Le Paris de Haussmann

Haussmann est indissociable du Paris d’aujourd’hui. Fut-il architecte, urbaniste, ou créateur d’un style ? Fut-il réformateur ou destructeur comme on l’a longtemps dit ? Génie visionnaire ou homme d’une époque ? Bras armé ou âme damnée ?

Paris au milieu du XIXe

Homme providentiel, le baron Haussmann intervient dans un contexte de renouveau de la capitale. En effet, au milieu du XIXe siècle, Paris souffre de divers maux : surpopulation, insécurité, insalubrité et épidémies et surtout (déjà) d’encombrements.

La ville change peu à peu pour s’adapter à de nouveaux défis : la Révolution industrielle, l’explosion démographique, la paupérisation des quartiers anciens et l’éloignement progressif du centre mais aussi les Révolutions. Napoléon 1er puis le Préfet Rambuteau amorcent des changements.

Mais il faut attendre l’action de deux hommes providentiels pour que la capitale se transforme réellement.

Un duo providentiel : Napoléon III et Haussmann

C’est en effet l’action conjuguée de l’Empereur et de son préfet qui vont transformer la ville de fond en comble.

Lorsque Louis Napoléon Bonaparte est élu premier président de la République Française, peu imaginent la volonté dont il fera preuve. Plébiscité, il devient Empereur après le coup d’Etat de 1852 et, fort de ses pouvoirs, va faire de Paris une ville plus belle, plus aérée. Sur le modèle anglais,) il désire la doter d’espaces verts. Philanthrope et préoccupé par les conditions de vie des classes populaires, il souhaite assainir la cité et la rendre plus accueillante pour la nouvelle classe ouvrière. Il veut affermir et légitimer un Empire en plein croissance, faire de Paris une ville modèle de la Révolution industrielle, capitale du Nouvel Empire, connectée, attirante, sûre, aérée, fluide.

Pour ce faire, il a besoin d’un bras armé, qui jouera un peu le rôle d’âme damnée. Il le trouve en la personne de Georges Eugène Haussmann. Huguenot, ce parisien d’origine alsacienne, juriste de formation, devient préfet de Bordeaux, où il est très marqué par les travaux de Tourny. Haut Fonctionnaire ambitieux il se fait remarquer par ses remarquables qualités de gestionnaire et financier. Travailleur infatigable, il s’entoure remarquablement. Pour mener la tâche à bien, Haussmann s’entoure d’équipes compétentes et dévouées, qui l’accompagnent souvent depuis ses postes en province. Il remplace ainsi la bourgeoisie parisienne par un corps de hauts fonctionnaires zélés et travailleurs, notamment des architectes et des Ingénieurs des Ponts et chaussée (Belgrand pour l’assainissement et Alphand pour les parcs).

Les moyens du renouveau :

Pour transformer la capitale encombrée et archaïque, le duo veut améliorer les circulations au départ des gares au moyen de larges boulevards homogènes, assainir la distribution de l’eau, moderniser la ville, mettre en valeur les monuments au moyen de perspectives. Pour ce chantier colossal, Haussmann met en œuvre une méthode qui fera de la ville un chantier pendant ses 17 ans de mandat et bien au-delà. Celle-ci passe par plusieurs étapes :

  • La Cartographie (grâce à l’architecte voyer Eugène Deschamps)
  • La Réglementation : 1853 Commission Siméon. Suivront des lois facilitant les grands Travaux, sur la hauteur des maisons, la largeur des rues. On peut notamment citer la loi sur les expropriations et en 1859, la loi sur l’annexion.
  • Le Financement. Haussmann use et abuse de l’emprunt, de la spéculation, des montages financiers ingénieux.
  • La Destruction. Celle-ci effraye tant les Parisiens, que Haussmann est surnommé l’Attila Alsacien,  ou l’éventreur.
  • Les Percées. Le percement des voies se fait en trois étapes :

-1er réseau : grands axes perpendiculaires (rue de Rivoli/ Bd Sébastopol / Bd St Michel ). On modernise la croisée antique en reliant les lieux de pouvoir du Louvre à l’Hôtel de ville pour créer axe est-ouest vers les Halles.

-2eme réseau, après l’annexion de 11 villages, Paris passe de 12 à 20 arrondissements de 1 à 1,7M.

– Le 3e réseau multiplie les grandes percées.

La dernière étape consiste à Reconstruire. Cette étape se fait de manière systématique et organisée en répétant un modèle d’immeubles alignés, de même hauteur . Le vocabulaire architectural s’uniformise. pierre de taille, balcon filant au 2e et 5e étages. Pour aérer les grandes percées, de grands parcs apparaissent (Buttes-Chaumont, Montsouris). Les grands poumons ouest et est (Bois de Boulogne et de Vincennes) sont redessinés. Des squares à l’anglaises ponctuent les nouveaux quartiers. Les rues s’ornent d’un mobilier urbain dessiné par Alphand. Enfin, Eugène Belgrand repense complètement les systèmes d’adduction d’eau et d’égouts.

Les résultats de l’action du Préfet Haussmann :

  • Des chiffres impressionnants : En 17 ans sont créés 70 voies nouvelles, 9 ponts, 40 000 immeubles, 585 kilomètres de voies, Plus de 20 squares, 2 grands parcs — Montsouris et les Buttes Chaumont — 80 000 arbres d’alignement, bois de Vincennes et de Boulogne.
  • Un nouveau style de vie apparait avec les lieux de fêtes tel l’Opéra. Les premiers Grands Magasins ouvrent. Paris est décloisonnée et le centre reconquis.
  • L’homogénéité architecturale et la mise en valeur des monuments vont inspirer dans les grandes villes de province mais aussi en dehors de la France (Buenos Aires, Berlin, Alger) 
  • Surtout, apparait un nouveau style d’habitat : la maison de rapport. Elle change les répartitions sociales et adapte à la verticale les pratiques de l’aristocratie de l’Ancien Régime.

Le modèle perdure au XXIe s

Les critiques :

Face à l’énorme chantier, la critique enfle, menée par les hommes politiques et intellectuels, dont Victor Hugo à l’origine de la légende noire de l’Empire :
– Le surcout des travaux et l’endettement de la ville.
– Les expropriations et la spéculation effrénée et l’enrichissement de la bourgeoisie et la paupérisation. : la gentrification du centre et l’accroissement des clivages spatiaux (Est Ouest)
– La création d’axes stratégiques et militaires anti-démocratiques
– la systématisation, la monotonie des rues  et la destruction du vieux Paris vivant et populeux et de ses monuments

Critiqué par l’opposition, Haussmann, est désavoué. Il finit sa vie près de Bordeaux en 1891 alors que l’Empire sombre à Sedan (Septembre 1870). Ses travaux survivront néanmoins à la vindicte de la Commune.

Haussmann nous est connu à travers son empreinte édilitaire dans Paris mais aussi grâce aux Mémoires, écrites pour justifier son œuvre après sa disgrâce.

En 17 ans, Haussmann a fait de la ville ancienne et insalubre le Paris moderne des XIX et XXe s : plus qu’un style un système. Ce haut fonctionnaire a donné à Paris son identité.

Pour en savoir plus :

Une réflexion au sujet de « Le Paris de Haussmann »

  1. Le site suivant est en partie consacré aux photos précisément de Marville et c’est très bien fait car chaque photo est analysée, commentée et replacée sur des plans qui définissent l’endroit où le photographe s’est positionné au moment du cliché et montrent les changements intervenus entre le plan d’origine et le plan des rues après travaux !
    http://vergue.com/category/Auteurs/Charles-Marville
    Je l’ai découvert fortuitement il y a quelques jours en faisant des recherches sur la rue Réaumur ( qui est percée à partir de 1853 pour les premiers numéros) et où mes ancêtres maternels, petits commerçants ouvrent une boutique quelques années après le début des travaux au numéro 3 ! Passionnant !
    Merci pour ce résumé et les liens très utiles.
    Amicalement
    Elisabeth

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