Udaipur pratique

Avant de partir à Udaipur, nous n’avons pas trouvé de guide pratique. Les blogs ne donnaient pas suffisamment de précisions pour organiser nos visites. Nous sommes donc arrivés la fleur au fusil et avons acheté un petit livre une fois sur place. En dehors de liens d’affiliation, nous n’avions en effet rien trouvé pour nous aider à organiser le voyage. Voici donc quelques indications pour vous faciliter le séjour dans cette jolie ville.

Arriver à Udaipur, quelques conseils pratiques

Udaipur se découvre souvent dans le cadre d’une visite large du Rajasthan, voire du classique triangle d’or.  Les visiteurs viennent dans ce cas souvent en voiture avec chauffeur. Cette option reste facile et pas trop onéreuse en Inde. Il est de toute façon inenvisageable de conduire pour un Européen, qui plus est pour une durée limitée. La circulation est trop chaotique et anxiogène pour l’envisager lors d’une visite de découverte ou de détente.

Une autre option consiste à arriver en avion. L’aéroport est loin de la ville (1 bonne heure) . Le mieux est de prévoir un taxi prépayé. Sur la route, on passe par zinc city. La richesse de la ville repose en effet sur l’extraction de ce métal, sur les carrières de marbre mais aussi sur le tourisme.

Enfin, On peut prendre le bus. C’est plus folklorique mais les arrêts sont aléatoires. Il vaut mieux charger l’appli, voyager léger et être sportif . Car le bus n’attend pas et il faut parfois monter ou descendre au vol. Le trajet entre Jodhpur et Udaipur dure 5h. Selon le prix , le confort varie. Un bus climatisé garantie un voyage assis et relativement confortable.

Près de la gare ferroviaire et routière un hôtel très propre avec un personnel adorable, le Raghunandam Palace. Je le répète je ne gagne rien sur ce site et refuse les liens d’affiliation et lorsque je donne des adresses, c’est que je les ai essayées et appréciées.

Visites de Udaipur, quelques conseils pratiques

Nul n’est besoin de guide dans cette ville relativement petite mais très lisible. Elle remonte au XVIe siècle ce qui permet de dater rapidement les édifices.

Le superbe Palais se voit de loin et les principaux temples se trouvent le long de la voie royale. Au Palais, la belle muséographie et les nombreux cartels permettent de se repérer aisément le long d’un itinéraire fluide.

Pour faire le tour du Lac Pichola, il suffit de repasser dans la première cour du palais juste à côté du joli restaurant (dans lequel vous pouvez gouter cette spécialité du nord le jus de mangue verte). Devant une grande grille, la billetterie vend des sésames pour les fastueux appartements privés (et le trésor) du Palais royal. Avec en prime la collection de cristal proprement ahurissante. Cette billetterie délivre également les tickets pour les bateaux. Une fois le billet acheté, il suffit de suivre la route en lacet en descente puis de gagner les chaises dans le jardin au bord du lac. Les bateaux passent régulièrement et partent dès qu’ ils sont remplis. Ils vous ramènent à peu près au point de départ.

Vous pouvez aussi accéder au Palais et à l’embarcadère depuis l’autre entrée du Palais royal près du temple de Ganesh. Les bateaux ne s’arrêtent que sur l’ile et l’Hotel Jagmandir avec 20mn d’attente entre chaque bateau, le temps de visiter les toilettes et déguster une glace.

La ville ancienne est suffisamment ramassée pour s’y déplacer à pied.

Dormir à Udaipur,

Je vous conseille de laisser de côté les hôtels classiques et de préférer les palais ou les Havelis pour profiter pleinement de la magnificence du Rajasthan.

Le Chunda palace est grandiose, ambiance Maharadja garantie, chambres kitchissimes, personnel adorable, magnifique piscines intérieure et extérieure, terrasse idéale pour diner ou déjeuner en tète à tête dans de petites tourelles de contes de fée dominant le lac. Une impression de luxe et d’espace rare.

On peut préférer le Ambet Palace plus proche du centre, très beau, plus colonisé par les touristes. C’est un superbe hôtel boutique. Doté d’un magnifique restaurant Ambrai avec très belle vue sur le palais depuis la terrasse, très fréquentée.

Pour ceux qui disposeraient d’un budget à rallonge, le plus luxueux est a priori l’Oberoi qui colonise les bords du lac dans un parc sublime. Avec le risque de tous les palaces en Inde, les grands mariages.

Toujours pour les visiteurs en recherche de luxe, le Taj sur sa petite ile privée. Pour le reste, la vieille ville abonde en petits havelis plus ou moins équipés, rénovés. Ne croyez pas au Père Noël, la vraie bonne affaire ne court pas les rues et l’Inde n’est pas la Thaïlande. L’hôtel bon marché est forcément plus basique. Attention également aux “reviews”. Les commentaires émanent souvent des proches de l’aubergiste et les critères des voyageurs indiens ou Anglo saxons ne sont pas toujours ceux des Français.

Manger à Udaipur

Les jolies terrasses en hauteur qui pullulent dans la vieille ville ne sont pas bien juste parce qu’elles sont notées par les guides traditionnels ou les instagrammeurs. Elles sont juste photogéniques et souvent conformes au goût européen. Si vous n’avez pas envie de sandwich club ou de “velvet cake”, n’hésitez pas à vous aventurer et goûter des plats vraiment locaux. Les cuisiniers sont habitués aux touristes et capables de moduler les épices. Il coûte souvent moins cher de prendre un repas rajasthani dans une jolie cour arborée qu’un simili hot dog ou une sucrerie pseudo occidentale. De la même manière, l’eau de coco fraiche est une alternative saine, hygiénique, locale et environnementale au coca.

Décembre à Mars sont des mois très touristiques, encore une pointe en avril pour le festival de Gangaur,  puis le tourisme décroit ainsi que les prix, mais la chaleur, elle, monte. Cette fête haute en couleurs célèbre les épousailles de Shiva et Parvati et le bonheur marital. C’est aussi la fin de l’hiver avec des idoles portées en procession  bruyante vers les embarcadères.

Udaipur insolite

Aujourd’hui je vous propose de découvrir un Udaipur plus insolite. La semaine dernière je vous ai fait découvrir les indispensables de la ville, à savoir le Palais, le lac Pichola et la vieille ville. Si vous disposez de plus d’un jour et que vous n’en souhaitez pas forcément faire une visite traditionnelle, voici quelques idées.

Verdure et fraicheur Lac fateh Sagar

Vous pouvez vous aventurer un peu plus loin que le lac Pichola. La ville tend d’ailleurs à s’urbaniser de plus en plus loin. Néanmoins le lac Fateh Sagar reste encore relativement peu construit. On y accède au-delà d’un quartier résidentiel et d’un beau parc. Des zones de cabotage dont raffolent les Indiens permettent de relier l’une des quatre iles et notamment l’ile Nehru. Le boulevard est longé de parcs. Mais si la foule indienne en délire ne vous fait pas fantasmer, depuis l’embarcadère vous pouvez facilement marcher jusqu’à la jolie promenade au milieu du lac (Pal ou Fateh Sagar Pal) avec de jolies vues depuis des petits belvédères ouvragés. (chhatri du 19e). Elle permet d’observer (voire de rejoindre là-haut dans la montagne) le Palais de la Mousson, observatoire d’où étaient calculées les moussons.

Depuis la promenade et l’aquarium au travers d’un quartier résidentiel nouvellement construit on accède au magnifique parc.

Saheliyon ki Badi Garden, un beau jardin d’Udaipur insolite

Ce parc privé regroupe des jardins royaux. Situé près du lac et de ses embarcadères il remonte au 18eme siècle. Il était réservé à la reine et ses filles et cousines. Reconstruit il s’enorgueillit de bassins. Il est admirablement entretenu et c’est un plaisir de profiter des jeux de fontaine et des parterres. Enfin un lieu où se promener.

Cénotaphes royaux et zone archéologique

Un peu à l’extérieur de la ville (3km) et mal entretenus vous trouverez quelques monuments d’Udaipur insolite. Il s’agit des cénotaphes royaux et du cimetière Ahar,  

 On ne peut guère entrer dans l’enclos mortuaire. En revanche on peut le contourner et admirer la variété architecturale des quatre siècles durant lesquels ces mausolées musulmans ont été érigés.

Le long de ce cimetière royal, un bassin à crémation royale (Gangaudbhav Kund). Ce lieu est étonnant car il est considéré comme vivant. Les pèlerins y déversent des offrandes. Les gamins s’en offusquent et montrent aux adorateurs récalcitrants les panneaux demandant de retreindre les offrandes alimentaires dans l’eau. C’est qu’il se rafraichissent dans l’eau et sont très conscients de la pollution apportée par ces miettes malvenues. De petit sanctuaires et un temple à Shiva alternent avec les bassins dans ce lieu fréquentés par de très rares touristes.

La route mène pourtant au tout neuf musée archéologique (Ahar Museum) érigé à même un site chalcolithique sur un mound. Outre les poteries remontant au 2e millénaire avant notre ère on peut y admirer des sculptures qui s’étagent entre les 8e et 17e s.

Si on tourne le dos à ces sites pour revenir vers la vieille ville on voit, à main gauche, un énorme temple jain. On discerne en revanche à peine sur la droite, cachée par la végétation, une extraordinaire Gopuram du 10eme siècle magnifiquement sculptée (Bhaktimati Meera Bai Temple). Cela vaut le coup de passer/ pousser la barrière pour s’aventurer dans les décombres. Les sculptures y sont en effet merveilleuses et datent de la période préislamique. Le monument adopte le style Maru Gurgjara avec des murs très sculptés sur un socle haut.

Des voitures et de la verdure près du centre ville

Plus dans le centre-ville , d’autres visites de Udaipur insolite.

Vous pouvez commencer par vous balader dans Bapu Bazar peut être moins touristique que celui de Jaipur mais vraiment local. C’est là que les locaux mangent et vous y trouverez de nombreuses et bonnes spécialités.

Regagnez alors le musée de l’automobile (voitures anciennes) pas forcément pour le visiter mais pour admirer sa structure art deco, rare à Udaipur.

 De là, vous pourrez faire une petite halte dans le Garden Hôtel et gagner le parc Gulab Bagh. C’est un grand parc d’époque coloniale. Des Anglais, subsiste le Victoria Hall musée transformé en bibliothèque On y voit des puits (Baori) il y en a 3 importants mais moins spectaculaires que les réservoirs à degré de Jaipur ou Jodhpur . Le Naulakha Baori, le Kamal Talal Baori Kuttewalli Baori. Ils attestent néanmoins du système souterrain de conservation de l’eau, si nécessaire en ces territoires arides…on traverse alors le parc pour regagner la sortie coté palais royal devant le petit temple de Ganesh. D’ici on peut accéder à la porte du Palais (Pol), rentrer dans le palais ou prendre ses billets pour caboter dans le lac

Du jardin, on gagne aussi la vieille ville d’Udaipur. On peut la traverser pour regagner les ghâts et notamment le magnifique musée tout près du Gangaur Ghat.

Un air de Grand canal vénitien

Le musée Bagore ki haveli présente d’étonnantes collections de turbans, jeux,  vêtements. C’est une vraie découverte même hors saison de festival. Evidemment si vous pouvez caler cela avec les festivités de Gangaur cela devient grandiose mais le musée avec ou sans spectacle vaut vraiment le coup. D’abord parce qu’il permet de visiter un ensemble de maisons anciennes magnifiques et intelligemment rénovées. Les collections évoquent les traditions, d’hier et d’aujourd’hui. On y comprend mieux le déroulé d’un mariage, Cerise sur le gâteau, les vues sur le lac donnent l’impression de se trouver dans un palais vénitien sur les bords du Grand canal. Bref un vrai bon moment loin de la foule.

Udaipur

Les incontournables d’Udaipur

Il n’est pas forcément facile de se rendre à Udaipur et c’est bien dommage car la ville est splendide. Alors, voici les immanquables à mon sens. Si vous n’avez que quelques jours à disposition et que vous voulez vérifier sur place les belles images de Octopussy, ce James Bond un brin vieillot des années 1970, voici quelques idées.

C’est une ville relativement récente, fondée au XVIème siècle. Elle conserve son esprit musulman. Relativement petite selon les standards indiens, (600 000 hab), vous pouvez vous passer de guide et de chauffeur. Vous vous concentrerez dans un premier temps sur la vieille ville et les bords du lac Pichola.

Le fantastique Palais, incontournable d’Udaipur.

Il faut compter près de 3 heures le temps de déambuler dans les salles du City Palace. Même si vous esquivez l’armurerie, pourtant admirablement présentée ce qui en Inde est suffisamment rare pour être souligné, le palais  de la dynastie Mewar est énorme.

On commence par l’aile consacrée aux hommes avec ses salles aux murs incrustés de pierres semi précieuses, ou de miroirs et de verres colorés, grande spécialité locale. Les pièces s’articulent autour de tours aux admirables points de vue sur les lacs. L’ensemble est particulièrement bien entretenu.

Le Zenana ou harem ou aile des femmes est moins spectaculaire mais présente la condition de la femme enclose derrière les hauts murs. Il mène à une section muséale consacrée à l’histoire de la ville, de la dynastie régnante mais aussi à une collection d’objets en métaux parmi lesquels d’exceptionnels palanquins en argent.

Pour ceux qui trouveraient la visite insuffisante, une petite partie gouvernementale du musée se trouve tout près de l’entrée des appartements royaux sur la gauche. Autour d’un délicieux jardin, cette section payante en plus mais des clopinettes, abrite un musée à l’indienne. En effet, les galeries n’ont pas vu un coup de chiffon depuis le départ des Anglais…pour autant des miniatures mogholes fantastiques valent d’affronter la vétusté.

Juste à la sortie du Palais, beaucoup plus chers, les appartements royaux ruissellent d’argent, de perles en tous genres etillustrent la notion de kitch.

Le lac Pichola

Autre grand incontournable des visites de Udaipur, le tour du lac Pichola. Car l’originalité d’Udaipur est sa construction sur un système de lacs artificiels.

 Nous avons un peu ramé c’est le cas de le dire pour comprendre comment le faire. Pour autant, c’est une chouette excursion qui permet d’aborder les ghats (embarcadères) depuis l’eau. Les petits bateaux accommodent une quinzaine de personne et partent dès qu’ils sont remplis. Leur cadence varie entre 20mn et 1h selon l’affluence. Ils partent du parc du Palais remontent vers le Gangaur Ghat. Juste avant l’entrée du Palais, il suffit de traverser la grande grille ouvragée et d’acheter son billet pour les bateaux ou les appartements royaux.

De l’embarcation, on jouit d’une jolie vue sur le temple Mohan construit sur un petit ilot juste en face. Puis on passe le long du tout petit Hanuman Ghat et on longe le Ambrai Ghat en pointe, avec son jardin fatigué. Les bateaux contournent alors l’ile occupée par l’hôtel Taj. Le complexe s’appelle Lake Palace et seules des petites embarcations privées liées à l’hôtel y accostent. Inutile d’imaginer le visiter si vous n’y logez pas. Vous ne verrez donc pas Vous ne verrez donc pas Roger Moore puisque c’est au Raj que se situe une partie d’Octopussy.

En revanche une halte est proposée à l’hôtel Jagmandir. On peut en profiter pour prendre une consommation, visiter le joli petit musée ou se promener dans les jardins, très plaisants. Au retour, les petits esquifs vous ramènent là où ils vous ont pris en charge.

La vieille ville d’Udaipur

Au retour de cette excursion en bateau, la chaleur est un peu tombée et il est possible de visiter la vieille ville à pied. Poussiéreuse et encombrée, celle-ci ressemble assez à une Medina proche orientale. Les ruelles tortueuses regroupent les petits métiers par corporations.

Peu de blogs ou de sites dissertent sur ces balades mais un petit livre bien fait donne quelques itinéraires que je vous résumerai dans une prochaine publication.

Néanmoins, si la saleté vous rebute, ces balades ne s’imposent pas forcément. Elles sont pourtant l’occasion de découvrir de jolies maisons bourgeoises pour les familles jointes, les havelis.

 La vieille ville de Udaipur est également incontournable si vous aimez les temples. Juchés sur des escaliers pentus, ceux-ci ne ressemblent en rien aux temples du sud. Blancs, ils comptent des tours pyramidales qui ne sont pas si éloignées des prangs cambodgiens. A Chennai le seul type d’architecture qui y fasse penser sont les temples jains. Les deux les plus connus se situent sur la rue qui mène au Palais. Il s’agit du Jagdish temple bâti au 17e en l’honneur du dieu Vishnou et du Jagat Shiromani Temple, plus tardif 19e et construit en l’honneur de Krishna.

Cette balade dans la vieille ville d’Udaipur est aussi incontournable si vous voulez voir les Ghats, ces embarcadères à gradins typiques du Nord de l’Inde. Dans le sud, le terme désigne davantage des montagnes anciennes et érodées. Parmi ceux-ci le Gangaur Ghat est certainement le plus spectaculaire.

T.Nagar

Le nom de T.Nagar évoque aujourd’hui les lumières et bazars de la société de consommation. Magasins de tissus et  bijoutiers s’y succèdent sans interruption. Ce quartier considéré comme la Mecque du sari recèle néanmoins de véritables trésors d’architecture résidentielle.

T.Nagar, un quartier crée dans les années 1920

T Nagar a été crée dans les années 1920 en réponse à la croissance démographique. Exode rural et baisse de la mortalité expliquent l’accroissement de la population à Chennai à cette époque. Le petit village de Mambalam extérieur à la ville britannique a alors été annexé et urbanisé.

C’est aujourd’hui un des quartiers les plus prospères de Chennai au niveau commercial et immobilier. Cette explosion économique se fait malheureusement souvent au détriment du patrimoine architectural. Les maisons art Déco du quartier présentent en effet un mélange unique d’ingrédients locaux et d’influences étrangères.

Au début du XXème siècle, cet endroit vierge correspondait à un réservoir. Pour répondre au besoin de logements on y a construit des maisons surélevées pour se prémunir contre l’humidité. Leurs remplacements construits à la va vite à des fins spéculatives n’ont souvent pas tenu compte du terrain. D’où des inondations terribles en période de pluies.

Il s’agit de l’une des rares zones de Chennai à avoir fait l’objet d’une planification. Chaque quartier s’est loti autour d’un parc et de rues avec la volonté de conserver des espaces verts. Cette volonté inédite d’urbanisme s’est accompagnée d’idées nouvelles pour l’époque. Les plans initiaux incluaient des espaces verts, de la lumière, des routes et un système d’adduction d’eau.  

Le drainage du lac  (8km x1km) a ainsi commencé en 1923 dans cette zone aérée pas trop éloignée de la gare de Mambalam. On lui a conféré le nom du chef de parti T.Nagar ou Theagaraya Nagar.

L’art Déco à T.Nagar

Pour découvrir le beau patrimoine art Deco, on peut partir de Pondy Bazar. Cette grande avenue, dessinée, parait-il,  sur le modèle des Champs Elysées tient son originalité à la présence de grands trottoirs bordés d’arbres. De part et d’autres de l’avenue, se succèdent les boutiques de vêtements. Avant  le parc au bout de la rue avec son arc de triomphe, petite réplique de Paris, on prend une des rues de droite. On va alors gagner le parc Jeeva Vanandam ou JV park du nom d’un chef communiste respecté. Tout autour de ce jardin, des rues ont conservé un héritage art Deco malheureusement en péril.

Dans ce quartier, on trouve encore nombre de bungalows. Ces maisons prennent modèle sur les demeures coloniales construites par les militaires anglais au Bengale. Elles s’inspirent  des pavillons à loggia. Malgré le traditionalisme des structures, elles affichent un modernisme des formes, des motifs et des méthodes constructives (béton, éléments préfabriqués, acier). Dans la distribution des espaces, elles reflètent aussi une aspiration au modernisme.

Ce quartier nouveau ne compte pas de temples, fait rare à Chennai. En revanche, les maisons s’étendent sur de vastes parcelles. Elles ont souvent été agrandies pour répondre à la croissance des familles y résidant.

Dans la rue Lakshmanan, on passe devant la maison Savrithi. Cette famille de Mylapore  commercialisait le lait. Elle déménagea durant la première guerre mondiale  et revint s’installer ici dans des volumes en expansion pour satisfaire les besoins croissants de la famille. La nouveauté de la maison résidait dans les salles d’eau, rejetées à l arrière mais aussi le bureau avec 2 entrées, une intérieure, une extérieure, la véranda, une cuisine et une salle à manger. Les lignes de paquebot se voulaient résolument modernes. La maison affectait une élégance nouvelle avec une décoration simple aux lignes pures et géométriques et aux bandeaux de couleurs. L’arrondi de la véranda n’est pas sans rappeler la Dare House à Parry’s corner. Tout comme la verticalité. D’autres maisons art Deco l’entouraient . Beaucoup ont malheureusement disparu.

Un patrimoine en perdition

Souvent ne subsistent qu’une plaque, un parapet, la verticalité accentuée d’un escalier , des fenêtres bandeaux, mur bas de limite de la propriété. Ce n’est que plus tard qu’apparurent les grilles ouvragées. La maintenance de ces maisons est souvent trop onéreuse pour des propriétaires de plus en plus âgés et dont les enfants ont fait leur vie à l’étranger. Nombre de ces constructions tombent  en ruine ou entre les mains de spéculateurs peu soucieux de patrimoine ou peu scrupuleux.

Plus loin, et plus tardivement, des maisons plus petites empruntent le même type de vocabulaire architectural  mais préfabriqué. Dans ce cas, on assiste  dans les années 1940/60 parfois à des mélanges étonnants. Les porte à faux voisinent avec des colonnes ou des guirlandes de rinceaux. Les balcons s’agrémentent de grilles ouvragées ou de jalis de pierre. Ceux-ci vont devenir la marque de fabrique de l’indo Deco, variation locale et plus tardive de l’art Deco . Ce mélange de genres fait la part belle aux influences américaines et hindoues. Car avec le développement des idées indépendantistes, les propriétaires voulurent exprimer l’amour de leur nation sur leurs façades.

Relativement proche du centre de la ville, T.Nagar s’affirma rapidement comme un quartier bourgeois habité par des gens originaires du Telangana d’où le surnom de Telougou Nagar. Les noms des rues rappellent en fait ceux des chefs politiques, personnages et fonctionnaires importants, de tous ceux qui ont compté dans le quartier. 

Mon Itinéraire dans T.Nagar.

Jodhpur, ville bleue

Les blogs ou guides de voyages promeuvent Jodhpur comme La ville bleue. Pourtant historiquement on l’ appelait la ville du soleil (surya). Il est vrai qu’un petit quartier au nord de la vieille ville est célèbre pour ses maisons bleues. Pourtant, les théories véhiculées d’un guide à l’autre ou d’un blog à l’autre ne me satisfaisaient pas.

Faute de savoir lire l’Hindi ou de tomber sur une explication rationnelle, j’ai rassemblé la documentation dont je disposais sur Jodhpur la bleue.. Et, j’en suis venue à une question qui peut surprendre. Comment une initiative basée sur un élément patrimonial peut-elle en effet transformer une ville et son message ?

Des théories peu satisfaisantes mais répétées

D’un site ou d’un guide à l’autre les mêmes 4 théories sont répétées sans véritable fondement je le crains. Elles ne me convainquent guère.

–          La theorie religieuse

La premiere théorie pour expliquer les maisons bleues de Jodhpur affirme que c’est la couleur de Shiva et Krishna et que la ville honore ces deux divinités. Si c’était le cas selon moi, les villes du sud largement dédiées à Shiva devraient être toutes bleues.

–      La théorie socio-religieuse    

   

La seconde théorie me parait encore plus farfelue. Elle prétend que les maisons des brahmines sont bleues. Or en Inde, le bleu est traditionnellement la couleur des Dalits. On voit mal un recouvrement de ces deux couleurs. Et si tel était le cas, une ville comme Trichy aurait, elle aussi, des maisons bleues. Surtout comment justifier que le bleu badigeonne les édifices les plus pauvres d’un quartier bien décrépi ?

–             La théorie pseudo-scientifique

Une troisième théorie considère que le bleu repousse les insectes. J’ai entendu que le problème de Jodhpur était les termites. Mais dans ce cas, le bleu ne s’ appliquerait-il pas sur tous les soubassements de tout un quartier plutôt que sur des balcons ou des murs au petit bonheur ? Si en revanche on parle de moustiques et non de termites, ceux-ci aiment moins le blanc que le bleu. Ce sont les mouches qui n’aiment pas le bleu à ma connaissance. Les insectes évitent aussi un des composants chimiques de la peinture. Qu’elle soit bleue ou verte importe peu. Donc cette explication ne me parait pas non plus adéquate.

–         La théorie pseudo-logique  de Jodhpur la ville bleue    

Enfin on lit souvent que le bleu est une couleur qui refroidit les murs. Et repousse la chaleur vers l’extérieur. Dans ce cas je ne comprends guère que les autres villes du désert, type Jaisalmer n’observent pas la même attitude. Pas plus que je ne comprends que les anciens, notamment les Grecs blanchissent leurs murs de chaux et ne conservent le bleu que pour les boiseries et huisseries. Le bois pouvant en effet recourir à ces produits toxiques pour les insectes. L’intérêt de peindre des murs de grès rose, jolis par ailleurs me parait moins fondée en revanche. Difficile donc de percer la raison de ce bleu de manière convaincante.

Sauf si on avance une dernière explication un peu osée, moins élégante, mais à laquelle je crois davantage.

Jodhpur, Ville bleue ?

Quoiqu’ il en soit allez vous me dire la ville bleue est bleue. Et bien pas tant que cela, car si l’on est vraiment honnête, le bleu ne concerne que des maisons éparses dans un quartier pauvre voué à être rénové. Et c’est là je pense que l’on touche la vérité. Car contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre le bleu de Jodhpur est tout sauf homogène et traditionnel.

Cette ville de grès rose possède en effet un quartier populaire aux maisons plus pauvres, à l’appareillage mixte de pierre, torchis et donc certainement crépies. Contrairement au rose, le bleu qui en recouvre certaines façades est tout sauf homogène. Voisinnent un bleu profond tirant vers l’indigo, des violets, des verts, des bleu turquoise. Surtout ce bleu ou assimilé semble s’étendre depuis quelques temps, à la même vitesse que pullulent les logements chez l’habitant avec vue sur la ville bleue, et les arrêts photos Instagram. Du coup il parait légitime de se demander quand est apparue cette image de la ville bleue, comment et pourquoi.

Mon petit doigt me disait qu’il y avait une explication marketing, que le bleu servait de faire valoir. Forte de mon travail sur les Cathares je savais qu’ il pouvait y avoir d’autres explications  qu’une tradition introuvable pour une ville en lice pour un classement Unesco . J’imaginais bien en effet que des considerations de marketing touristique pouvaient expliquer cette explosion de bleue.

Jodhpur la bleue, une appellation commerciale ?

Historiquement le seul bleu dont j’ai retrouvé la trace à Jodhpur est dans la poterie.

En revanche, il m’a été quasi impossible de trouver un quartier bleu. Quelques maisons oui. Mais le bleu à grande échelle parait récent et tout à fait conforme au gout des occidentaux amateurs de Maroc et de photos sursaturées. Or Jodhpur n’est pas au Maroc et l’Inde n’est pas le pays du bleu. Or, la région mise sur le tourisme.

On peut donc se demander quand véritablement la ville est passée de sun à blue city. D’autant que, les maisons de Jodhpur, en lisière de désert utilisent le magnifique grès rose local. Celui-ci n’avait aucune raison esthétique ou structurelle d’être peinturluré en bleu. Les observateurs les plus honnêtes doutent un peu des explications et donnent leur langue au chat.

Une communication bleue

Pourtant la communication de Jodpur se fait officiellement sur le bleu. Ce qui permet de la vendre aux cotés de Jaipur, la ville rose, et Udaipur la blanche. En effet, Jaipur a été repeinte en rose fin du XIXème siècle à l’occasion de la visite du prince de Galles. Par ailleurs, beaucoup des sites du Rajasthan ont été inscrits ces 15 dernières années au patrimoine. L’Etat a bien compris ce que le classement pouvait apporter en notoriété, en visibilité.

Pourtant à force de naviguer sur le web, faute de livres voire de librairie, je crois que j’ai trouvé de quoi soutenir mon hypothèse selon laquelle la ville bleue est une appellation récente qui a pour but de donner une visibilité touristique à la ville. Jodhpur bleue, un argument marketing efficace en quelque sorte soutenu par la ville, le maharaja très impliqué, l’Etat du Rajasthan et soutenu depuis 2009 par le projet Berger.

Pour confirmer cette théorie, je vous propose quelques lectures et visionnages intéressants. Vous y découvrirez le rôle du mécénat, voire de la publicité ciblée, et de quelle manière le marketing peut transformer une ville. un exemple à méditer.

Jodhpur bis

Ce Jodhpur bis a pour but de vous donner des idées pour un séjour un peu plus long. Je n’aborde pas ici, à dessein, le quartier bleu dont je parlerai plus longuement dans un prochain article. En revanche, je vous emmène un peu à l’extérieur du centre historique, sur les contreforts désertiques de la ville.

Jardins et Fort de Mandore.

Commençons un peu plus loin de la ville, dans un lieu historiquement essentiel. Il s’agit des jardins Mandore, première capitale fondée en 1459 par le clan Rathore. C’est en quelque sorte lieu de naissance de Jodhpur. Dans un joli parc séparé de l’agitation du quartier par des portes, les temples les plus anciens de la ville ne sont plus vraiment actifs. On peut néanmoins les visiter. Un canal, en général à sec mène à un joli point de vue mais aussi à une série de temples. L’un est en ruine, mais les deux autres sont encore en fonctionnement. Ils dominent ce qui reste du fort et le musée. On y voit des vestiges archéologiques, peintures et sculptures.

Umaid Bhawan Palace

Un peu à l’extérieur de la ville, en hauteur, le Taj palace se visite en partie. Sa construction remonte à 1929/1943. Le Maharaja Raja Umaid Singh voulait alors fournir de l’emploi aux personnes les plus démunies du royaume.

Une entrée latérale permet de visiter un petit musée qui explique les étapes de fondations de ce Palais transformé en Hôtel de luxe. Il est d’ailleurs réputé comme l’un des hôtels le plus luxueux du monde. La partie hôtelière est réservée aux clients. Ne comptez donc pas y prendre une tasse de thé. Une autre partie reste habitée par l’ancienne famille royale de Jodhpur. La plèbe dont je fais partie a droit au petit musée, à une partie de la collection de Royce et Bentley, une boutique, jolie au demeurant, et des toilettes mal entretenues.

le Tombeau Jaswant Thada.

On peut rejoindre ce bel endroit par une petite route depuis le Fort. Celle-ci passe devant le désert de pierre Rock Park. Le site est magnifique avec un désert de grès rose parsemé de quelques buissons. De l’autre côté d’un petit lac artificiel, apparait un mausolée de marbre dédié au Maharajah Jaswant Singh II.

 Ce monarque fut à l’initiative d’un système d’irrigation qui a apporté l’eau à la ville et a assuré sa prospérité. Le tombeau se mire d’ailleurs dans le petit lac particulièrement beau et magique. D’autres cénotaphes de la famille royale entourent le mausolée principal de marbre blanc. Tout autour, un magnifique jardin étagé dispense une fraicheur bienvenue dans la chaleur du désert. Une terrasse domine la ville.

La belle ville rose admirablement préservée a réussi à faire classer son Fort au patrimoine de l’Unesco. Elle est aujourd’hui en lice opur faire classer sa superbe vieille ville de pierres roses, véritable oasis rendue prospère grâce au creusement d’un canal dans le désert du Thar.

Comment assurer l’attrait touristique de cette très belle ville, ce sera l’objet du prochain article.  

Jodhpur

Jodhpur m’évoquait les pantalons bouffant du haut et le polo. Je n’imaginais pas la beauté de cette ville du Rajasthan aux portes du désert du Thar.

Des maharajas particulièrement inspirés ont assuré sa prospérité. Ce grâce notamment à un ingénieux système d’irrigation. Dans le monde touristique contemporain, on l’appelle la ville bleue.

Je vous propose de partir à la découverte de cette ville aux divers sobriquets. Comme de plus en plus souvent, j’ai préparé une série d’articles. Ceux-ci correspondent aux monuments incontournables, aux plus insolites et enfin à ce qui pose plus question. A moduler selon votre durée de séjour, ou vos envies. Commençons des aujourd’hui avec les incontournables de Jodhpur.

Le Mehrangarh Fort,

Le fort constitue le seul site Unesco de Jodhpur. Ceci peut sembler étonnant vu la beauté de la ville. Pourtant celle-ci, toujours administrée par le Maharaja est un modèle de développement.

Le Fort se situe sur une colline de 150m. On l’atteint depuis la vieille ville. Il date de 1459 et remonte à Rao Jodha, le chef du clan Rathore. Il comprend de très belles galeries et temples. On y découvre des palanquins, harnachements d’éléphants, voire équipement de polo, passion royale du coin. Je viens ici d’évoquer le premier mot attaché à la ville et la façon dont le terme s’est diffusé dans notre langue depuis la chemise des amateurs royaux de ce sport équestre.

L’architecture y est extraordinaire. On y admire des éléments de bois travaillés très finement. https://www.mehrangarh.org/

Le palais est un rare site privé en Inde. Administré par la famille royale, il est un modèle du genre. L’organisation, la muséographie, les facilités sont d’une rare qualité pour L’Inde. Même le restaurant, le café, et la boutique sont hautement recommandables. Avec l’achat d’un billet étranger (plus cher que le billet pour les locaux bien sûr) vous avez droit à un audio guide très bien fait.

On parvient au Fort soit en transport, soit à pied depuis la vieille ville par des volées d’escaliers pentus ou un chemin (du côté de la « ville bleue ») orné de « fresques ».

La vieille ville de Jodhpur

Celle-ci s’explore à pied. Les petites rues encombrées, les jolies boutiques, bazars, l’animation ne sont en effet pas propices à la circulation. En revanche, une fois franchie la tour de l’horloge, on accède aux boulevards de cette ville de 1,4millions habitants, écrasée de chaleur. Là, il vaut mieux héler un tuktuk.

Ce quartier historique se situe au pied de l’impressionnant plateau sur lequel se dresse le fort. Un mur du XVIeme siècle percé de huit portes l’entoure. Le long des 1km de muraille c’est une profusion de marchés et échoppes artisanales. Jodhpur est en effet l’un des centres de production d’Inde. Sacs en tissus, nappages, boites, vanneries, cuir, bijoux, antiquités, on y trouve un peu de tout et de fort jolis produits.

Historiquement, la ville se trouve en effet sur la route de l’opium, du cuivre, de la soie, du santal qui reliait Delhi au Gujarat. De petits étals proposent les sucreries typiques de Jodhpur, très sucrées, comme toujours en Inde.

-Le Toorji ka Jhalra

Le magnifique réservoir à degrés, se situe dans la vieille ville en contrebas du fort. La symétrie des volumes est particulièrement spectaculaire. Ce puits du XVIIIème siècle, destiné à approvisionner la population en eau, a fait l’objet, avec le quartier alentour, d’un beau travail de réhabilitation.

Ces réservoirs si typiques de l’Inde servaient à stocker la précieuse eau. Leur architecture savante permettait à un grand nombre de gens de remplir leurs jarres et de remonter et descendre les marches sans se gêner. L’approvisionnement en masse se faisait avec un minimum d’incidents. Les magnifiques façades de grès rose abritent tout autour de plus en plus de jolies boutiques.

– Ghanta Ghar,

A l’orée de la ville ancienne, les marchés entourent ce vestige de la colonisation anglaise. La tour de l’horloge est en effet un classique des villes indiennes sous domination britannique. En passant sous l’horloge, sur la droite, commence le quartier restauré avec ses belles maisons roses si traditionnelles. Puis, sur la gauche, les rues s’ouvrent sur des maisons peinturlurées en bleu. Je dis bien peinturlurées car malgré la renommée de la ville, je conçois quelques doutes sur la couleur, ce que je développerai dans un prochain article.

Le Pastel

Toulouse la bleue et la route du pastel

Dans mon précédent article, je suis revenue à grands traits sur l’histoire du bleu en plongeant à pleines mains dans les ouvrages de Michel Pastoureau. Cette semaine je vous propose d’approfondir la destinée de la région toulousaine au Moyen Age. C’est l’époque où les chantiers des cathédrales mettent le bleu à l’honneur. Promu comme couleur à part entière, celle-ci gagne le vestiaire et assure la fortune des fabricants et marchands de guède. Or l’une des zones qui va s’affirmer est le triangle Albi Carcassonne Toulouse.

Pastel dessiné par Catherine Delmas dans notre livre “Lettres Tamoules”

Le bleu pastel, or du « pays de cocagne »

Déjà connu des anciens. l’Isatis tinctoria aurait été introduite en Europe au Moyen Âge par les Maures qui lui prêtaient des vertus médicinales. En France, elle assura la fortune d’Amiens jusqu’`a la guerre de 100 ans et surtout celle de Toulouse.

 Cette plante bisannuelle a besoin d’une terre riche en calcaire et argileuse pour se développer mais elle s’adapte aux climats tempérés, Dans le Lauragais, on obtenait jusqu’à 6 récoltes par an de ces feuilles vertes aux fleurettes jaunes. Le processus de fabrication du pastel était néanmoins long et fastidieux. Une fois les feuilles récoltées manuellement, lavées, elles passaient sous le moulin pastelier.

fleur de pastel

 Broyées, elles étaient ensuite égouttées puis moulées à la main pour former des « coques » (boules). Le Pays de Cocagne est le lieu où l’on façonnait ces coques. On les déposait ensuite plusieurs mois sur un séchoir.

Puis, une fois sèches, on les réduisait en poudre à l’aide d’un maillet. On versait cette poudre dans une cuve carrelée creusée à même le sol. On l’arrosait alors d ’urine et d’eau croupie afin d’en accélérer la fermentation. La pâte à l’origine du mot « pastel », retournée deux fois par semaine avec une pelle devait dégager une odeur atroce.

Une fois la fermentation terminée, on obtenait enfin une matière bleu gris foncé, l’agranat (concasser en occitan). Il fallait le réduire en poudre très fine pour l’utiliser dans les cuves de teinture. Il ne restait qu’à tremper le tissu.. Après le premier bain, il ressortait jaune, virait au vert puis, rapidement, en s’oxygénant, devenait bleu.

Le Lauragais et le pastel, la route du pastel

Au début du XVe siècle, le Lauragais est encore pauvre. Cette région traditionnellement textile se trouvait à l’épicentre du drame cathare. Parler des Cathares me permet de faire la publicité de la dernière et toujours aussi remarquable exposition du Musée saint Raymond de Toulouse. Avec ses commentaires décalés mais au fait des dernières recherches archéologiques, les conservateurs ont une nouvelle fois réussi le tour de force de vulgariser les dernières publications scientifiques avec humour et brio.

 L’essor du commerce du pastel va bouleverser une nouvelle fois son destin cette fois de manière positive.

Toulouse et Albi se transforment. Leur enrichissement profite à leurs représentants, les Capitouls toulousains et les grandes familles albigeoises. Ils ornent leurs villes de somptueuses demeures. Ainsi, à Toulouse, l’Hôtel de Bernuy, appartenait à un négociant si riche qu’il racheta la dette nécessaire à la libération de François 1er . L’Hôtel d’Assézat, lui remonte à 1555 .

Hotel d'Assezat, Toulouse
l’Hôtel d’Assezat, siège de la somptueuse collection Bemberg

 Au XVIème siècle, la région connaît un essor sans précédent. La campagne se couvre alors de châteaux, d’hôtels particuliers, d’églises et de pigeonniers. De simples propriétaires terriens deviennent des bourgeois fortunés, accédant même, pour certains, à la noblesse.

champs de pastel dan le Lauragais

A St Martin de Nailloux, Bourg Saint Bernard ou Montgeard, les tombes ou portails des églises attestent de l’enrichissement de la région au XVIème siècle.

Des châteaux montrent également cette richesse. Reconstruits comme à Loubens-Lauragais où le moulin pastelier sert aujourd’hui de fontaine ou à Tarabel. Aménagé pour la teinture comme à Monestrol, ou construits ex nihilo comme à Montgeard, ces grandes demeures disent la réussite sociale des marchands.

Des villes deviennent plaques tournantes du commerce des textiles ou des teintures : Avignonet-Lauragais, Villefranche-de-Lauragais, Caraman.

Aujourd’hui les moulins pasteliers ont tous disparus et seuls les textes nous les évoquent. Néanmoins l’habitude d’utiliser les fonds de cuve de pastel pour peindre les menuiseries, volets, portes, les charrettes et les cornes des bœufs a longtemps perduré. Le pastel avait en effet la réputation de posséder des propriétés fongicides et insecticides.

les huisseries bleues de la préfecure de Toulouse

La fin du pastel toulousain

Le pastel connaît son apogée au milieu du XVIème siècle. Mais, plusieurs évènements concomitants vont mettre fin à cet âge d’or.

C’est tout d’abord la concurrence de l’indigo de meilleure tenue et de moindre prix. Pourtant, la couronne de France interdit dans un premier temps la teinture indienne. Elle maintient ainsi artificiellement le commerce du pastel jusqu’ à la fin du XVIIème siècle. C’est l’avènement des teintures chimiques qui porte le coup final.

Cependant, le pastel connait deux renaissances aux XIXème et au XXème siècle :

Sous Napoléon, le blocus continental avec l’Angleterre rend indisponible les matières tinctoriales., L’empereur encourage alors la production de pastel français afin de teindre les uniformes de l’armée. Mais la production reste éphémère et s’écroule avec l’Empire.

Aujourd’hui on assiste à un renouveau artisanal du pastel dans les cosmétiques et certains tissus locaux et haut de gamme.

Madras

Madras est devenue Chennai en 1996 dans un grand mouvement national d’indianisation. A la même époque Mumbai a remplacé Bombay, Kolkota, Calcutta et, plus difficile, Trichy  Tiruchirappalli… L’idée gouvernementale consistait à supprimer les dénominations anglaises et revenir à des noms locaux voire originels.

A l’origine était Madras ?

Selon certains historiens, les villages de pêcheurs de Chenna-patnam au nord et de Madras-patnam au sud de fort St Georges pré existaient tous deux à l’arrivée des Britanniques. On peut donc légitimement se demander si Chennai est plus locale que Madras.

 Le nom du hameau Madras-patnam pourrait dériver de Mundir-raj or Mundiraj, issu d’une communauté Telougou et non Tamoule. Des historiens rattachent également le nom de Madras a une déformation du « madre de Dios » portugais, ou à une famille Madeiros tout aussi portugaise.

 Le nom de Chennai, lui, pourrait provenir du Temple Chennakesava Perumal construit en 1646. A moins qu’il ne dérive de Damarla Mudirasa Chennappa Nayakudu, père de Damarla Venkatapathy, dirigeant Nayak, Général dans l’armée de l’Empire Vijayanagara. Ce brave monsieur au charmant patronyme vendit la ville aux anglais en 1639.

Des traces humaines, remontant au paléolithique, auraient en fait été retrouvées dans le quartier d’Egmore.  Certains temples remontent à la période médiévale. Et, de fait, les villages aujourd’hui agglomérés, appartinrent aux royaumes Chola, puis Pandya, Pallava and Vijayanagara. Ceux-ci régnèrent avec des fortunes variées sur la région dans les seize premiers siècles de notre ère.

Au XVIe siècle, les Portugais implantent un comptoir dans Mylapore. Ils y construisent au moins 5 églises . Ils commémorèrent également l’héritage de l’apôtre Thomas sur les hauteurs dominant la ville en construisant une série d’ermitages.

Une histoire antérieure à la colonisation anglaise

Mais la première mention officielle de Madras apparait dans le contrat de vente du lopin de terre . La Compagnie des Indes orientales le signa le 14 août 1639. A l’époque, les grandes nations européennes se disputaient la côte de Coromandel. On trouvait au sud, à Tranquebar, les Danois, et les Français à Pondichéry. Les Hollandais eux s’étaient installés plus au Nord près du lac Pulicat. Quant aux Portugais, ils avaient déjà construit un port à Mylapore. Les Anglais prirent possession du village de Madras-Patnam. Ils en utilisèrent donc le nom pour leur petite colonie.

Bien que déjà existante et colonisée, la zone de l’actuelle Chennai fête paradoxalement, chaque année sa naissance anglaise, le 22 Aout 1639. Elle célèbre ainsi l’arrivée du Britannique Francis Day, séduit par la longue bande de plage. Il acheta au Nayak son lopin de terre. Puis, il installa son petit fort au nord de la rivière Coom, à quelques km au Nord du comptoir lusitanien. IL venait de fonder ce qui deviendrait le centre d’une incroyable réussite économique pour Les Anglais. Pourtant, le fondateur a quasi disparu des registres. Pas une rue ni même un café n’honorent sa mémoire.

La première ville anglaise s’abritait derrière les murailles bastionnées de fort st Georges, du nom du st patron de l’Angleterre. Rapidement, la forteresse devint exiguë. Une ville, dite noire, s’ouvrit au nord sous le nom de Georgetown, du nom cette fois de George IV issu de la dynastie des rois dits géorgiens. Cette ville au plan en damier typique des colonies de peuplement correspond aujourd’hui au quartier de Parry’s corner.

La fausse Fondation de Madras par les Anglais

Au XIXème siècle, la croissance de la ville imposa d’ouvrir de nouvelles avenues. Cette fois le centre se déplaça vers l’actuel quartier de Royapeta  et Anna Salai. La promenade ou North Beach road qui représentait l’avenue de parade de la première période de colonisation avec ses fastueuse façades indo-sarracéniques souffrit lorsque le chemin de fer obstrua le débouché direct sur la mer. En contrepartie, on construisit Marina Beach, le grand boulevard sud reliant le quartier anglais de Georgetown au quartier portugais et à la ville ancienne du côté de Mylapore. La promenade sud s’enorgueillit de beaux bâtiments administratifs et universitaires de Madras. Malgré la « tamoulisation » ou changement de nom de la ville et des rues, les grands bâtiments et surtout les universités de l’époque victorienne ont conservé leur dénomination Madras.

L’explosion démographique du XXe siècle explique le lotissement de nouveaux quartiers. T Nagar, Egmore, Adyar par exemple.  Après l’indépendance, Madras continua à être la capitale de la Présidence de Madras, constituée des grands états du Sud puis du Tamil Nadu. Puis, Chennai lui emboita le pas. La modification de nom ne changea pas le cœur, ni l’esprit de la ville. Constituée d‘une multitude de bourgades, elle est devenue la cinquième puissance du sous-continent indien.

Thiruvallur

A priori, Thiruvallur est une banlieue industrielle de Chennai pas forcément idéale comme destination de balade du week-end. Pourtant cette cité satellite en pleine explosion démographique recèle une agréable ambiance et de magnifiques temples.

Le temple Veera Raghavar Perumal et autour

 Sur les bords de la Coovum river, un énorme temple assure la notoriété de la ville. Il s’agit d’un des 108 temples à Vishnu et l’un des rares dans le Tamil Nadu. Malheureusement le Veera Raghava Perumal temple est interdit aux étrangers. Des prêtres vous le feront savoir de manière assez rude.

On ne peut admirer sa Gopuram et son atmosphère de piété fervente que de l’extérieur. Il est donc inutile de vous démunir de vos chaussures lorsque vous vous dirigez vers la grande porte. En revanche, l’effervescence alentour vaut le coup d’œil.

 Juste derrière le temple, à l’extrémité de l’énorme réservoir, un petit temple consacré à Shiva coloré et charmant accueille tout le monde.

Puis, en contournant la terrible enceinte du temple vaishinite, on traverse un quartier commerçant. Ce sont d’abord les orfèvres musulmans que l’on voit au travail. Plus avant dans la rue Gandhi, un atelier d’épices, réduit les plantes en poudre. Ce marché très animé nous ramène sur les marches du temple de Vishnu.

 Plus à l’extérieur de Thiruvallur

A 3km du centre de Thiruvallur, la petite localité de Kakkalur semble un village endormi. Un temple sans intérêt architectural particulier s’ouvre sur une immense statue monolithique de 12m d’Hanuman. Constitué d’une seule petite pièce dérobée aux regards, il est l’objet d’une grande ferveur. Les fidèles tournent autour du sanctuaire et couvrent l’énorme déité de fleurs jaunes. La piété est à son comble ici.

Encore plus loin dans la campagne, près de Kadambathur, Tirupathur, le temple de Shiva est réputé comme le plus ancien de Thiruvallur. Avec sa Gopuram blanche il tranche sur l’architecture habituelle du Tamil Nadu. Un petit bosquet de bambous rappelle l’origine de sa construction légendaire. En effet il aurait été érigé dans une forêt de bambous, autour d’un lingam. Son cœur remonte effectivement au temps des Cholas, voire des Pallavas, même si une fois de plus il est difficile de trouver une documentation précise. Néanmoins, les prêtres qui y officient sont très affables et près à vous conter avec moult détails, mais en Tamoul, l’histoire de ce lieu sacré. Quel que soit votre degré de compréhension, il n’en reste pas moins que le lieu un peu perdu recèle une véritable magie.