Bollywood

Bollywood désigne le cinéma produit à Mumbai. Le terme date des années 1970. En Occident, la pléthorique production indienne est souvent assimilée à cette seule origine. Or les cinémas du sud tirent de plus en plus leur épingle du jeu. 1/4 de la production annuelle uniquement vient de Bombay, rebaptisé Mumbai en 1995.

Naissance de Bollywood

Néanmoins, le cinéma indien est bien apparu à Mumbai lors de la première projection en 1896 au Watson’s, une salle exclusivement fréquentée par les colons . Cette ville alors aux mains du Shah du Gujarat était passée entre les mains portugaises sous le nom de Bom Bahia en 1534. Puis ceux-ci l’avaient donnée aux Anglais en 1661 lors du mariage de Catherine de Bragance et de Charles II.

Très rapidement la population locale, se prit de passion pour le cinéma. L’industrie naissante fut rapidement contrôlée par la communauté parsie. Celle-ci fit de Bombay la capitale du cinéma dans les années 1920. La production de films s’affirma alors avec le textile comme l’industrie la plus importante de la ville. Bollywood existait déjà, avant Hollywood. Cette industrie toujours florissante a connu quelques étapes.

L’arrivée du parlant et le choix de l’hindoustani

Le parlant arrive dans les années 1930. Avec le son naissent les premiers films avec danses et musique. L’industrie, en se développant, affronte une vraie question, celle de la langue dans une cité polyglotte. Car Mumbai accueille une mosaïque de populations (Sikhs et zoroastriens hindous et musulmans). Bollywood est en effet le seul lieu où la langue des films diffère de celle de la rue mais est globalement compréhensible par tous.

Pour atteindre une plus grande audience, on faisait alors appel à des actrices anglo-indiennes. Leur métissage les sauvait du poids de la censure et de la tradition. Les acteurs, à la base venus du cirque, se virent peu à peu remplacés par des chanteurs puis des danseurs avec l’apparition des techniques de playback. Cette spécialité de Bombay s’imposa autour de 1935. De cette époque datent les filmi, ces chansons utilisées avant la sortie des films pour en assurer la promotion. Les chanteurs devinrent alors des stars. C’est d’ailleurs la période où s’impose le vedettariat avec Dilip Kumar, Ashok Kumar ou Raj Kapoor, premier d’une dynastie encore représentée avec Kareena.

Les soubresauts de l’Indépendance.

La partition correspond à un regroupement des élites cinématographiques musulmanes à Bombay.

Avec l’indépendance en 1947, la politique des Anglais de diviser pour mieux régner sépare en 2 entités éloignées de 1500km les majorités musulmanes. Se pose la question du Punjab très musulman mais aussi berceau de la foi Sikh. D’énormes mouvements de population entrainent morts, famines et drames. On parle de 10 à 15 Millions de déplacés. L’industrie du cinéma en bengali s’’écroule à Calcutta tout comme celle en Punjabi basée à Lahore. Bombay, promue capitale économique, va bénéficier de la division territoriale en attirant les artistes et s’affirmant comme la plateforme nationale.

Les poètes ourdous se reconvertissent alors en scénaristes ou écrivent les chansons et maintiennent la tradition littéraire. Mais l’austérité de la nouvelle nation ne profita pas au cinéma. Censure et promotion des spectacles classiques indiens tels la danse  et la musique allaient à l’encontre du cinéma, cet héritage anglo-saxon et colonial.

L’ère de la télévision et des héros ordinaires.

Dans les années 70/80, l’Inde connut une grande crise. Politiquement, la corruption, socialement le contrôle des naissances et le programme de nettoyage des bidonvilles mené par Sanjay Gandhi mais aussi les déplacements eurent des répercussions cinématographiques. Fini les films patriotiques ou les drames familiaux aux héros courageux. Les années 1980 s’ouvrirent sur plus de violence et traitèrent de sujets nouveaux comme la justice, l’insécurité, les problèmes d’emploi. La mode de l’homme ordinaire, devenu héros  malgré lui naquit avec le  « Western curry » Shalay.

Les années 1970/80 marquent aussi la naissance du cinéma masala . Le héros romantique des années 1950 y devient un travailleur plus énegique dont l’histoire va mélanger revanche, danse, chansons avec une pincée de populisme. Ce nouveau style profita d’un medium nouveau. En effet à la fin des années 1980, la télévision se diffusait. Avec elle une réorganisation de l’industrie cinématographique, faisant du petit écran l’accompagnateur, le promoteur, le diffuseur, du grand écran.

Les années 1990 et l’ouverture

Depuis les années 1990, le cinéma indien, comme l’ensemble du pays s’ouvre de plus en plus vers le reste du monde.

D’abord dans la réalisation puisque les conflits récurrents dans le Kashmir ont obligé les équipes à tourner les scènes de montagne non plus dans l’Himalaya mais en Suisse. Le Lauenensee  porte d’ailleurs le nom de Chopra, tant le réalisateur indien y a tourné.

La Suisse devenant trop chère, les réalisateurs et producteurs indiens explorent maintenant les montagnes slovaques et alentours. En montrant d’autres pays, le cinéma indien, s’ouvre à des audiences étrangères. Il touche également sa diaspora. Avec et pour ce public renouvelé, de nouvelles thématiques apparaissent. Des héros plus humains, moins clinquants. La célébration de l’identité culturelle ou des succès économiques remplacent peu à peu  le patriotisme ou l’exaltation de la vertu indienne.

Depuis 2000, la mode planétaire de Bollywood.

Depuis 2001 et le succès planétaire de Lagaan, le monde fait des œillades à Bollywood. Ce succès fut le premier à toucher des communautés de la diaspora ou d’autres anglophones non indiens. Suivi de succès Anglo indiens comme « joue-la comme Beckham » ou « Monsoon Wedding ».

Hollywood louche désormais sur le cinéma version indienne avec chants et danses comme véhicules d’émotion. En Inde, cela permet d’éviter les baisers ou autres scènes hautement censurables. L’industrie du disque a bien compris l’énorme intérêt de ce modèle. En Inde en effet 80% de la production musicale correspond à des musiques de films. Et celles-ci, tout comme les images ont évolué selon les modes de la musique et poésie traditionnelles ourdoues à des sons plus modernes et universels. Les 150 à 200 films annuels sortis des studios de Bollywood garantissent en effet un flot de « filmi » (musique de film) quasi continu.

Même les Français s’y mettent, à Cannes avec 1 film indien en compétition. Et une grande exposition à l’automne 2023 au Musée du Quai Branly.

Les 3 Khans

Pour faire suite à mon article sur les nombreux acteurs portant le nom de Khan, voici cette semaine un focus sur les 3 Khans les plus célèbres.

Des destinées cinématographiques parallèles pour les 3 Khans

Outre leur nom, et donc leurs origines religieuses les 3 Khans connaissent des destins relativement parallèles

  • Salman, Aamir et Shah Rukh sont tous les 3 nés en 1965
  • A eux trois, ils sont parmi les plus grandes vedettes de Bollywood. Ce terme regroupe, l’industrie cinématographique indienne en langue hindi basée à Mumbai.
  • Tous les 3 partagent la même popularité et la même longévité. Ils dominent le box-office indien depuis les années 1990, avec une petite éclipse seulement.
  • Ils font d’ailleurs partie des acteurs indiens les plus primés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, mais aussi des plus riches au monde. Shah Rukh et Salman font partie du club des 10 acteurs le plus riches au monde.
  •  Ils comptent parmi les Indiens les plus célèbres connus à l’étranger et parmi les plus grandes stars de cinéma au monde. Ils ont joué dans les 15 films le plus rentables de Bollywood.

Mais des personnalités bien différentes

Aamir Khan, le perfectionniste

Il a la réputation de faire moins de films mais d’accorder une grande attention au contenu et à  la qualité. D’où son surnom de “M. Perfectionist”. Très populaire en Inde, il l’est également à l’étranger, en particulier en Chine. Ce qui fait de lui une superstar dans les deux pays le plus peuplés du monde notamment grâce a son travail d’acteur et de producteur après 2001. Dans Lagaan  il a obtenu une nomination aux oscars pour le meilleur film étranger et de nombreux prix. En 2007 il est passé à la réalisation avec Taare Zameen.

Ses plus grands succès commerciaux sont venus avec le thriller Ghajini en 2008, la comédie romantique 3 idiots en 2009, la satire PK en 2014 et le drame Dangal en 2016.

Salman Khan, le tigre de Bollywood

Abdul Rashid Salim Salman Khan, plus connu sous le nom de Salman, est peut-être celui des trois au physique le plus avantageux.  C’est l’un des acteurs le plus populaires, influents et rentables au box-office. Il est très apprécié dans toute l’Asie. Il est passé des drames ou comédies romantiques dans les années 1990 aux rôles de justiciers ou de redresseurs de tort. C’est un peu le Sylvester Stallone du cinéma indien. Après une éclipse, il est revenu en haut de l’affiche depuis 2010 dans des films d’action à gros succès commercial.

Shah Rukh Khan, le Roi de Bollywood

Shah Rukh est souvent considéré comme la plus grande star de cinéma au monde. En Inde on le surnomme tout simplement le roi de Bollywood ou le Roi Khan (King Khan). Communément appelé SRK, Il est d’abord apparu dans des rôles de méchant puis dans plusieurs histoires d’amour romantiques à succès.

Avec la centaine de films dans lesquels il a joué depuis les années 1990 , il est devenu ces dernières années le champion du box-office et le chouchou de ses concitoyens. Il semble capable de tout jouer et son charisme est indéniable. En 2023, il joue le rôle principal de deux des plus gros succès commerciaux de l’année, Pathan et Jawan. Il incarne souvent un héros social et n’hésite pas à véhiculer des messages politiques. Il exprime d’une certaine manière l’identité nationale indienne. Extrêmement aimé, il a également été honoré d’une multitude de prix. Il est même chevaliers des arts et des lettres et récipiendaire de la Légion d’honneur francaise.

Le festival des Khans

En compétition cette année avec la croisette, je vous propose mon festival des Khans.

Le festival des Khans loin de Cannes

Le palmarès cannois de l’année dernière (entre autres) m’a passablement excédée. C’est pourquoi, je vous offre une compétition annexe, celle du cinéma indien généralement réduit à Bollywood. C’est il est vrai dans la capitale historique du 7e art du sous-continent indien que brillent un certain nombre d’étoiles dénommées Khans. En général on parle des 3 Khans mais il y en a bien d’autres. Nombreux sont en effet les stars du grand écran indien à porter ce patronyme bien musulman. De nombreux Khans de Bollywood appartiennent notamment à la communauté ethnique Pathan de l’Inde, avec des racines à Khyber Pakhtunkhwa au Pakistan actuel.

Le premier des Khans

Dans la chronologie, le premier Khan (après Gengis bien sûr et je ne parle ici que du cinéma) s’est illustré sous le nom de… Dilip Kumar. Cette vedette des années 1950/60 a brillé dans des films de cape et d’épée, des drames sociaux et des comédies. Il a connu son plus grand succès commercial en tant que prince Salim dans le film historique épique à gros budget de K. Asif, Mughal-e-Azam. Néanmoins, peu de gens savent que le vrai nom de l’acteur fétiche de Bollywood était Muhammad Yusuf Khan. En ce sens, on peut le nommer le 1er de ce festival des Khans. On lui attribue le mérite d’avoir apporté du réalisme au cinéma dans le sous-continent indien. Il a été un des pionniers du jeu naturel, type Actor’s studio. Par son jeu mais aussi son statut, il est un peu le père des vedettes indiennes.

Un des Khans à la semaine des réalisateurs à Cannes 

Une autre grande pointure de Bollywood, décédée récemment en 2020, est Irfan Khan. Très primé au niveau national il a connu une carrière internationale dans des films aussi variés et connus que  Lunchbox, Life of Pi, New York, I Love You, A Mighty Heart, The Amazing Spider-Man et Jurassic World, Slumdog Millionnaire, avec un rôle vedette aux côtés de Tom Hanks dans l’adaptation 2016 du roman Inferno de Dan Brown.  Il a un peu joué les cautions indiennes dans un certain nombre de productions américaines. Connu et reconnu, on l’a souvent surnommé le 4eme Khan tout comme Saif Ali Khan.

Un quatrième Khan ex aequo

Saif Ali Khan est lui aussi parfois appelé le “Quatrième Khan”. Il a connu son heure de gloire dans les années 2005 essentiellement dans des comédies romantiques. Il vient d’une famille illustre. De fait, il est lié à la famille de Tagore par sa mère. Plus encore, par son père professionnel de cricket, il est l’un des derniers nawabs. Sa carrière a connu des hauts et des bas.

Outre ces trois Khans connus il y en a trois autres, vedettes incontestées des écrans. leurs destins sont parallèles même si chacun développe une personnalité  et une carrière bien particulières. La semaine prochaine je vous parlerai de Salman, Aamir et Shah Rukh. D’ici là, allez les découvrir au cinéma ou sur des plateformes en ligne.

Le doublage du cinéma indien

Le doublage du cinéma indien est monnaie courante et plus particulièrement dans les régions du sud. En effet, l’une des particularités du cinéma indien est de devoir composer avec la multitude de langues et donc de devoir offrir des possibilités de sous titrage et de doublage.

Photo Aura Studio

La problématique linguistique au cœur du doublage du cinéma indien

Le sous-continent compte en effet plus de 20 langues officielles. Celles du Sud, dravidienne n’ont aucune base commune avec celles du nord. Du coup le cinéma s’adresse non pas au milliard et demi d’habitants mais à une portion d’hindiphones, tamoulophones ou autre.

studio de doublage à Chennai

Si l’hindi s’impose relativement dans le Nord et peut être compris dans de nombreuses provinces il est en revanche très mal considéré dans certaines régions au sud du Plateau du Dekkan et notamment dans le Tamil Nadu. Une grande partie du public peu éduqué ne va en effet voir que les films tamouls, ou à défaut doublés en Tamoul. D’où le développement de studios dans chacune des grandes capitales régionales et linguistiques. Ainsi Tollywood produit le cinéma du Telangana et de l’Andhra Pradesh dont la capitale conjointe est Hyderabad. Ce cinéma a particulièrement le vent en poupe avec deux énormes succès récents Baahubali et RRR, couronné récemment par l’oscar de la meilleure musique originale.

double affiche de Bahu Baali, l'une en tamoul, l'autre en Telougou

Kollywood, un cinéma restreint au Tamoul

A Chennai, ce sont les studios de Kollywood qui diffusent un cinéma en Tamoul. Cependant ces cinémas pour gagner une audience plus large sont souvent tournés en plusieurs langues.

Baahubali est peut-être justement l’exemple le plus connu de film tourné en telugu, sa langue d’origine et simultanément en tamoul. Un seul des acteurs est Tamoul et célèbre. La plupart des acteurs se sont doublés eux-mêmes. Seuls les plans rapprochés sont tournés une nouvelle fois dans la seconde langue de manière à faire coïncider le mouvement des lèvres et le son.

 Dans certains films, même les inscriptions changent selon le public concerné. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie du public n’est que faiblement alphabétisée. Elle n’est surtout pas forcément alphabétisée dans la langue de son état de résidence et ne peut donc pas lire de sous titres ou pas suffisamment rapidement. Les différentes langues indiennes ne reposent effectivement pas sur le même alphabet. Ainsi lire dans sa langue d’origine n’implique pas que l’on puisse lire une autre langue pour autant pratiquée à l’oral. On pourrait ici parler d’analphabétisation relative. C’est pourquoi, les sous-titrages en anglais sont relativement fréquents. L’anglais est en effet la langue la plus commune et la plus utilisée dans les études.

Pathaan en Hindi

Les studios de doublage du cinéma indien abondent, disséminés un peu partout dans Chennai. Cependant, ils s ne sont pas toujours très visibles. Le studio typique consiste en une salle insonorisée avec un pupitre et un gros micro, un écran de cinéma de petite taille à quelques mètres en face, et les ingénieurs du son avec leur matériel audio derrière une vitre.

Le doublage une activité florissante

Depuis les années 2000, le doublage est devenu une activité florissante grâce notamment aux progrès dans le digital. Les ingénieurs du son ont affiné leur spécialité et recalent les voix ou les modifient le cas échéant pour correspondre au personnage. Les doubleurs, eux, ne doublent plus forcément un artiste mais plusieurs, en fonction du sujet ou du personnage. Le milieu s’est modernisé, et même syndicalisé. Doubler en Inde est aujourd’hui un métier reconnu, voire recherché. Du fait de la professionnalisation croissante, les interprètes de doublages sont de plus en plus connus. Mais également de plus en plus chers. Aujourd’hui, pour accéder à ce métier de plus en plus valorisé et recherché, il existe même des formations universitaires.

Les acteurs de doublage, car il s’agit de véritables acteurs, travaillent uniquement en post production. La plupart du temps, leur scène se limite à un studio. On leur demande un échantillon de voix qui doit coller à un ou plusieurs personnages mais surtout à des situations. Car tels de véritables acteurs, les doubleurs se doivent de faire passer les émotions par leur simple voix.

Pathaan affiche en tamoul d'un film hindi doublé

Lors du doublage, le nom du film n’est pas toujours connu, il peut être donné bien en amont du montage. Chaque scène fait l’objet de nombreux essais pour bien caler la voix à l’image. L’acteur ne reçoit pas de script mais un papier un stylo qui lui permettent de noter les dialogues des  scènes qu’il visionne. Cela permet de vraiment interpréter le rôle. La difficulté consiste à coller à la durée du mouvement des lèvres des acteurs visibles à l’écran et à l’intonation voulue par le réalisateur.

Le doubleur un interprète dans tous les sens du terme

matériel de prise de son

Les langues sont variées. On peut ainsi demander à un artiste du sud de doubler un acteur hindi en plusieurs langues dravidiennes. Il n’est pas rare en effet que les acteurs maitrisent plusieurs langues. Il arrive qu’un doubleur puisse doubler en 2, 3 voire 4 langues du sous-continent indien. Certains indiens ont en effet des parents de régions, et donc de langues, différents. D’autres sont scolarisés en deux ou trois langues. D’autres encore, parce qu’ils changent d’Etat pour une raison ou une autre, se voient contraints à apprendre une ou plusieurs autres langues. Il n’est donc pas rare que les Indiens parlent, sans forcément écrire, trois, quatre voire plus de langues en plus de l’anglais. On a alors affaire à des véritables spécialistes de l’interprétation au sens large. En effet il s’agit d’interprétation en matière linguistique et au sens théâtral.

Pourquoi RRR n’est pas un film Bollywood

Pour rebondir sur la polémique et contrairement à ce qu’on lit dans les journaux occidentaux et ce que pense Jimmy Kimmel le présentateur des oscars, RRR n’est pas un film Bollywood, mais un film Tollywood, c’est à dire du Telangana . Voici pourquoi.

Aller au cinéma à Chennai

RRR, typique d’un cinéma régional

RRR, ce film évênement braque les projecteurs sur le cinéma indien et plus précisement le cinéma du Telangana, cette petite région créée à partir de l’Andar Pradesh et dont la capitale est Hyberabad. Les 3 R illustre la montée en puissance des cinémas régionaux et notamment du Sud. En effet, en Inde, le cinéma correspond à de nombreuses industries locales. Bollywood fabrique des films à Bombay devenu Mumbai. Alors que RRR est un film de Tollywood et typique du Telangana. Varisu est issu des studios de Kollywood (quartier de chennai) et est typique du Tamil Nadu. Mais on compte également des studios dans le Karnataka (Sandalwood). Dans le Kerala, on parle de Mollywood.

Tollywood s’affirme de plus en plus avec des blockbusters tels Baahubali, et maintenant RRR.

Une différence linguistique

Cette différence de lieux implique une différence de langue et de culture. Celle-ci est la base de la polémique. Bollywood tourne et produit des films en hindi, langue du gouvernement central dont la tendance est de s’imposer à l’ensemble du pays. RRR est tourné en Telugu, doublé d’emblée en tamil pour concerner un marché plus important, celui du sud qui s’oppose culturellement et linguistiquement au Nord de l’Inde.

seule réponse au problème linguistique : doublage ou sous-titres

Un cinéma plus traditionnel

Bollywood représente le cinéma dit mainstream. Or, ce cinéma caractérisé par ses couleurs et ses numéros dansés et chantés, ses scènes de foule, tend à s’occidentaliser.  De plus en plus, on voit des films à thèse, avec des sujets sociaux, tel « lunchbox », Gangubai, . En revanche le cinema du sud reste plus traditionnel avec des thématiques et personnages empruntant davantage à la mythologie.

Par ailleurs, le cinéma du Nord tend à loucher sur des thématiques occidentales, avec des sujets et de traitements parfois osés pour le pays : drogue, prostitution, sexe, alcool, homosexualité. Le cinéma du sud, lui, reste beaucoup plus conservateur, avec des sujets mythologiques, historiques, familiaux voire, quoique plus rarement, sociétaux. Il est plus tourné vers l’action.

Un cinéma de héros

Les acteurs sont des « héros » locaux et le public se bat pour eux et leur voue un véritable culte. A Chennai, les fans de Vijay en viennent à se battre contre ceux de Ajith Kumar. Ils ont même des trajectoires régionales politiques, comme les Chief Minister du Tamil Nadu.  Les canons physiques diffèrent du Nord. Aux héros clairs, quasi européens, et sportifs du Nord s’opposent les baraques dodues et barbues des films du sud.

Un héros moustachu et dodu typique du cinéma du sud de l’Inde

RRR, un flm avec danses et musique

Danses et musiques diffèrent également selon les puristes. Les instruments, les rythmes, les danses ne sont pas les mêmes.  Les chansons, reprises par le public et diffusées sur les ondes avant la sortie des films, ont des résonnances et significations locales. Même si vu et entendu de loin, tout cela semble semblable, ne bondirions-nous pas si on nous disait que West Side Story ou les parapluies de Cherbourg, chantés dansés sortent des studios de Bollywood ?

Comme le dit SS Rajamapouli, auteur du doublé BaahuBali et RRR, lui utilise la musique et la danse pour faire avancer l’intrigue pas pour servir de charmant intermède. Ainsi la fameuse scène de « Naatu Naatu » sert-elle de compétition entre les deux héros mais aussi de pacte d’entraide. D’ailleurs cette injonction, naatu, est un verbe telugu qui signifie ici “danse”et peut être compris dans les langues dravidiennes du sud alors que le hindi, au Nord, repose sur des racines et des mots totalement différents.

Des budgets plus limités

Enfin, les Budgets n’ont rien à voir entre la grosse machine Bollywood et les budgets souvent plus restreints des  studios du sud. Ce même si les récents succès en telugu promettent un changement. Le quasi bricolage de poductions comme Varisu ou Sir n’a en effet rien à voir avec les effets de Paathan.

Varisu

Il faut reconnaitre que la frontière est souvent ténue entre Bollywood et les reste de la production indienne. Les ingrédients sont souvent semblables : amitiés masculines, histoire d’amour, action, danses et chants. Pour autant, n’oublions pas notre statut d’exception culturelle française lorsque nous regardons un film indien et essayons de comprendre pourquoi le sujet de la langue, de la culture, du rayonnement importe autant depuis Chennai, Bengalore ou Hyderabad.

Par ailleurs la vogue Bollywood permet aussi à RRR d’être considéré et son doublage en hindi sur Netflix lui donne une plus large audience.