Double exposition

L’écriture de mon livre les Lettres Tamoules a donné lieu, en attendant mieux, à une double exposition.

Première Exposition, à l’Alliance française de Madras

Entre les 22 et 28 mars 2024, l’Alliance française de Madras m’a gentiment prêté ses locaux.

 A ce titre, je remercie ici sa Directrice, Dr Patricia Thery Hart. Dans la belle Galerie 24, j’ai ainsi pu exposer, pendant près d’une semaine, les œuvres de mes amies Mélanie et Catherine.

 Dans le cadre de la Francophonie, la salle d’exposition s’est transformée en un lieu de conférences. Durant ces quelques jours, j’ai eu l’occasion d’expliquer à un public varié l’objet du livre. Des groupes francophones et français ont découvert les lettres de l’alphabet tamoul. Les anglophones se sont davantage intéressés à la découverte des spécificités locales. En revanche, les Tamouls se sont amusés de nos incompréhensions ou de notre vision en tant qu’occidentaux.

Cette exposition a été l’occasion d’échanger sur les nombreux particularismes de la vie au Tamil Nadu. Il a bien sur été question de la beauté et de l’originalité de la langue et de l’écriture tamoule. Nous avons pu également parler de la gastronomie si particulière du sud de l’Inde. L’architecture dravidienne, typique des sites anciens a également été abordée. Nous avons aussi pu évoquer l’uniformisation voulue par les Anglais.

Cette magnifique galerie a permis d’accrocher une soixantaine de dessins, lavis et aquarelles sur des murs blancs, repeints ou percés pour l’occasion. La semaine suivante Jean François Lesage et ses fantastiques broderies étaient l’hôte des lieux.

Seconde Exposition à la Madras Litterary Society

Du 23 au 27 Avril 2024, ce sont les locaux anciens de la société littéraire de Madras qui accueillent une vingtaine de fac simile. Les dessins du livre ornent cette semaine les locaux décrépis de ce bâtiment indo-sarracénique.

Tout ici st resté dans son jus. Et l’accrochage, déjà folklorique à l’alliance française, est devenu un véritable bricolage. Car organiser une exposition en Inde implique disponibilité, bonne humeur et beaucoup de patience.

Car bien sur rien n’est fourni ici. Je ne parle pas des cadres mais des clous, des supports, des marteaux. Il faut venir avec son papier et ses crayons pour d’éventuels cartels. Du scotch et des punaises. Et des chiffons et éponges pour opposer une légère résistance la poussière. A moins d’accepter de coincer ses cadres en lévitation au moyen de ficelles.

Mais dans ce pays ou une bonne partie de la population vit dans des conditions épouvantables, comment se plaindre de ne pas pouvoir exposer décemment. Comment refuser à ces demandes d’aide si souriantes ? Venir exposer à la Madras Litterary Society., c’est je l’espère, donner un peu de visibilité sinon à mon livre et aux dessinatrices qui ont accepté avec tant de talent de l’illustrer. Mais c’est aussi et surtout essayer de faire venir un public un peu plus large dans ces lieux chargés d’histoire,…et de poussière… Peut être l’occasion de fair fleurir quelques donations pour aider cette bibliothèque à survivre.

En attendant une prochaine exposition, certainement dans d’autres conditions à Singapour, Arab Street autour du 15 Mai.

Egmore Museum

Le Egmore Museum ou musée de Chennai, occupe une dizaine de bâtiments éparpillés dans un grand espace arboré du quartier de Egmore. Les édifices les plus anciens, de style indo-sarracénique, ont été complétés par des constructions plus récentes.

Histoire de Egmore Museum

L’idée d’un musée de Chennai date de 1846 et émane de la société Littéraire de Madras. Dans un premier temps on logea sur le campus st George les 1100 spécimens géologiques.

Les collections s’accrurent régulièrement. Face à la détérioration des lieux et à l’exiguité, le musée déménagea de College Rd à Pantheon Rd dans les Assembly Rooms dans lesquelles l’élite de la ville se retrouvait pour des banquets, bals, conférences à la fin du XVIIIe s.

Dès 1853, une bibliothèque publique s’organisa dans les locaux du Musée. En 1862, commencèrent les travaux de construction d’une salle de lecture. Ouverte en 1896, elle prit le nom des ancêtres du gouverneur de Madras, Lord Connemara. Construite sur les plans de l’architecte Irvin, elle s’enorgueillissait de beaux rayonnages de tek et d’une imposante tour (la plus haute de Madras alors) détruite en 1897 car elle s’écroulait.

Après le centenaire du musée en 1951, un nouveau bâtiment fut construit pour héberger l’exceptionnelle collection de bronzes, ainsi qu’un autre dédié à la conservation. 1963 vit aussi l’ouverture de la galerie des oiseaux. En 1984 la galerie d’art contemporain s’ajouta aux édifices et en 1988 le musée des enfants.

Aujourd’hui, Egmore Museum s’organise en 7 édifices distincts avec des collections disparates.

7 bâtiments pour des collections disparates

  • Le premier, une sorte de délicieuse pâtisserie, abrite la billetterie. Tout à côté, un grand panneau donne le code QR d’une remarquable visite guidée enregistrée par Story trail.
  • Vers la droite de la billetterie, La bibliothèque Connemara occupe un bâtiment plus moderne aux lignes vaguement art déco.  Elle accueille les chercheurs et les étudiants. Il s’agit d’une adjonction au bel édifice ancien vanté par les guides mais caché derrière le théatre.
  • Un magnifique bâtiment rond sert de théâtre. Sa restauration vient de s’achever. Bati sur le modèle du Royal Albert Hall de Londres, c’est une petite merveille architecturale mêlant les influences anglaises à des accents indo-sarracéniques.
  • En contournant le théâtre, on accède à un bâtiment de style flamand. Avec pignons de briques rouges. Ce style est emblématique de l’architecture de Kensington, le quartier de Londres bâti à lé poque victorienne dans le but de créer une enclave culturelle, l’Abertopolis. Cet édifice abrite la collection archéologique. Le rdc expose des collections de marionnettes de toute l’Inde, mais aussi des vases de terre néolithiques. Au premier étage, le palier orné d’un beau plafond victorien, distribue vers la section anthropologique et vers les salles consacrées à la civilisation harappéenne.

-Plus loin encore, se dresse le bâtiment consacré à la monnaie. Les collections numismatiques font en Inde l’objet de soins considérables

– derrière cette magnifique construction de brique rouge, un triste parallélépipède de béton annoncé par un dinosaure en plâtre abrite l’amusant musée des enfants. Des vitrines y regroupent de petites poupées évoquant les autres pays du monde selon une vision indienne.

– enfin le dernier bâtiment, lui aussi moderne et sans grâce, abrite la collection de peintures. Des croutes poussiéreuses égrènent les gouverneurs qui ont marqué la présence coloniale.

La statuaire de pierre

  En contournant le théâtre, on parvient au bâtiment principal abritant les sculptures de pierre puis au pavillon abritant les bronzes cholas. Le bâtiment principal du musée d’Egmore présente au rdc une belle rétrospective des statues des périodes historiques le plus emblématiques du sud de l’Inde. On y admire des statues datant des Pallavas, des Cholas puis des Vijayanagars.

A l’étage, une section est consacrée à l’épigraphie. Elle présente dans une petite salle les premières formes d’écriture consignées sur la pierre mais aussi sur des tablettes de cuivre ou des feuilles de palmier. Un couloir mène aux vestiges les plus impressionnants, comme les sculptures bouddhiques d’Amaravati. De là, on accède au fouillis typique des musées victoriens avec des salles consacrées à la faune et à la flore locales. Des vitrines sur la soie alternent avec des animaux empaillés au siècle dernier ou des fossiles. Des salles de paléontologie suivent en enfilade celles représentant l’habitat des bestioles du cru. La muséographie n’a pas changé depuis le départ des Anglais et le ménage doit remonter à peu près à la même époque.

Juste derrière le jardin de sculptures se dresse le pavillon des bronzes cholas.

Les Bronzes cholas, stars du musée de Chennai

La collection des bronze cholas a été refaite récemment, c’est-à-dire il y a moins de 50 ans. Elle jouit de lumière et d’air conditionné. La salle plongée dans le noir met en scène dans des vitrines éclairées (je le souligne car ce luxe électrique est unique dans les musées de Chennai) les plus belles pièces du musée. Il s’agit de statues de bronze de petite taille représentant les dieux hindous. Elles remontent à l’âge d’or des Cholas entre les XIII et XIVème siècles.

Cette dynastie brilla alors sur le sud de l’Inde depuis sa capitale Tanjore. Les Cholas sont restés célèbres dans l’histoire de l’art pour leur maitrise du bronze à la cire perdue. Il s’agit ici de la plus belle collection au monde. Certains de ces chefs d’œuvres viennent de rejoindre la magnifique salle de la galerie nationale, le plus beau bâtiment du musée de Chennai. De style indo-sarracénique, voire Gujarati, celui-ci évoque les splendeurs des palais de maharadjas.

Comme vous l’aurez compris tout n’est pas incontournable dans ce musée poussiéreux et il n’est pas forcément facile de s’y orienter. Néanmoins certaines sections valent la visite, notamment la galerie des sculptures et celle consacrée aux bronzes cholas.

Saint Georges

Saint Georges est le Saint sous l’invocation duquel se placèrent les premiers colons britanniques.  Il devint patron de leurs Iles durant les croisades car il personnifiait les idéaux chrétiens des chevaliers. On le représente le plus souvent avec une croix rouge. Le martyr du jeune homme blond fougueux terrassant le dragon a eu lieu sous Diocétien, en 303. Longtemps après, le tout premier fort de Chennai a pris son nom. Celui-ci remonte aux Anglais lorsqu’ils ont décidé de s’installer dans le hameau de Madras-Patnam au XVIIème siècle. Bien que décapité, Georges est resté si l’on peut dire à la tête des colonies de sa gracieuse majesté.

Fort Saint Georges

La plus ancienne église anglaise de Chennai est Ste Marie dans l’enceinte du Fort Saint Georges. Dans les faits, les paroisses portugaises du XVIème siècle préexistaient à cette romantique construction de 1680. Les missionnaires portugais avaient déjà repris le flambeau de l’apôtre. Ils avaient ainsi tenté d’imposer la foi catholique du côté de Mylapore et d’y installer un comptoir commercial. Pourtant, Ste Marie apparait encore dans les documents comme la plus ancienne église de Chennai. Ce qui n’enlève rien à son charme suranné. La construction, de style palladien, reprend au classicisme vénitien ses colonnes et sa symétrie. Mais la blancheur a fané, les boiseries se sont écaillées. La vannerie des dossiers est mangée par les rongeurs et l’humidité. Les pigeons souillent le sol et le tout respire l’infinie tristesse d’une ère passée.

Elle évoque la fondation du Fort le jour de la Fête du Saint patron de l’Angleterre par Francis Day. Cet envoyé de la Compagnie des Indes orientales y fonda un petit fort commercial. Il visait à concurrencer les Européens établis sur la côte de Coromandel. Pour ce faire, il acheta au Nayak local ce petit morceau de terre en bord de plage. Puis, il y établit ce qui allait devenir le centre d’un empire et d’une incroyable réussite économique pour Les Anglais. Pourtant, le fondateur a quasi disparu des registres et des mémoires.

Clive, Yale, Wellington, ont marqué le petit Fort Saint Georges

Du premier comptoir, subsistent quelques maisons en piteux état. Celle de Clive, le Gouverneur sans scrupule qui devint l’homme le plus riche d’Angleterre. Celle où passa Wellesley également. Futur vainqueur de Napoléon, il y connut ses premières victoires et devint quelques années plus tard le célèbre Wellington . Peu de gens se souviennent également que le premier gouverneur de la petite colonie est resté dans l’histoire. Celui-ci légua une toute petite partie de la fortune amassée à Madras pour fonder une petite université américaine. Brave Monsieur Elusha Yale.

L’Eglise Saint Georges

Plus austère, mais néanmoins tout aussi palladienne d’inspiration, l’église Saint Georges se cache derrière le consulat américain. Elle aussi devait se trouver dans un magnifique parc aujourd’hui malheureusement utilisé comme parking. Elle s’inspire très largement de St Matin in the fields à Londres. Avec ses colonnes classiques surmontées d’un clocher pointu elle ne déparerait pas dans le ciel londonien. Mais la couche de blanc un peu décrépi de la façade, les ventilateurs fatigués, les bancs recouverts d’osier et les pigeons voletant dans la nef nous rappellent que la paroisse anglaise s’est largement tropicalisée. Les feuilles de palmier traversent les jalousies ouvertes.

Mais le plus émouvant se trouve à l’extérieur dans le cimetière nostalgique. Ses tombes fracturées par les racines de banyans exposent avec détails la vie de colons morts en ces terres inhospitalières. On y lit des histoires d’officiers décédés au combat. On découvre des veuves courageuses. Des souvenirs de missionnaires dévoués se dessinent au hasard des dalles de granit gagnées par la végétation. Le petit cimetière de St Georges est certainement l’un des lieux les plus romantiques de Chennai.

Le Campus Saint George

La présence de George ne se limite pas au Fort ou à la cathédrale anglicane. En francais, on lui préfère Georges. On en trouve également la trace sur le campus de College Road, lieu de la plus ancienne université de Chennai. Il ne reste que peu de bâtiments de l’époque coloniale. Cependant, le secrétariat et la poussiéreuse mais étonnante société littéraire résistent au temps. La petite chapelle Saint Georges a, elle, été reconstruite. Elle manque singulièrement de charme mais rappelle le patron de la petite colonie et de son premier établissement d’enseignement supérieur.

Architecture coloniale

Voici un petit lexique récapitulant l’architecture coloniale à Chennai et sa signification  avec en prime quelques bâtiments emblématiques.

Le baroque Portugais

Au XVIeme siècle, le petit village tamoul de Mylapore est conquis par les Portugais en quète d’épices. Les Fransiscains qui les accompagnent en profitent pour évangéliser et reconstruire la basilique de l’Apôtre Saint Thomas, martyrisé et mort en ces lieux. Puis ils construisent des missions. De petites chapelles se multiplient à Mylapore : Saint Thomas bien sûre, mais aussi l’Eglise de la Lumière Luz, Sainte Rita, Notre Dame du Rosaire. Sur les hauteurs, les jolis ermitages blancs et baroques du Petit Mont et de mont Saint Thomas dominent la ville.

Le néo-palladianisme ou classicisme anglais.

Inspiré de l’architecte vicentin Palladio qui travailla au seizième siècle non loin de Venise, il est ramené en Angleterre par Inigo Jones et se diffuse dans les campagnes britanniques avant de s’imposer dans les plantations et les bâtiments officiels américains. Il est devenu emblématique de l’idée de démocratie et de bien publique. Avec ses lignes équilibrées et symétriques on le retrouve notamment au Rippon Building mais aussi dans les belles églises st Andrew et St Georges. Il émane d’une Angleterre triomphante qui impose sa vision de l’ordre et du bon gouvernement.

Le style indo-sarracénique emblématique de l’architecture coloniale

Le style indo-sarracénique nait à Chennai au Chepauk Palace, juste à côté du stade de cricket du même nom. Il correspond à la vision anglaise des édifices indiens. Il mêle influences mogholes (alors que les Moghols ne sont pas parvenus à Chennai), néo-byzantines voire gothiques. On le voit aux musées du Gouvernement mais aussi dans les bâtiments de l’université de Madras ou les cours de justice. Il témoigne d’une Angleterre qui se veut intégrante et compréhensive de l’héritage musulman mais qui ne se rend pas compte qu’elle commet un anachronisme majeur puisque les Moghols ne sont pas parvenus au Tamil Nadu. La présence coloniale impose ici un modèle unique indien dans une vision hégémonique.

Le style néo-gothique.

Emblématique de la fin du XIXe anglais, on le retrouve dans beaucoup d’églises coloniales avec ces flèches à clochers pointus. SanTome en est un bon exemple. La gare centrale, sur le modèle de Saint Pancras de Londres illustre aussi joliment ce style.

Il connait une variante vénitienne avec notamment les bâtiments de brique rouge du quartier de Parry’s Corner. Le long de la ligne de chemin de fer, les belles façades donnaient sur la Promenade, allée de parade à l’epoque coloniale vite abandonnée lors de l’ouverture du chemin de fer et de la nouvelle Marina Beach plus au sud. Cette variante repose sur les écrits de John Ruskin et est essentiellement adoptée pur les édifices à vocation commerciale. Certains architectes poussent l’imitation jusqu’à reproduire des édifices célèbres de la République Sérénissime de Venise comme le fameux Bovolo. Venise à Madras, il fallait oser, mais les Anglais au faite de leur puissance coloniale n’hésitent pas.

L’éclectisme

Il très typique dans toute l’Europe de la fin du XIXe apparait à Chennai dans certaines constructions originales comme le bâtiment du Sénat de l’Université de Madras sur la Marina. Le plus bel exemple est néanmoins certainement Egmore Station avec son ravissant toit en coupole et ses piliers décorés de dentelles.

Le style néo dravidien, plus rare est une concession à l’âme dravidienne locale. Plus profondément tamoul, il apparait plus tardivement au centre ferroviaire du sud-ouest près de la gare centrale par exemple. Il témoigne d’un intérêt voire de concessions de l’Empire par rapport à l’originalité et l’identité tamoule dans un océan anglo-hindi.

Également très rare à Chennai, le style Arts and Crafts témoigne du mouvement Art Nouveau mené par William Morris en Angleterre. On le retrouve non loin de la gare à l’école d’Art, lieu d’expérimentations artistiques.

Le style art- déco

Il marque la fin de l’architecture coloniale et une certaine forme de revendication par rapport à l’Empire britannique. Français à l’origine, remanié par son passage américain, il orne les nombreux quartiers nouveaux du Chennai des années 1940 et correspond à la montée du sentiment indépendantiste. On le trouve donc essentiellement dans les maisons privées des quartiers modelés dans les années 1930 tels T Nagar, ou Royapet. A Parry’s Corner, quelques édifices commerciaux adoptent également ces lignes droites et modernistes.

Royapet

Royapet est aujourd’hui connu pour ses grands magasins, comme le centre commercial Express avenue. On oublie pourtant que Royapet fut le coin chic de Madras dans les années 1830. Un quartier résidentiel se développa autour de la toute nouvelle église et de l’école Wesley. Les magistrats et acteurs cherchaient de nouveaux lieux de résidence dans cette zone proche de Mount Road. L’avenue s’affirmait alors comme axe central de Chennai.  Car Fort George devenant exigu, de nouveaux bâtiments de Governement Estate furent construits un peu au nord. La ville commença alors à s’étendre dans cette zone.

Effectivement, le gouvernement changeait de lieu et les employés de la EIC ( East India Company) cherchaient des espaces pour y construire leurs maisons. Royapet offrait de beaux terrains constructibles dans une végétation luxuriante. Il y avait de la place pour construire d’agréables résidences avec jardins mais aussi des écoles pour la nouvelle communauté Anglo indienne.

 Je vous propose aujourd’hui une promenade en deux temps dans ces lieux chargés d’histoire.

Express devenu Mall

Le quartier ne compte malheureusement plus beaucoup de jardins. Le lieu le plus connu est peut-être le centre commercial. Pourtant, on oublie presque que l’un des bâtiments les plus représentatifs de l’élite coloniale occupait les lieux, le célèbre et très exclusif Madras Club. Réservé aux hommes blancs, celui-ci fut fondé en 1832 puis agrandi une vingtaine d’années plus tard. Il ne reste rien des édifices classiques ni du parc. Le club lui-même avec sa façade de temple rappelait l’architecture palladienne de Londres. Les dames ne pouvaient y accéder que pour les bals et les grandes occasions.

 Néanmoins, il fallut augmenter les tarifs pour continuer à agrandir et maintenir les lieux. L’adhésion devenait prohibitive. La concurrence de nouveaux clubs poussa le club de Madras à réduire ses coûts en déménageant dans des locaux plus modestes. En 1947, il vendit la propriété aux enchères et s’installa d’abord à Branson Bagh en face de Church Park School, qui appartenait au Raja de Bobbili. Mais moins de dix ans après ce déménagement, l’état des finances du club obligea à un nouveau changement. Le club migra alors à Boat club où il se trouve encore aujourd’hui. En 1963 en effet, il avait fusionné avec le club d’Adyar et ouvrait enfin ses portes aux Indiens. Avec ses tarifs d’entrée prohibitifs et sa liste d’attente interminable le club reste très sélectif et perpétue une tradition ô combien britannique.

La société immobilière « Express » racheta quant à elle le Club de Madras et donna son nom à l’avenue qui bordait le terrain. Lorsque le centre commercial fut construit, il reprit à son tour le nom pour devenir « Express Avenue Mall ».

L’école Wesley

Pratiquement en face du centre commercial, un autre grand jardin se cache derrière des murs. Il s’agit de l’école Wesley. Celle-ci a fêté ses 200 ans en 2018.

De nombreux missionnaires étaient arrivés à Madras pour fonder des églises. Les Méthodistes, menés à Chennai par l’entreprenant par James Lynch, s’étaient dirigés en 1817 vers Black Town pour y prêcher.

Ils fondèrent un certain nombre d’églises dans la ville et une nouvelle chapelle à Royapet bientôt suivie d’une petite école.  Peu de temps après, la couronne signa une charte pour améliorer l’enseignement en sciences et en langues. Les missionnaires recurent alors l’autorisation d’enseigner en anglais ce que confirma la loi de 1835 officialisant l’instruction en anglais et autorisant la diffusion du christianisme. Le gouvernement garantissait alors des postes aux élèves à peine diplômés pour promouvoir ses écoles.

Puis le système se renforça encore avec des examens d’entrée en anglais. Ceci poussa les élites à faire donner des cours privés à leurs enfants de manière à les avantager pour rentrer dans ces écoles.

L’éducation était fondamentale car elle ouvrait des voies professionnelles. Les églises accueillaient tous les fidèles, contrairement aux temples hindous, et offraient des possibilités professionnelles et sociales nouvelles.

L’école de Royapet est l’une des rares constructions de Chennai dans un style vernaculaire. Le parc, quoique peu entretenu, est spectaculaire par sa taille en plein centre de Chennai.

L’Eglise de Wesley

Juste à côté, l’église située près d’un hôpital accueillait, et accueille toujours, une vaste congrégation pas seulement méthodiste. Il est vrai que les églises reformées se sont unifiées sous la même casquette en 1958 d’Eglise du Sud de l’Inde

la chapelle est devenue église. La grande bâtisse blanche de style néoclassique date de 1853 avec de jolis vitraux modernes. Le faux plafond a disparu lors de la rénovation et l’on a retrouvé la belle charpente d’origine. La quiétude des lieux contraste avec l’animation du carrefour qui donne sur le centre commercial.

Autour de Chennai

5 idées d’excursions

métier à tisser Dakshinashitra

Que vous soyez autour de Chennai pour 3 jours ou 3 ans, voici quelques idées si vous vous sentez asphyxié(e) par le centre-ville.

Au Nord de Chennai

Pulikat

Cet immense lac se trouve en fait en Andhra Pradesh, c’est un beau lieu d’excursion à la journée depuis Chennai. On traverse de jolis villages puis des champs avant d’atteindre le grand plan d’eau. Il est possible de se garer au petit marché aux poissons typique. De là, il suffit de se mettre d’accord avec des pêcheurs pour partir en balade sur le lac. Entre janvier et début mai, le lieu devient une colonie d’abord pour les cigognes puis pour les flamants roses.

Une fois accompli votre reportage photo, vous pouvez reprendre la voiture traverser le pont pour vous rendre au petit village et à la plage, sale, sur la mer. A l’entrée du village se dressent les vestiges d’un campement néerlandais dont ne subsiste que l’église.

Marchés de Koyambedu et de Kasimedu

Malgré sa multitude de marchés multicolores, Chennai offre des expériences sensorielles hors norme avec ses deux grands marchés. Sensibles aux odeurs fortes, s’abstenir !

Kasimedu est l’un des villages les plus pauvres intégrés à l’agglomération de Chennai. Il s’articule entièrement autour de l’énorme marché à ciel ouvert qui se tient aux aurores. Sur près de 2km les bateaux verts accostés servent de toile de fond à la vente, assurée par les femmes de marin. S’il y a beaucoup de marchés aux poissons dans Chennai, celui-ci est le plus connu et certainement le plus renommé et le plus coloré, un must pour les photographes. Le village lui-même à été construit pour les pêcheurs sous MGR, il émane d’une volonté officielle de leur donner un cadre de vie décent.

Koyambedu le grand marché aux fleurs, aux légumes et aux fruits de Chennai, une sorte de Rungis version tropicale. Des grands bâtiments de granit accueillent la merveilleuse profusion florale destinée aux temples et cérémonies, alors que le marché alimentaire voit se presser une foule bigarrée interrompue par les vaches et les deux roues.

Autour de Chennai et au Sud

Dakshinashitra

Ce musée, dit vivant, est avant tout un village reconstitué de maisons typiques de tout le sud de l’Inde. Il est situé à 25km autour de Chennai sur la route côtière (ECR) et son nom signifie « image du Sud ». On y retrouve des maisons de bois typiques du Kerala, et des maisons à cour tamoule. C’est à la fois un musée du folklore, une exposition d’architecture et d’arts locaux mais aussi une scène de spectacle. La mission consiste à promouvoir et préserver les arts du sud de l’Inde de manière aussi ludique que possible. Cette ONG et projet de Madras Craft Foundation est ouverte au public depuis 1996.

Les 18 maisons de style vernaculaire que l’on peut visiter contiennent le plus souvent des meubles ou des explications. Vouées à la démolition, elles ont été rachetées, démontées transportées et reconstruites par des artisans locaux. De la hutte de pêcheur, à la belle maison en bois keralaise ou à la maison partagée typique du Tamil Nadu avec sa grande cour intérieure, on passe d’un style à l’autre. Les spécificités et originalités régionales apparaissent ainsi de manière lisible. Outres des meubles, certaines maisons donnent des renseignements sur l’économie locale, le tissage, les liens commerciaux ou la vie des habitants. C’est un très joli lieu de sortie qui peut se cumuler avec une sortie créative pour les enfants, en fonction des activités proposées par le musée à ciel ouvert.

Cholamandal, le village des artistes autour de Chennai

Si vous cherchez une idée de sortie calme et artistique autour de Chennai en voici une à la sortie de le ville, non loin du premier péage.  C’est le village d’artistes fondé en 1966. Ces artistes, mis en lumière par l’école d’art, habitent les jolies maisons qui entourent la galerie ouverte il y a une dizaine d’années. Les cabanes initiales se sont peu à peu transformées en jolies maisons entourées de jardins de sculptures.

Kovalam Beach

 C’est la première grande et belle plage au sud de Chennai avec un site de surf.

Plus loin vous pouvez aussi aller jusqu’à Kanchipuram. Ou Mahäbalipuram et aussi temple des Aigles et Gingee.

Musée du Cinéma, Chennai

Voici un spécial Musée du Cinéma à Chennai. Les lecteurs les plus avertis l’auront certainement déjà subodoré. Le Monsieur Cinéma du Petit Journal dit aussi Greg le cinéphage, est ma meilleure moitié. Il a d’ailleurs opéré sa mue pour devenir M Bollywood sur ce site.

Pour changer des salles obscures, Monsieur Cinéma est parti en quête du musée chennaiote du 7e art. Il porte le nom de AVM Heritage Museum en hommage aux studios aujourd’hui fermés et disparus dans Chennai.

On peut accéder au musée depuis le Métro Vijaya. Celui-ci se trouve dans un centre commercial tout moderne et proche du temple du même nom, Arulmigu Vatapalani Murugan . De là, on rejoint Arcot Road pour rechercher les studios.

La vaine quête des studios

Le cinéma du sud étant très prolifique, Greg le cinéphage pensait trouver des grands espaces. Il s’attendait donc à trouver décors, starlettes au maquillage dégoulinant, caméras. Malheureusement, il a fait chou blanc. Il parait que les studios ont déménagé dans la campagne pour cause d’inflation immobilière au centre de Chennai.

En effet, au lieu de studios, seul le sigle AVM permettait d’imaginer que les lieux avaient pu importer pour le cinéma. Et de fait, ils avaient abrité l’âge d’or de la création cinématographique locale. Malheureusement, celle-ci a migré hors de la ville. De ce fait, les spéculateurs immobiliers se jettent avec gourmandise sur ces quartiers relativement centraux. Ceux-ci attendaient ces vastes terrains le couteau ou plutôt le carnet de chèque entre les dents. L’année dernière encore, quelques techniciens oubliés se consolaient dans les terrains vagues et les chantiers.

Car en cherchant un peu, il existe nombre de petits studios de doublage et d’effets spéciaux dans la ville. Pourtant l’idée de se rendre aux ex studios AVM  n’était pas si mauvaise. En effet, en avril 2023 un petit musée du cinéma a effectivement ouvert à Chennai.

Le Musée du Cinéma de Chennai

C’est bien dans le quartier historique de cette cité du cinéma disparue que le Musée du Cinéma s’est installé dans un studio rescapé. Le quartier se voit pour le reste envahi par des immeubles flambants neufs sur un boulevard un peu pourri.

Ne vous attendez pas à y trouver de grande reconstitution. Il manque un peu d’explications. Cependant, on y trouve les voitures conduites par les grands acteurs d’hier. Elles coexistent avec les bobines à l’origine de grands succès locaux.  Le propos ici est d’exposer les bobines et machineries utilisées pour tourner les films. C’est surtout l’occasion de montrer des dizaines de voitures utilisées par les grandes stars locales.

Alors si vous ne vous intéressez pas aux voitures anciennes ou aux films du Sud, passez votre chemin. Si, en revanche, l’évocation par de petits extraits de films locaux utilisant les voitures présentées vous tente. Si, les voitures elles-mêmes vous plaisent ,c’est l’occasion de passer un après-midi sympathique. Il est préférable de connaitre a minima quelques vedettes tamoul du grand écran. Vous vous formerez un peu aux noms et grands principes du cinéma local.

Mais une fois que vous aurez compris que Kollywood raffole des films de justiciers au grand cœur avec beaucoup d’action, des personnages joviaux et des stars indéboulonnables dans leur rôle de grand gentil, que les films sont ponctués de scènes dansées chantées peut être un tantinet plus folkloriques que dans la production du nord, vous aurez déjà une bonne idée de ce que vous allez voir.

reels at cinema Museum Chennai

 Laissez les grandes reconstitutions historiques et les films à très gros budget au Karnataka. Vous comprendrez ainsi mieux ce musée sympathique coloré mais pas immense. Des affiches concluent la visite de ce grand hangar converti en musée ou plutôt en hommage aux studios AVM.

6 lieux indo-sarracéniques à Chennai

 Cette fois je vous propose des lieux indo-sarracéniques pour faire suite à l’article précèdent sur l’architecture indo-sarracénique. En effet, Chennai offre un joyeux mélange de styles. Les constructions de type néo vénitiens le dsputent aux édifices maures, au palladianisme, ou au gothique français. Cet agrégat d’éléments indiens et européens correspond à la période victorienne, très amatrice de pastiches. Globalement les gares, les universités d’époque britannique adoptent cet éclectisme teinté d’exotisme. Alors où commencer l’itinéraire indo-sarracénique à Chennai ?

High court, la tour la plus haute

Chepauk Palace , premier des lieux indo-sarracéniques.

Ce palais tombe malheureusement en ruine. Néanmoins, il marque l’acte de naissance et donc l’un des lieux indo-sarracéniques incontournables. Construit en 1768, pour le Nawab d’Arcot , il cache aujourd’hui son délabrement derrière des palissades et une façade repeinte. Le nom est cependant bien connu des locaux puisqu’ il évoque le grand stade de cricket qui lui fait face. Cependant, peu de de fans de cricket savent que Chepauk marque les débuts de ce style architectural douteux mais rigolo. Les Nababs furent rapidement déplacés par les colons et relogés au Amir Mahal, dans Royapuram où les descendants de la dynastie vivent encore.

Riipon building, un gros batiment blanc à colonnes

Madras High Court, le quartier de Parrys corner

Le Bovolo de Chennai

Connu pour ses ruelles animées et ses échoppes multicolores, le quartier de Parry’s corner vaut également la visite pour ses merveilles indo-sarracéniques. Encore convient-il de lever le nez en sortant de la gare Chennai Beach. On commence avec l’extraordinaire promenade sur North Beach road. Les marchands et marins y débarquaient et il convenait d’y afficher toute la gloire et la puissance de l’Empire. Si les bâtiments tombent ajourd’hui en ruine, il vaut la peine de regarder l’extraordinaire façade de la Poste ou des banques. On y sent l’influence de Venise et notamment du fameux Bovolo.

YMCA indo sarracénique avec des fenêtres ourlées sur l'esplanade

Si l’on traverse, on tombe nez à nez avec les joyaux de la cour de Justice. Ici c’est une profusion de dômes sculptés et minarets dignes de palais de Maharadjas.

 Madras literary society et musées

Les grandes institutions officielles impériales sont les plus révélatrices du style indo-sarracénique. A Egmore, sur College road, on peut admirer deux sites principaux, l’ancien campus st Georges qui correspond à l’embryon de l’université britannique. On peut encore y visiter la Madras Literary society .

Surtout, les musées du Gouvernement offrent des exemples épatants de la profusion architecturale de l’époque victorienne. Sur le même site se succèdent le fantastique palais ourlé qui sert de galerie d’art, alors que le théâtre rond est une réplique du Albert Hall de Londres. La galerie archéologique s’inspire des pignons de brique de Kensington et de Albertopolis, quartier emblématique de l’époque dans la capitale de l’Empire.

thátre du Musée, inspiré par le Royal Albert Hall
Théatre du Musée du Gouvernement

Autour de la gare centrale

Chowdry, ancienne auberge face à la gare centrale

Là encore nous sommes dans un quartier hautement britannique et…victorien. Quoi de plus emblématiques que les gares pour exprimer la splendeur de l’Empire en effet ?

Autour de Central Railways station, les beaux vestiges architecturaux abondent. Il s’agit d’abord du plus pur éclectisme victorien si l’on peut dire, à savoir la gare centrale néo-gothique tout droit inspirée de ses contemporaines londoniennes du style Saint Pancras. Puis le Rippon Building symbolique siège du gouvernement, l’un des meilleurs exemples de palladianisme sur le sol indien. Le Victoria Hall en brique rouge semble lui aussi directement rapporté des iles britanniques. En revanche, les deux bâtiments qui leur font face le Chawdry, auberge réservée aux Brahmanes, et l’étonnante meringue blanche qui servaient d’hôtellerie pour les voyageurs appartiennent bien au style indo-sarracénique. Je m’amuserai certainement dans les prochaines semaines à écrire un peu sur ce quartier riche en architecture. Un peu plus loin, Egmore Station avec ses coupoles et dômes est une de plus jolies réussites de ce style si unique à l’Inde pendant la période anglaise.

Egmore Station, magnifique batiment éclectique

Anna Salai, Mount Road

Avec Higginbothams, la maison des détectives et tous les bâtiments en ruine, Mount Road marqua le déplacement du centre de la ville Victorienne de st Georges à ce quartier nouveau et en expansion au début du XXème siècle. Nulle surprise que les édifices de style indo-sarracénique soient ici des bâtiments à vocation commerciale.

une facade vénitienne dans Parry's Corner

Senate House dans l’ Université de Madras, et Marina Beach

Dernier soubresaut du style indo-sarracénique, Marina ou South Beach road prit le dessus sur la promenade qui devenait un lieu moins plaisant depuis que les voies de chemin de fer avaient fermé la vue sur la mer. Ce long boulevard en bord de plage se borda de bâtiments éclectiques du plus curieux effet. Parmi les gâteaux à la crème, le Senate Building, central à l’université de Madras étonne avec ses minarets, ses coupoles néo byzantines. Un pastiche complet pour mieux affirmer la puissance de l’empire à son apogée.

Après la mort de Victoria (1901) en effet, l’architecture se fit plus sage et revint à des lignes plus classiques voire à des références réellement locales comme l’immeuble néo dravidien du South Railways building. Les derniers soubresauts anglais consistèrent en des décorations baroques sur des facades classiques, correspondant au style edwardien.

facade édouardienne
la sagesse d’une facade édouardienne dans Parry’s corner

Parry’s Corner

clocher blanc dans le jardin de l église arménienne

Parry’s Corner évoque pour les habitants et les touristes une succession de ruelles et de marchés de rue ou tout s’échange, se vend. Paradoxalement c’est aussi l’un des quartiers les plus anciens et les plus riches en architecture et il est dommage de ne s’arrêter qu’à la frénésie commerciale.

A l’origine du Madras britannique, Fort George et Parry’s Corner

A l’époque de la fondation de Chennai il n’y avait que des villages, parmi lesquels Chenna-Patnam, Madras-Patnam et Mylapore. Les Britanniques à leur arrivée fondèrent la ville de George Town, bientôt connue comme ville blanche et ouvrirent une route nord sud. Puis ils créèrent la ville noire en damier, le long de la plage avec le bazar birman. Une route menant à la prison au nord et à l’ouest à la gare centrale conplétait l’ensemble. Deux villes coexistaient donc, le fort à l’abri des murailles et au nord, la ville nouvelle au plan hippodaméen commerçante et locale avec ses temples et marchés.

 Lorsque la compagnie des Indes Orientales (EIC) grossit, elle eut besoin de comptoirs. Francis Day fut chargé en 1639 de trouver un nouveau port, non loin de l’implantation portugaise de Mylapore. Le commerce lusophone florissait depuis déjà un siècle. Le succès des Portugais, encouragea les Britanniques.

Sir Francis traversa le bastion hollandais et tomba sous le charme des lieux. Il obtint des terres du dignitaire local. Il fonda alors Fort st George pour la couronne britannique avec bureau, entrepôts et résidences pour la compagnie. Cette première ville fut pourvue d’une muraille.

Des 1600, la ville noire apparut hors des murs.  Elle résultait de la croissance mais aussi d’une discrimination entre chrétiens et locaux. Elle comptait des Telugus et Tamouls mais aussi d’autres groupes juifs, arméniens, gujaratis. Cette ville noire était dépourvue de murs. Les Français y tinrent siège en 1746 contre les Britanniques pour conquérir le trône des nawabs. Ils finirent par échanger Louisbourg, en Nouvelle Ecosse, au Canada contre Madras. Les négociants anglais revinrent alors et protégèrent la ville noire avec des armes et non des murs. Avec la colonisation en 1857, la Compagnie des Indes orientales remit ses territoires et parts à la couronne britannique.

temple et immeuble art déco dans Geogetown

Promenade autour de Parry’s Corner

Georgetown tient son nom du Roi George IV. Néanmoins, on parle du quartier comme de Parry’s Corner. Ce même si le nom désignait à la base juste un édifice commercial, d’où Thomas Parry fit fructifier ses activités.

Pour cette promenade, on peut justement partir de l’immeuble de Parry’s Corner. Ce nom correspond au second bâtiment d’affaire le plus ancien à survivre à Madras dans les années 1900. D’une riche famille, Thomas Parry, frère d’un administrateur de Georgetown, arriva à Madras. Marchand indépendant, il vendait un peu de tout, des voyages, du vin, de l’immobilier. Puis, il ouvrit une tannerie en 1905 et une, sucrerie en 1908. Ensuite, il s’associa avec William Dare. Ce partenariat fructueux prit fin dans les années 1920 lorsque Parry dut s’exiler pour des raisons politiques. Le bâtiment prit le nom de Dare mais le quartier et le sucre s’appellent toujours Parry.

facade art déco de Dare House

C’est au niveau de Dare House qu’eut lieu le siège français. En 1897, une esplanade jouxtait les murailles. En atteste un obélisque (sur les 5 existant à l’époque) et un bâtiment juridique néo-gothique. C’était une zone frontière entre les villes noire et blanche.  C’est en ce lieu que se sont développées les cours de Justice regroupant toutes les professions juridiques sur le modèle britannique mais selon le style indo-sarracénique. Ce fut surtout le centre de la ville et on y trouvait banques, commerces, institutions religieuses et administrations.

En face des dômes et pinacles d’allure néo-moghole, Dare House à l’angle, utilisé comme consulat américain a été détruit en 1908. Il a été reconstruit en acier et béton, de manière plus moderne. C’est un des rares bâtiments art déco de la ville à vocation commerciale.

Dubashi et Chetty  Street

Avant de tourner sur Dubashi Street, se dresse l’église du missionnaire John Anderson venu monter une école de filles dans St George et propager la foi chrétienne. L’église fut ensuite affiliée à l’université de Madras en 1877. Du collège, ne reste qu’un mur.

Le terme de dubashi se réfère aux serviteurs, traducteurs devenus en quelques sortes, intermédiaires, collaborateurs, agents, intermédiaires, receleurs, agents double au service des colons. Cette position avantageuse les enrichit considérablement. Ils possédaient beaucoup de terres et ont donné leurs noms aux rues. Mais ils volaient souvent les locaux. dubakul in tamul se traduit par tricher. La petite histoire raconte que pour se faire pardonner ils construisèrent de nombreux temples à travers la ville.

Chetty Street évoque en revanche les nombreux Chettiar, ces commercants qui ayant fait fortune avec les Anglais se firent batirent des palais somptueux dans le Chettinad.

Le bâtiment victorien de style vénitien rappelle les écrits de Ruskin. Il s’agissait d’une succursale d’une société de Mumbay. Construit en 1900 dans le style indo-sarracénique, l’édifice de brique possède une façade de brique et pierres aux spectaculaires vitraux et aux arcs de style venitien. La structure est néanmoins moderne et implique fer et acier, emblématiques de la révolution industrielle. Une véranda soutient le toit terrasse.

Armenian street

Cette rue prend le nom de la très belle église arménienne véritable oasis de charme dans le tohu bohu du quartier. Les Arméniens, d’abord à San Tome au Mont (ils ont financé l’escalier) sont tous partis. Mais ils étaient très prospères. Ils s’étaient enrichis grâce au commerce de la soie, des bijoux et épices. De ce fait, ils construisirent une église en 1712 plus proche de leur lieu de commerce fort st George.

Un peu plus loin se trouvent le centre catholique, un grand bâtiment art déco. A l’emplacement du parking qui le jouxte se trouvaient Benny and co ou les Arméniens vendaient leurs propriétés avant de rentrer chez eux. Cette énorme société a fait faillite. John Benny travaillait avec le nabab, il occupait de nombreuses fonctions et vendait des uniformes, fournitures de toutes sortes. Il investit dans 2 moulins, Buckingham et Karnatikam, puis à la fin du 19ème siècleune filature à Bengalore. Après l’indépendance, la société plongea du fait de la crise. Benny fut racheté dans les années 1960.

En face, la Compagnie d’assurance privée, est une succursale de celle de Bombay. Un architecte indien créa le bâtiment moderne, un des premiers planifiés en 1945 avec une entrée en angle. Le bâtiment est célèbre pour son sous-sol enterré pour les dépôts. Il recourait à des matériaux locaux. La décoration rappelait l’architecture indo-sarracénique avec le balcon de côté avec jally, le petit dôme, le joli Chatri  (kiosque) sous le toit. Aujourd’hui, la compagnie devenue LSI a été nationalisée à l’indépendance.

Un peu plus loin sur la rue, South India house, de style Edwardian offre une décoration bien différente presque rococo sur une façade toute simple.

Le Long de Beach road face au marché birman

Cette rue était l’avenue de parade bordée d’arbres et de luminaires le long de la plage avant le percement de Marina et le déplacement des clubs de plage. Avec l’ouverture de la gare, les Britanniques construisirent le long de la belle promenade, leurs plus beaux bâtiments. Les nouveaux arrivants, marchands, marins pouvaient y admirer la splendeur du Raj à travers de somptueux édifices. Aujourd’hui la vétusté et l’incurie font pratiquement oublier la grandeur indo-sarracénique de ces façades en relief. En diffère, celle du Metropolitan Magistrate court, pour les cas civils. Construite en 1892, sa façade plate ornée de mosaïques atteste combien les Britanniques consacraient un minimum d’argent pour rehausser un édifice pour les locaux.

L’Alliance Française

L’Alliance française de Madras, conserve le nom de l’association fondée bien avant le changement de nom de la ville en Chennai, en 1996. L’institution vient de célébrer en grande pompe ses 70 ans. Pour cet anniversaire, l’Alliance Française a fait peau neuve avec pour objectif de s’ouvrir à tous et de faire résonner la culture française bien au-delà de l’hexagone.

L’Alliance française de Madras rajeunie pour son 70eme anniversaire

               Fondée en 1953, cette Alliance nous rappelle que les liens entre le Tamil Nadu et la France s’ancrent dans l’histoire. Ce, depuis l’implantation française à Pondichéry au XVIIIème siècle. De ce fait, elle représente bien plus qu’un simple centre de langue.

L’Alliance offre bien sûr des cours de français aux apprenants. Elle accueille aussi des activités dans le bel auditorium Michelin. La bibliothèque a elle aussi fait l’objet d’une cure de rajeunissement. Surtout, le bel Espace 24, au 24 College Road, permet d’accueillir des expositions. Il aide aussi à mettre en valeur des artistes locaux ou français.

Ce 70ème anniversaire permet d’officialiser les nouveaux bâtiments d’une Alliance qui a presque doublé sa superficie initiale.

Une Alliance française atypique

L’Alliance française de Chennai est constituée d’un comité francophone et d’un trust 100% indien propriétaire des murs. Ce type de montage, assez courant, permet de sécuriser les bâtiments détenus localement. D’ailleurs, la séparation des pouvoirs garantit un équilibre. Le président du comité est un artiste local renommé.

L’Alliance de Madras est l’une des plus grosses au monde avec une quarantaine de professeurs et 2.600 étudiants. Elle prend place dans un réseau de 800 établissements. Ceux-ci se répartissent dans 130 pays dont 15 antennes réparties sur le territoire indien. Il s’agit d’associations françaises de droit local dont seul le directeur relève du Ministère des Affaires étrangères.

La proximité de Pondichéry et l’originalité du statut de franco-pondichériens expliquent en grande partie l’offre importante d’enseignants locaux parfaitement francophones.

Des bâtiments Art déco entièrement rénovés

Construite en 1953, la maison de style art déco fait partie d’un grand projet immobilier mené par un ingénieur, M Subarco. L’Alliance y a d’abord loué des salles à partir de 1975. Puis, elle a acheté la maison 5 ans plus tard, grâce à un prêt de l’Alliance Française parisienne.

Après le cyclone de 2017, le bâtiment a fait l’objet d’une magnifique rénovation et d’agrandissements par l’architecte Sujata Chankar. Les nouveaux espaces inaugurés en décembre 2022 comptent notamment la galerie. Espace 24 accueille les expositions d’arts visuels, de photographies ou offrant des ateliers. Il s’agit d’un espace polyvalent interactif. L’extension a en effet pour but de donner de l’ampleur à la dimension culturelle.

Conquérir de nouveaux publics

L’Alliance française jouit d’une véritable notoriété à Chennai. Néanmoins une marge de progression existe dans une ville de 10 Million d’habitants.

L’Alliance s’adresse à des Indiens désireux d’apprendre le français. Ils le font souvent pour des raisons professionnelles, comme travailler au Canada ou en Afrique où beaucoup d’entreprises indiennes sont installées. A ces élèves, s’ajoutent ceux qui apprennent le français pour le plaisir.

Le Dr Patricia Thery Hart, la dynamique directrice, estime qu’en diversifiant la proposition d’activités, en améliorant la qualité de la restauration, et en trouvant de nouveaux partenaires elle pourra améliorer la visibilité et l’audience et s’ouvrir à de nouveaux publics.

De nouvelles activités

Déjà l’offre a été structurée depuis son arrivée et des thématiques mensuelles visant à attirer un public avide de nouveautés culturelles.

L’équipe, renouvelée ,a déjà commencé à travailler sur une série de « dialogues créatifs ». Ils portent sur des sujets liés à l’art, la science, l’anthropologie. Elle envisage d’autres activités comme l’Opera on screen, art on screen, ou des artistes en résidence. Des cours le matin et l’après-midi ainsi que des ateliers pourraient élargir les propositions actuelles. D’autres projets à moyen et long terme visent à associer des designs contemporains en partenariat avec des associations étrangères. Le Goethe Institut de Chennai, ou Dakshinashitra font partie de ces liens.

L’Alliance Française de Madras a vocation à offrir beaucoup plus que des cours de langue. Elle vise aujourd’hui de nouveaux publics grâce à une programmation riche et variée.