugé plus simple de détruire la vieille demeure art Déco pour lui préférer un immeuble familial où chaque génération occupe un étage.

Certaines maisons, en ruine, sont démantelées et offertes à des promoteurs immobiliers peu soucieux de préservation. D’autres, décrépies, finissent par s’écrouler complètement. D’autres encore, ont subi de tels agrandissements ou restaurations abusives qu’elles n’ ont rien conservé de leur gloire passée. Malgré les efforts de quelques propriétaires ou d’associations, rares sont les joyaux art Deco à nous parvenir en bon état. Il faut souvent traquer le pilier qui indique la limite de la propriété d’antan, le parapet, ou la tour centrale verticale parfois rhabillée, voire  le nom gravé du premier propriétaire pour se souvenir de ces splendeurs passées.

Udaipur insolite

Aujourd’hui je vous propose de découvrir un Udaipur plus insolite. La semaine dernière je vous ai fait découvrir les indispensables de la ville, à savoir le Palais, le lac Pichola et la vieille ville. Si vous disposez de plus d’un jour et que vous n’en souhaitez pas forcément faire une visite traditionnelle, voici quelques idées.

Verdure et fraicheur Lac fateh Sagar

Vous pouvez vous aventurer un peu plus loin que le lac Pichola. La ville tend d’ailleurs à s’urbaniser de plus en plus loin. Néanmoins le lac Fateh Sagar reste encore relativement peu construit. On y accède au-delà d’un quartier résidentiel et d’un beau parc. Des zones de cabotage dont raffolent les Indiens permettent de relier l’une des quatre iles et notamment l’ile Nehru. Le boulevard est longé de parcs. Mais si la foule indienne en délire ne vous fait pas fantasmer, depuis l’embarcadère vous pouvez facilement marcher jusqu’à la jolie promenade au milieu du lac (Pal ou Fateh Sagar Pal) avec de jolies vues depuis des petits belvédères ouvragés. (chhatri du 19e). Elle permet d’observer (voire de rejoindre là-haut dans la montagne) le Palais de la Mousson, observatoire d’où étaient calculées les moussons.

Depuis la promenade et l’aquarium au travers d’un quartier résidentiel nouvellement construit on accède au magnifique parc.

Saheliyon ki Badi Garden, un beau jardin d’Udaipur insolite

Ce parc privé regroupe des jardins royaux. Situé près du lac et de ses embarcadères il remonte au 18eme siècle. Il était réservé à la reine et ses filles et cousines. Reconstruit il s’enorgueillit de bassins. Il est admirablement entretenu et c’est un plaisir de profiter des jeux de fontaine et des parterres. Enfin un lieu où se promener.

Cénotaphes royaux et zone archéologique

Un peu à l’extérieur de la ville (3km) et mal entretenus vous trouverez quelques monuments d’Udaipur insolite. Il s’agit des cénotaphes royaux et du cimetière Ahar,  

 On ne peut guère entrer dans l’enclos mortuaire. En revanche on peut le contourner et admirer la variété architecturale des quatre siècles durant lesquels ces mausolées musulmans ont été érigés.

Le long de ce cimetière royal, un bassin à crémation royale (Gangaudbhav Kund). Ce lieu est étonnant car il est considéré comme vivant. Les pèlerins y déversent des offrandes. Les gamins s’en offusquent et montrent aux adorateurs récalcitrants les panneaux demandant de retreindre les offrandes alimentaires dans l’eau. C’est qu’il se rafraichissent dans l’eau et sont très conscients de la pollution apportée par ces miettes malvenues. De petit sanctuaires et un temple à Shiva alternent avec les bassins dans ce lieu fréquentés par de très rares touristes.

La route mène pourtant au tout neuf musée archéologique (Ahar Museum) érigé à même un site chalcolithique sur un mound. Outre les poteries remontant au 2e millénaire avant notre ère on peut y admirer des sculptures qui s’étagent entre les 8e et 17e s.

Si on tourne le dos à ces sites pour revenir vers la vieille ville on voit, à main gauche, un énorme temple jain. On discerne en revanche à peine sur la droite, cachée par la végétation, une extraordinaire Gopuram du 10eme siècle magnifiquement sculptée (Bhaktimati Meera Bai Temple). Cela vaut le coup de passer/ pousser la barrière pour s’aventurer dans les décombres. Les sculptures y sont en effet merveilleuses et datent de la période préislamique. Le monument adopte le style Maru Gurgjara avec des murs très sculptés sur un socle haut.

Des voitures et de la verdure près du centre ville

Plus dans le centre-ville , d’autres visites de Udaipur insolite.

Vous pouvez commencer par vous balader dans Bapu Bazar peut être moins touristique que celui de Jaipur mais vraiment local. C’est là que les locaux mangent et vous y trouverez de nombreuses et bonnes spécialités.

Regagnez alors le musée de l’automobile (voitures anciennes) pas forcément pour le visiter mais pour admirer sa structure art deco, rare à Udaipur.

 De là, vous pourrez faire une petite halte dans le Garden Hôtel et gagner le parc Gulab Bagh. C’est un grand parc d’époque coloniale. Des Anglais, subsiste le Victoria Hall musée transformé en bibliothèque On y voit des puits (Baori) il y en a 3 importants mais moins spectaculaires que les réservoirs à degré de Jaipur ou Jodhpur . Le Naulakha Baori, le Kamal Talal Baori Kuttewalli Baori. Ils attestent néanmoins du système souterrain de conservation de l’eau, si nécessaire en ces territoires arides…on traverse alors le parc pour regagner la sortie coté palais royal devant le petit temple de Ganesh. D’ici on peut accéder à la porte du Palais (Pol), rentrer dans le palais ou prendre ses billets pour caboter dans le lac

Du jardin, on gagne aussi la vieille ville d’Udaipur. On peut la traverser pour regagner les ghâts et notamment le magnifique musée tout près du Gangaur Ghat.

Un air de Grand canal vénitien

Le musée Bagore ki haveli présente d’étonnantes collections de turbans, jeux,  vêtements. C’est une vraie découverte même hors saison de festival. Evidemment si vous pouvez caler cela avec les festivités de Gangaur cela devient grandiose mais le musée avec ou sans spectacle vaut vraiment le coup. D’abord parce qu’il permet de visiter un ensemble de maisons anciennes magnifiques et intelligemment rénovées. Les collections évoquent les traditions, d’hier et d’aujourd’hui. On y comprend mieux le déroulé d’un mariage, Cerise sur le gâteau, les vues sur le lac donnent l’impression de se trouver dans un palais vénitien sur les bords du Grand canal. Bref un vrai bon moment loin de la foule.

T.Nagar

Le nom de T.Nagar évoque aujourd’hui les lumières et bazars de la société de consommation. Magasins de tissus et  bijoutiers s’y succèdent sans interruption. Ce quartier considéré comme la Mecque du sari recèle néanmoins de véritables trésors d’architecture résidentielle.

T.Nagar, un quartier crée dans les années 1920

T Nagar a été crée dans les années 1920 en réponse à la croissance démographique. Exode rural et baisse de la mortalité expliquent l’accroissement de la population à Chennai à cette époque. Le petit village de Mambalam extérieur à la ville britannique a alors été annexé et urbanisé.

C’est aujourd’hui un des quartiers les plus prospères de Chennai au niveau commercial et immobilier. Cette explosion économique se fait malheureusement souvent au détriment du patrimoine architectural. Les maisons art Déco du quartier présentent en effet un mélange unique d’ingrédients locaux et d’influences étrangères.

Au début du XXème siècle, cet endroit vierge correspondait à un réservoir. Pour répondre au besoin de logements on y a construit des maisons surélevées pour se prémunir contre l’humidité. Leurs remplacements construits à la va vite à des fins spéculatives n’ont souvent pas tenu compte du terrain. D’où des inondations terribles en période de pluies.

Il s’agit de l’une des rares zones de Chennai à avoir fait l’objet d’une planification. Chaque quartier s’est loti autour d’un parc et de rues avec la volonté de conserver des espaces verts. Cette volonté inédite d’urbanisme s’est accompagnée d’idées nouvelles pour l’époque. Les plans initiaux incluaient des espaces verts, de la lumière, des routes et un système d’adduction d’eau.  

Le drainage du lac  (8km x1km) a ainsi commencé en 1923 dans cette zone aérée pas trop éloignée de la gare de Mambalam. On lui a conféré le nom du chef de parti T.Nagar ou Theagaraya Nagar.

L’art Déco à T.Nagar

Pour découvrir le beau patrimoine art Deco, on peut partir de Pondy Bazar. Cette grande avenue, dessinée, parait-il,  sur le modèle des Champs Elysées tient son originalité à la présence de grands trottoirs bordés d’arbres. De part et d’autres de l’avenue, se succèdent les boutiques de vêtements. Avant  le parc au bout de la rue avec son arc de triomphe, petite réplique de Paris, on prend une des rues de droite. On va alors gagner le parc Jeeva Vanandam ou JV park du nom d’un chef communiste respecté. Tout autour de ce jardin, des rues ont conservé un héritage art Deco malheureusement en péril.

Dans ce quartier, on trouve encore nombre de bungalows. Ces maisons prennent modèle sur les demeures coloniales construites par les militaires anglais au Bengale. Elles s’inspirent  des pavillons à loggia. Malgré le traditionalisme des structures, elles affichent un modernisme des formes, des motifs et des méthodes constructives (béton, éléments préfabriqués, acier). Dans la distribution des espaces, elles reflètent aussi une aspiration au modernisme.

Ce quartier nouveau ne compte pas de temples, fait rare à Chennai. En revanche, les maisons s’étendent sur de vastes parcelles. Elles ont souvent été agrandies pour répondre à la croissance des familles y résidant.

Dans la rue Lakshmanan, on passe devant la maison Savrithi. Cette famille de Mylapore  commercialisait le lait. Elle déménagea durant la première guerre mondiale  et revint s’installer ici dans des volumes en expansion pour satisfaire les besoins croissants de la famille. La nouveauté de la maison résidait dans les salles d’eau, rejetées à l arrière mais aussi le bureau avec 2 entrées, une intérieure, une extérieure, la véranda, une cuisine et une salle à manger. Les lignes de paquebot se voulaient résolument modernes. La maison affectait une élégance nouvelle avec une décoration simple aux lignes pures et géométriques et aux bandeaux de couleurs. L’arrondi de la véranda n’est pas sans rappeler la Dare House à Parry’s corner. Tout comme la verticalité. D’autres maisons art Deco l’entouraient . Beaucoup ont malheureusement disparu.

Un patrimoine en perdition

Souvent ne subsistent qu’une plaque, un parapet, la verticalité accentuée d’un escalier , des fenêtres bandeaux, mur bas de limite de la propriété. Ce n’est que plus tard qu’apparurent les grilles ouvragées. La maintenance de ces maisons est souvent trop onéreuse pour des propriétaires de plus en plus âgés et dont les enfants ont fait leur vie à l’étranger. Nombre de ces constructions tombent  en ruine ou entre les mains de spéculateurs peu soucieux de patrimoine ou peu scrupuleux.

Plus loin, et plus tardivement, des maisons plus petites empruntent le même type de vocabulaire architectural  mais préfabriqué. Dans ce cas, on assiste  dans les années 1940/60 parfois à des mélanges étonnants. Les porte à faux voisinent avec des colonnes ou des guirlandes de rinceaux. Les balcons s’agrémentent de grilles ouvragées ou de jalis de pierre. Ceux-ci vont devenir la marque de fabrique de l’indo Deco, variation locale et plus tardive de l’art Deco . Ce mélange de genres fait la part belle aux influences américaines et hindoues. Car avec le développement des idées indépendantistes, les propriétaires voulurent exprimer l’amour de leur nation sur leurs façades.

Relativement proche du centre de la ville, T.Nagar s’affirma rapidement comme un quartier bourgeois habité par des gens originaires du Telangana d’où le surnom de Telougou Nagar. Les noms des rues rappellent en fait ceux des chefs politiques, personnages et fonctionnaires importants, de tous ceux qui ont compté dans le quartier. 

Mon Itinéraire dans T.Nagar.

Jodhpur

Jodhpur m’évoquait les pantalons bouffant du haut et le polo. Je n’imaginais pas la beauté de cette ville du Rajasthan aux portes du désert du Thar.

Des maharajas particulièrement inspirés ont assuré sa prospérité. Ce grâce notamment à un ingénieux système d’irrigation. Dans le monde touristique contemporain, on l’appelle la ville bleue.

Je vous propose de partir à la découverte de cette ville aux divers sobriquets. Comme de plus en plus souvent, j’ai préparé une série d’articles. Ceux-ci correspondent aux monuments incontournables, aux plus insolites et enfin à ce qui pose plus question. A moduler selon votre durée de séjour, ou vos envies. Commençons des aujourd’hui avec les incontournables de Jodhpur.

Le Mehrangarh Fort,

Le fort constitue le seul site Unesco de Jodhpur. Ceci peut sembler étonnant vu la beauté de la ville. Pourtant celle-ci, toujours administrée par le Maharaja est un modèle de développement.

Le Fort se situe sur une colline de 150m. On l’atteint depuis la vieille ville. Il date de 1459 et remonte à Rao Jodha, le chef du clan Rathore. Il comprend de très belles galeries et temples. On y découvre des palanquins, harnachements d’éléphants, voire équipement de polo, passion royale du coin. Je viens ici d’évoquer le premier mot attaché à la ville et la façon dont le terme s’est diffusé dans notre langue depuis la chemise des amateurs royaux de ce sport équestre.

L’architecture y est extraordinaire. On y admire des éléments de bois travaillés très finement. https://www.mehrangarh.org/

Le palais est un rare site privé en Inde. Administré par la famille royale, il est un modèle du genre. L’organisation, la muséographie, les facilités sont d’une rare qualité pour L’Inde. Même le restaurant, le café, et la boutique sont hautement recommandables. Avec l’achat d’un billet étranger (plus cher que le billet pour les locaux bien sûr) vous avez droit à un audio guide très bien fait.

On parvient au Fort soit en transport, soit à pied depuis la vieille ville par des volées d’escaliers pentus ou un chemin (du côté de la « ville bleue ») orné de « fresques ».

La vieille ville de Jodhpur

Celle-ci s’explore à pied. Les petites rues encombrées, les jolies boutiques, bazars, l’animation ne sont en effet pas propices à la circulation. En revanche, une fois franchie la tour de l’horloge, on accède aux boulevards de cette ville de 1,4millions habitants, écrasée de chaleur. Là, il vaut mieux héler un tuktuk.

Ce quartier historique se situe au pied de l’impressionnant plateau sur lequel se dresse le fort. Un mur du XVIeme siècle percé de huit portes l’entoure. Le long des 1km de muraille c’est une profusion de marchés et échoppes artisanales. Jodhpur est en effet l’un des centres de production d’Inde. Sacs en tissus, nappages, boites, vanneries, cuir, bijoux, antiquités, on y trouve un peu de tout et de fort jolis produits.

Historiquement, la ville se trouve en effet sur la route de l’opium, du cuivre, de la soie, du santal qui reliait Delhi au Gujarat. De petits étals proposent les sucreries typiques de Jodhpur, très sucrées, comme toujours en Inde.

-Le Toorji ka Jhalra

Le magnifique réservoir à degrés, se situe dans la vieille ville en contrebas du fort. La symétrie des volumes est particulièrement spectaculaire. Ce puits du XVIIIème siècle, destiné à approvisionner la population en eau, a fait l’objet, avec le quartier alentour, d’un beau travail de réhabilitation.

Ces réservoirs si typiques de l’Inde servaient à stocker la précieuse eau. Leur architecture savante permettait à un grand nombre de gens de remplir leurs jarres et de remonter et descendre les marches sans se gêner. L’approvisionnement en masse se faisait avec un minimum d’incidents. Les magnifiques façades de grès rose abritent tout autour de plus en plus de jolies boutiques.

– Ghanta Ghar,

A l’orée de la ville ancienne, les marchés entourent ce vestige de la colonisation anglaise. La tour de l’horloge est en effet un classique des villes indiennes sous domination britannique. En passant sous l’horloge, sur la droite, commence le quartier restauré avec ses belles maisons roses si traditionnelles. Puis, sur la gauche, les rues s’ouvrent sur des maisons peinturlurées en bleu. Je dis bien peinturlurées car malgré la renommée de la ville, je conçois quelques doutes sur la couleur, ce que je développerai dans un prochain article.

Jaipur bis

Je continue ainsi ma série d’articles sur Jaipur en évoquant ici les lieux bis indiqués par des guides papier, les blogs ou les accompagnateurs de voyage. Ces lieux sont souvent recommandés mais pas toujours indispensables selon moi. Plus encore que d’habitude, cet article m’est très personnel.

Je me base ici sur les lectures suivies lors de ma découverte de Jaipur mais aussi sur une visite guidée organisée en amont il y a quelques années. Pour faire simple, je vous indique ce que je n’ai pas forcément adoré.

Pour commencer, je ne vous recommande pas le tuk tuk. La ville est trop poussiéreuse pour cela. Et encore moins le rickshaw humain. Dans la vieille ville, vous pouvez vraiment marcher pour mieux découvrir. 

Le City Palace

 Je le sais je fais ici ma mauvaise tête. Je ne suis absolument pas d’accord avec les sites qui recommandent la visite du City Palace. La cherté du billet n’est, selon moi, absolument pas à la hauteur de l’intérêt de la visite.

 Pour tout dire, moi que ne suis pas une grande « magasineuse », la partie que j’ai préférée est l’atelier, autrement dit la boutique, magnifique il est vrai. Pour être honnête, on voit quand même dans le Palais un impressionnant durbar. Cette salle du trône est décorée des portraits hilarants des maharajas. Ces tableaux ne sont pas sans évoquer ceux des Qajars de la Perse voisine à la même époque. Il s’agit de portraits sur le modèle européen. Les dignitaires y posent de profil ou de face avec tous leurs atours. Mais l’originalité repose sur le mélange de photographie et de peinture.

Dans la même veine, le Diwan-i-Khas, zone d’audiences privées des maharajas accueille deux immenses jarres d’argent de 345kg chacune. Elles servaient à transporter l’eau sacrée du Gange, la seule ingérée par les monarques. Ces Gangajelies accompagnèrent le Maharaja jusqu’en Angleterre en 1902 pour l’intronisation du roi Edward VII en 1902. Chaque jarre pourrait contenir 4 100 litres d’eau.

Enfin, un pavillon au centre de la seconde cour expose des textiles magnifiques.

Construit sous l’impulsion du Maharaja Jai Singh II, fondateur de la cité, le complexe de palais est superbement ornementé, avec des piliers ouvragés. En fait, il s’agit de deux palais, Chandra Mahal et Mubarak Mahal. Le palais est encore habité par la famille royale. Le Maharaja de Jaipur est toujours le chef du clan Rajputs Kachwaha . Ses appartements sont visitables moyennant un billet onéreux même pour un porte-monnaie européen (4000rp).

Mais il y a tellement d’autres choses à voir à Jaipur que le City Palace ne me parait vraiment pas la visite à prioriser lors d’une première découverte de la ville.

Des bazars

Autre déception, bien personnelle, le Bapu Bazar. Si vous aimez l’ambiance souk et les odeurs, vous pouvez vous perdre dans les galeries. Sinon les kilomètres de bracelets ou de kurtas sont à peu près les mêmes que dans toute autre ville indienne. Avec peut être un bon point sur la passementerie assez remarquable je l’avoue.  Parmi les autres bazars à découvrir se trouvent Johari Bazaar, Tripolia Bazaar ou Chandpol. A vous de voir s’ils vous inspirent.

Jal Mahal palais du lac

Construit sur le lac Mansagar, ce palais combine les architectures moghole et rajpute. Jal (eau) Mahal (Palais) donne l‘illusion de flotter sur l’eau au milieu du lac Man Sagar. Il fut édifié par le Maharaja Madho Singh I comme pavillon d’été pour les chasseurs de canards. On ne peut y accéder et on se contente de l’admirer de loin ou de caboter autour. Pour les amateurs de photos, il vaut mieux s’y rendre en tout début ou toute fin de journée pour éviter qu’il ne soit écrasé de soleil. En revanche, ne vous attendez pas à visiter les lieux.

Le temple des singes

à 10 km de Jaipur, le temple de Galtaji est un lieu de  pèlerinage. Il se constitue de plusieurs temples édifiés dans une crevasse des collines de Jaipur. Une source y jaillit, remplissant une demi-douzaine de kunds ou réservoirs sacrés.

L’abondance des singes a donné le surnom de « temple des singes » à ce sanctuaire dédié sans surprise à…Hanuman. Il faut gravir la colline pour s’y rendre mais la vue sur Jaipur se mérite. Et le chemin est très beau dans la campagne et parsemé de templounets peints et décorés.

Je vous concède qu’il faut avoir envie de marcher sous la chaleur et de se frotter aux singes, trop souvent agressifs mais aussi aux locaux aux pratiques touristiques un tantinet agressives elles aussi.

Calcutta insolite

Si vous voulez découvrir un Calcutta plus insolite, après l’article de la semaine dernière, voici quelques chemins détournés. Avec deux remarques. Calcutta est une ville où l’on peut marcher. Outre les vrais grands trottoirs, on y trouve des espaces verts plaisants. Surtout, l’artisanat, étonnant, se double d’une gastronomie méconnue et savoureuse.

 Pour partir à l’aventure de ce Calcutta insolite, les taxis ne sont pas chers mais il faut négocier. Par ailleurs, le métro est très pratique.

Au sud, un Calcutta insolite

Au-delà des grandes rues commerçantes s’étendent des quartiers de marchés populaires. Mais aussi des zones résidentielles construites dans les années 1930 -40. Celles-ci regorgent de bâtiments art déco  malheureusement souvent en ruine.

Temple de Kali et quartier Kalighat

 Vers le sud, ce temple intéressant attire les fidèles de Kali la grande déesse de Calcutta. Un dédale de ruelles bordées d’étals de marchands de fleurs et d’articles religieux s’enroule autour du temple, depuis la maison de la mission de mère Teresa.

Le quartier de Kalighat est très agréable pour se loger, assez central et beaucoup moins bruyant que les zones plus centrales. Méconnu du grand tourisme, on y trouve beaucoup de cafés très sympas. Le joli parc, témoin de l’époque anglaise, exceptionnellement entretenu pour l’Inde, offre un lieu idéal pour marcher ou courir autour du lac Kalibari. Non loin de celui-ci, sur une rue tranquille,le Temple japonais Bouddhiste de Calcutta, Nipponzan Myohoji.

Birla Mandir

Ce temple tout récent, construit par la famille Birla, remonte à 1996. Consacré aux différents avatars de Vishnou, c’est une merveille de marbre blanc surmonté de Prangh d’inspiration khmère. La même famille d’industriels a financé le planétarium, ainsi que le musée de l’Industrie et de la technologie

Un peu au Nord de Espalanade

Non loin de Eden Parc, s’étend le parc du millénaire le long de la rivière Hoogli. Tout près de celui-ci, le Writer’s building accueillait les employés de l’administration britannique à l’époque coloniale.  C’est un colossal bâtiment de brique rouge au fronton palladien. Dans le même quartier, l’énorme mosquée de tipi Sultan remonte à 1842. Avec ses 16 dômes verts et ses 4 minarets elle a un aspect insolite dans le paysage urbain de Calcutta.

 De là, on peut rejoindre à pied un autre bâtiment colonial et néo-palladien, voire d’inspiration jeffersonienne pour le dôme, la Grande Poste. Dans l’autre direction, vers le Nord, on atteint une zone de marchés.

Dans ce quartier aux belles maisons décaties, se dressent encore quelques maisons à cours typiquement bengalies dont l’étonnante demeure Jorasanko Thakurbari Rabindranath Tagore. Le premier prix Nobel Indien y passa son enfance. Il s’agit d’une maison bengalie typique de l’élite cultivée de Calcutta. Ce véritable palais urbain abrite aujourd’hui une université accessible uniquement en semaine.

Toujours du côté de Bara Bazar le palais de marbre est une somptueuse demeure néoclassique du 19 e s transformée en musée. Les collections hétéroclites comportent un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi. https://kolkatatourism.travel/marble-palace-mansion-kolkata

Encore plus au nord de ce Calcutta insolite

Le long de la rivière et près du Howra bridge , la misère apparait à tout endroit. C’est à ce niveau qu’habitent artisans et manœuvres spécialisés dans la fabrication d’effigies de dieux et déesses utilisés en procession lors des festivals religieux. Ceux de Durga et Kali en novembre sont particulièrement populaires à Calcutta. De cette zone artisanale et haute en couleurs et odeurs, on rejoint un énorme marché. En direction du Pont Howrah et vers le très populeux et impressionnant marché aux fleurs on est témoin de scènes de rue ahurissantes. Un laveur d’oreilles se partage le trottoir avec un tailleur de moustache alors que son voisin teint les cheveux en public.

En continuant encore davantage vers le nord le long de la Hoogli, le quartier se paupérise encore. On voit des troupeaux de chèvres paquer dans des monceaux de détritus, des enfants à moitié nus .

Temple Dakshineswar Kali

Au nord de la ville, ce temple très populaire s’atteint à l’extrémité de la ligne de métro. De nombreux festivals y prennent place. Le temple lui-même est typique de l’architecture bengalie avec des dômes presque byzantins et est considéré comme maison de la déesse Kali, révérée à Calcutta. Il se trouve sur les bords de la Hoogli. Bras du delta du Gange, la rivière reste sacrée et on y assiste à des scènes extraordinaires de baignade ou de lessive collectives.

Il existe deux quartiers chinois à Calcutta qui a été la ville la plus marquée par la présence de ses voisins. L’un d’entre eux accueillait les Chinois pauvres qui travaillaient en tant que tanneurs. Le quartier est d’une pauvreté affligeante. Mais de petits restaurants proposent une nourriture très honnête et il reste quelques échoppes extrême-orientales.

Calcutta

Les préjugés collent à l’image du centre de Calcutta. La troisième plus grande cité d’Inde effraye à l’avance par sa misère crasse. Et pourtant c’est oublier que la « Belle en Guenilles » fut la capitale du Raj britannique. Elle conserve d’ailleurs de magnifiques monuments de sa période de gloire.  Comme souvent, je vous propose plusieurs articles. Dans le premier, voici une visite du centre de Calcutta. il vaut mieux y venir entre octobre et mars pour des raisons climatiques.

Autour de l’Esplanade

Ce que l’on appelle le centre de Calcutta correspond au quartier historique de la capitale du Raj Britannique. Desservi par le métro, ce quartier regorge d’hôtels et de petits restaurants.

On y trouve de jolies adresses comme l’Oberoi, le Grand hôtel de l’époque britannique avec son piano bar, ses petits salons. Dans les rues avoisinantes, une foule de petites pensions bon marché accueillent des routards. Les touristes attirent une foule miséreuse autour de ces rues très commerçantes. Car on trouve de tout à New Market . Entre petits stands et jolies boutiques anciennes, ce quartier est le paradis des acheteurs. Pour une petite boisson, le joli hôtel Fairlawn vaut le détour. Il offre une vision désuète et pleine de charme du Calcutta colonial. Ses vieux sofas poussiéreux et ses photos de célébrités d’antan invitent à une halte dans le passé.

Outre les bâtiments gouvernementaux, l’on trouve deux des monuments les plus importants de la ville et de nombreux espaces verts.

Le Maidan, poumon vert de Calcutta

Le Maidan est un immense poumon vert au centre de Calcutta articulé autour de Fort William. La forteresse remonte à 1696, une cinquantaine d’‘années après Fort Saintt Georges, à Madras. Ces Forts marquent les lieux de naissance de ces villes anglaises. Celui au centre de Calcutta se trouve toujours entre les mains de l’armée et ne se visite pas. On trouve de nombreuses statues dans le parc ainsi que des jardins aménagés. Ainsi Eliott park a été financé par la famille Tata.

S’y succèdent également des bâtiments emblématiques du centre de Calcutta. On y voit le planétarium Birla, de style classique, financé par la famille du même nom . Non loin de là, se dresse le mémorial à la Reine Victoria. Puis, la cathédrale st Paul, bâtie sur le modèle de Westminster Abbaye. Son architecture est une réplique fidèle de la grande abbaye londonienne.

Le Victoria Memorial

C’est un superbe édifice de marbre blanc plus palladien que moghol. Sa construction remonte au début du XXème siècle. Elle visait à célébrer la grandeur de l’Empire dont le centre était Calcutta. Entouré de jolis jardins bien entretenus, sa forme rappelle celle d’un capitole américain. Les petits lanternons autour de la coupole ne sont pas sans rappeller l’eglise de la Salute à Venise. C’est aujourd’hui l’un des plus beaux musées du centre de Calcutta. Le rez-de-chaussée expose des peintures et statues des Anglais qui ont marqué le Raj. En revanhe, le premier étage a été aménagé en musée des « combattants de la liberté ». Dans une muséographie moderne, inédite en Inde, on y suit l’évolution des idées et des hommes qui menèrent vers l’indépendance.

Le musée indien de Calcutta

Ce musée est l’un de plus anciens d’Asie et remonte à 1814. Conçu à l’anglaise, mais dans une palais bengali, il est resté pratiquement en l’état depuis le départ des colons. La muséographie n’a visiblement pas été retouchée. Les chemins y sont compliqués, comme la belle salle des textiles, cachée derrière la collection de poissons et d’oiseaux. La poussière date visiblement de la même époque, en tous cas dans les salles d’histoire naturelle. Néanmoins, la richesse des collections fait de ce grand palais, articulé autour d’une cour, l’une des attractions majeures du centre de Calcutta. Parmi les merveilles, les vestiges de la cité bouddhique d’Amaravati complètent ceux exposés à Chennai. La galerie de peintures mogholes au premier étage jouit néanmoins d’un réaménagement et les œuvres valent d’y passer un moment.

Maison de Mère Teresa

La maison de la grande figure chrétienne est devenue le lieu le plus visité de Calcutta. C’est une maison grise, entretenue par les missionnaires de la charité. On y voit notamment la tombe de la Sainte, cannonisée en 2016.

Au nord de Calcutta, le Pont Howrah et la Gare

Cette fois il s’agit de partir vers le nord de Calcutta. On va y découvrir deux bâtiments emblématiques de la ville. Ils se situent de part et d’autre de la rivière Hoogli, un des bras du delta du Gange. Il s’agit du pont et de la gare.

Le pont d’acier suspendu ne date que de 1943, mais il apparait sur de nombreuses représentations de la ville. Il domine l’impressionnant marché aux fleurs. Tout autour, on croise une foule de petits commerces de rue ahurissants,tels des raseurs publics ou nettoyeurs d’oreille.

De l’autre côté du fleuve, la gare Howrah st l’une de plus anciennes d’Inde avec celle de Royapuram à Chennai. C’est surtout la plus grande et la plus fréquentée du pays. Sa belle architecture est emblématique du style indo-sarracénique.

Saint Thomas

Saint Thomas a marqué Chennai de sa présence. D’abord parce que l’apôtre qui doutait y est mort au 1er siècle de notre ère. Il s’y est arrêté. Il y a aussi vécu huit ans nous raconte la légende, prêché et y a subi le martyr.

St Thomas, epinture de Saint Homas au Mont

L’Apôtre est donc venu évangéliser, subir la torture et mourir en ces lieux, bientôt suivi de disciples du Christ. Ceux-ci ont d’ailleurs motivé la construction de l’une des trois seules basiliques bâties sur le tombeau d’un apôtre. Avec Saint Jacques de Compostelle et Rome, Madras s’enorgueillit ainsi d’une communauté chrétienne.

L’arrivée de Thomas à Madras

Il n’est pas si étrange que st Thomas ait accosté en ces terres lointaines. En effet, les Romains y avaient déjà fondé des comptoirs. En atteste le site d’Arikamedu, situé à quelques kilomètres au sud de Pondichéry.

Les bateaux des marchand romains amenaient également à leur bord des missionnaires. Ceux-ci venaient au nom de cette religion nouvelle qui depuis la terre sainte essaimait à Rome. Ces hommes de foi n’étaient pas forcément nombreux mais assez pour construire quelques églises dans le Kerala. L’un d’entre eux, Thomas s’aventura de toute évidence jusqu’à la côte de Coromandel. Il avait déja séjourné douze ans sur la côte de Malabar. Il dut gagner l’Est en traversant les Ghats ou en contournant l’extrémité sud du cap Comorin.

Saint Thomas à Chennai

Les implantations chrétiennes les plus anciennes se trouvent de fait au Kerala. D’ailleurs, l’archéologie atteste bien d’une présence précoce de chrétiens. Néanmoins c’est bien à Chennai que l’apôtre Thomas aurait décidé d’organiser une communauté.

Thomas, si l’histoire est vraie, a prêché sur la plage au milieu des pécheurs. Il se retirait sur les hauteurs tropicales alentours. Une charmante petite église rappelle son lieu de retraite, au sommet de la colline. Avec son autel carrelé d’azulejos elle a un petit air portugais. Les escaliers qui y mènent, l’architecture de type missionnaire, avec sa façade simple, ourlée et blanche rappellent également le Portugal. A l’intérieur, on peut s’interroger sur l’étrange écriture sur un certain nombre de pierres tombales. Elles proviennent des marchands arméniens . Ceux- ci y pratiquaient leur culte avant de construire leur ravissante église à George Town au début du XVIIIème siècle.

Sur les côtés de l’autel, un extraordinaire étalage de reliques souligne la sainteté du lieu. Cela va des rognures d’ongles, au morceaux de dents de diverses figures plus ou moins illustres de l’Eglise locale.

Little Mount, lieu du martyr de Saint Thomas

Sur le chemin de sa retraite, en haut du Mont Saint Thomas, une flèche aurait transpercé Saint Thomas, lancée par un hérétique un peu énervé par son prosélytisme. Un étonnant lieu, nommé “Little Mount”, le petit mont, rappelle l’évênement. Ici, deux jolies chapelles portugaises à l’architecture missionnare cotoient une grande église ronde comme un tipi. Sa clarté disille une foi étonnante. Sur le même site, un fléchage permet de suivre la cellule dans laquelle l’Apôtre aurait été enfermé. On voit également au sommet de la colline un rocher dans lequel est imprimée une empreinte de pied, une infractuosité, nommée source miraculeuse, ainsi qu’un rocher maculé de sang. Une reconstitution en cire très haute en couleurs retrace la mort de Saint Thomas. Le tout est abrité sous une construction curieuse et destinée à accueillir des foules de pélerins.

La Basilique Saint Thomas

Il y a pourtant des reliques de Saint Thomas, a priori tout au moins. Et elles se trouvent dans la Basilique à son nom. Celle-ci est construite tout près de la plage, là même où l’apôtre se serait rendu pour prêcher. Celle-ci fut construite à l’aplomb de la sépulture. On est ici dans le schéma de st Pierre de Rome . A savoir une basilique majeure construite sur la chapelle construite autour de la tombe de l’apôtre. Néanmoins, l’architecture y est moins glorieuse ou spectaculaire qu’à st Jacques de Compostelle ou à st Pierre de Rome. Il s’agit d’une église néogothique blanche dans le plus pur style colonial britannique. Cette structure à clocher ressemble un peu à une tarte meringuée dans le paysage de Chennai. Cependant, l’intérieur ne manque pas de charme avec son étonnant plafond vouté à croisée d’ogive en bois.

 La basilique recèle quelques morceaux de bravoure. Ainsi, la crypte propose une reconstitution édifiante en carton-pâte de la mise à mort de St Thomas. Juste au-dessus, un petit musée recèle des vestiges de l’ancienne église. Quelques images le disputent à de vieilles pierres dans un joyeux fatras dont l’Inde a le secret.

 Le long de l’édifice néogothique, une petite chapelle abrite une vierge en saree assez unique. On peut lui préférer l’ensemble de portraits des apôtres qui ornent les murs de la nef de l’église supérieure. Au lieu de tableaux pompiers ou de mauvaises reproductions d’œuvres sacrées anciennes, le diocèse a choisi des photographies. Il s’agit de portraits de jeunes hommes magnifiques en guise d’apôtres, en tous cas certains d’entre eux. Bien que depuis longtemps fanés, ces portraits conservent la beauté de stars de cinéma.

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Royapet bis

Avec ce Royapet bis, je vous propose le deuxième épisode de notre decouverte d’un quartier du centre de Chennai. Après avoir présenté deux bâtiments emblématiques la semaine dernière, voici maintenant une plongée dans l’architecture art déco.

L’horloge de Royapet, point de ralliement

L’horloge de Royapet, face au Mall, est un des beaux témoins de la période coloniale finissante. Elle est l’une des quatre horloges art déco à subsister de l’époque anglaise. Et l’on peut espérer que celle-ci ne sera pas détruite. Repeinte à plusieurs reprises en couleurs vives, elle reste une balise importante de la ville. Construite dans un quartier central, elle équivaut à un lieu de rassemblement et un point de repère reconnaissable. Qu’importe finalement si aujourd’hui l’heure suit plus ses caprices internes que l’écoulement réel du temps.

Lors de son érection dans les années 1930, elle servait tout à la fois de repère visuel et de marqueur temporel. A cette époque, les gens disposaient rarement de montres..

Le quartier comptait alors de nombreux théâtres et cinémas. Il y en aurait eu plus de 80 également dans le style art déco. Celui-ci se distingue par sa verticalité et son ornementation géométrique.

Royapet, quartier résidentiel

Il ne reste guère de jardins dans ce quartier en proie à une véritable fièvre spéculative. Néanmoins le café Amethyst offre un agréable oasis de paix.

Les rues qui partent depuis le mall proposent un florilège de résidences adoptant le style art déco local. Celui-ci recourt à des matériaux nouveaux comme le béton armé. En revanche, le vocabulaire architectural combine les éléments verticaux et géométriques. Ces éléments emblématiques de l’art déco se doublent ici de particularismes locaux. Ainsi en va-t-il des jalis en béton, ou des sculptures de divinités hindoues. Les jalis correspondent à des écrans de pierre ajourés et étaient fréquents dans l’architecture moghole.

Contrairement à Mumbai, il n’y a pas de quartier art déco homogène. En revanche, le style mâtiné d’influences locales a essaimé à travers tout Chennai. L’art déco y prend des formes tardives et vernaculaires marquées. Le rinceau, très classique d’inspiration pour nous, revêt ici une symbolique religieuse. Il rappelle les colliers de fleurs que l’on trouve dans les temples. Les motifs verticaux tripartites inspirés des ornementations automobiles américaines se mêlent à des œil de bœuf typiques de l’influence paquebot hexagonale.

Souvent malheureusement, ces maisons sont en piteux état, les enfants des propriétaires habitent à l’étranger. Faute de véritable conscience patrimoniale, ces chefs d’œuvre se décomposent peu à peu. Pire, ils deviennent la proie de spéculateurs en attente de ces terrains idéalement placés au centre de Chennai.

Un palais princier survivant de la fièvre immobilière

Au débouché des incroyables Maisons de Thalayari street, une très belle construction d’angle a été rénovée avec habileté. Plus loin sur la rue, deux tours néo mogholes marquent l’entrée du dernier palais des Nawabs de Arcot. Le Mahal est le dernier vestige de la puissance des derniers monarques du Royaume carnatique. Les Nawabs d’Arcot administraient les Etats du sud et prirent leur indépendance des Nizams de Hyderabad sous la domination anglaise. A la mort du dernier des Nawabs en 1855 les propriétés familiales échurent au Raj. Dans les faits, le royaume carnatique avait déjà été pratiquement annexé par les Britanniques.

Ils disposaient également comme résidence du palais de Chepauk et de Triplicane. Mais les Anglais les confisquèrent en échange d’un édifice indo sarracénique très inspiré par l’architecture moghole. Celui-ci avait été construit pour accueillir des bâtiments administratifs. Les descendants des Nawabs y furent relogés et à partir de 1867 eurent droit à une rente annuelle. La propriété appartient désormais au gouvernement qui y loge toujours les descendants de la famille.

 Ceux-ci ne jouissent plus d’aucun pouvoir mais mènent une vie sociale active et animent de nombreuses œuvres caritatives

Un peu plus loin sur la rue, la maison Gandhi Peak offre une extraordinaire façade blanche. A partir de 10h du matin, la frénésie de la rue et l’abondance d’échoppes occultent totalement ce type de façade. Néanmoins, il vaut la peine de s’y intéresser . On peut alors constater que chaque étage a dû correspondre à un habitant et une volonté différente. Ainsi le propriétaire du dernier a voulu honorer Gandhi. Il a donc fait orner la façade d’une niche avec une statue commémorative à l’effigie du Mahatma.  En continuant le long de Pycrofts Road, on rejoint le centre commercial Express Avenue.

Royapet

Royapet est aujourd’hui connu pour ses grands magasins, comme le centre commercial Express avenue. On oublie pourtant que Royapet fut le coin chic de Madras dans les années 1830. Un quartier résidentiel se développa autour de la toute nouvelle église et de l’école Wesley. Les magistrats et acteurs cherchaient de nouveaux lieux de résidence dans cette zone proche de Mount Road. L’avenue s’affirmait alors comme axe central de Chennai.  Car Fort George devenant exigu, de nouveaux bâtiments de Governement Estate furent construits un peu au nord. La ville commença alors à s’étendre dans cette zone.

Effectivement, le gouvernement changeait de lieu et les employés de la EIC ( East India Company) cherchaient des espaces pour y construire leurs maisons. Royapet offrait de beaux terrains constructibles dans une végétation luxuriante. Il y avait de la place pour construire d’agréables résidences avec jardins mais aussi des écoles pour la nouvelle communauté Anglo indienne.

 Je vous propose aujourd’hui une promenade en deux temps dans ces lieux chargés d’histoire.

Express devenu Mall

Le quartier ne compte malheureusement plus beaucoup de jardins. Le lieu le plus connu est peut-être le centre commercial. Pourtant, on oublie presque que l’un des bâtiments les plus représentatifs de l’élite coloniale occupait les lieux, le célèbre et très exclusif Madras Club. Réservé aux hommes blancs, celui-ci fut fondé en 1832 puis agrandi une vingtaine d’années plus tard. Il ne reste rien des édifices classiques ni du parc. Le club lui-même avec sa façade de temple rappelait l’architecture palladienne de Londres. Les dames ne pouvaient y accéder que pour les bals et les grandes occasions.

 Néanmoins, il fallut augmenter les tarifs pour continuer à agrandir et maintenir les lieux. L’adhésion devenait prohibitive. La concurrence de nouveaux clubs poussa le club de Madras à réduire ses coûts en déménageant dans des locaux plus modestes. En 1947, il vendit la propriété aux enchères et s’installa d’abord à Branson Bagh en face de Church Park School, qui appartenait au Raja de Bobbili. Mais moins de dix ans après ce déménagement, l’état des finances du club obligea à un nouveau changement. Le club migra alors à Boat club où il se trouve encore aujourd’hui. En 1963 en effet, il avait fusionné avec le club d’Adyar et ouvrait enfin ses portes aux Indiens. Avec ses tarifs d’entrée prohibitifs et sa liste d’attente interminable le club reste très sélectif et perpétue une tradition ô combien britannique.

La société immobilière « Express » racheta quant à elle le Club de Madras et donna son nom à l’avenue qui bordait le terrain. Lorsque le centre commercial fut construit, il reprit à son tour le nom pour devenir « Express Avenue Mall ».

L’école Wesley

Pratiquement en face du centre commercial, un autre grand jardin se cache derrière des murs. Il s’agit de l’école Wesley. Celle-ci a fêté ses 200 ans en 2018.

De nombreux missionnaires étaient arrivés à Madras pour fonder des églises. Les Méthodistes, menés à Chennai par l’entreprenant par James Lynch, s’étaient dirigés en 1817 vers Black Town pour y prêcher.

Ils fondèrent un certain nombre d’églises dans la ville et une nouvelle chapelle à Royapet bientôt suivie d’une petite école.  Peu de temps après, la couronne signa une charte pour améliorer l’enseignement en sciences et en langues. Les missionnaires recurent alors l’autorisation d’enseigner en anglais ce que confirma la loi de 1835 officialisant l’instruction en anglais et autorisant la diffusion du christianisme. Le gouvernement garantissait alors des postes aux élèves à peine diplômés pour promouvoir ses écoles.

Puis le système se renforça encore avec des examens d’entrée en anglais. Ceci poussa les élites à faire donner des cours privés à leurs enfants de manière à les avantager pour rentrer dans ces écoles.

L’éducation était fondamentale car elle ouvrait des voies professionnelles. Les églises accueillaient tous les fidèles, contrairement aux temples hindous, et offraient des possibilités professionnelles et sociales nouvelles.

L’école de Royapet est l’une des rares constructions de Chennai dans un style vernaculaire. Le parc, quoique peu entretenu, est spectaculaire par sa taille en plein centre de Chennai.

L’Eglise de Wesley

Juste à côté, l’église située près d’un hôpital accueillait, et accueille toujours, une vaste congrégation pas seulement méthodiste. Il est vrai que les églises reformées se sont unifiées sous la même casquette en 1958 d’Eglise du Sud de l’Inde

la chapelle est devenue église. La grande bâtisse blanche de style néoclassique date de 1853 avec de jolis vitraux modernes. Le faux plafond a disparu lors de la rénovation et l’on a retrouvé la belle charpente d’origine. La quiétude des lieux contraste avec l’animation du carrefour qui donne sur le centre commercial.