Singapour bis

Dans ce Singapour bis je ne cherche pas à me prendre pour une grande connaisseuse de la destination. En revanche pour avoir eu la chance d’y passer un peu de temps chez des résidents, voici quelques idées de promenades plus originales. Vous pourrez les explorer si vous restez plus d’une journée dans la cité Etat. Surtout l’idée ici est de donner des idées dépaysantes au départ de Chennai. Je m’intéresse donc davantage aux parcs, jolis musées. Mais il ne faut pas oublier que Singapour est également un paradis pour les accrocs du shopping, qu’on y trouve des plages, des marchés et marches magnifiques, de nombreux musée et galeries et de quoi satisfaire toutes les envies. Voici donc juste quelques idées dans une liste non exhaustive.

 Des parcs en pagailles

Outre les somptueux Garden by the bay Singapour abonde en jardins de toutes tailles, tous admirablement entretenus. Parmi ceux-ci, je peux en citer deux que j’ai particulièrement aimé. En venant de la poussiéreuse et bruyante Chennai ces parcs constituent de véritables paradis certes humanisés mais magnifiques.

  • Fort Canning, près du centre historique, comporte un joli musée, et des arbres somptueux. Le réservoir, plus au nord, offre de de superbes espaces.
  • Le Jardin Botanique est un paradis luxuriant, classé au patrimoine de l’UNESCO. Ses 6 jardins s’étendent sur plus de 60ha. Seul le jardin des orchidées, repère des groupes de touristes, est payant. Pour le reste on se promène de la jungle, au jardin de l’évolution, en passant par le jardin des gingembres, la Porte de Tanglin, et un jardin pour enfants. Des magnifiques maisons noires et blanches comme l’ancienne ambassade de France surplombent les pelouses tirées au cordeau. Dedans une galerie de toute beauté accueille de jolies expositions.

Des joyaux architecturaux.

Outre les impressionnantes prouesses des architectes contemporains qui rivalisent d’audace, Singapour a conservé à grand peine quelques vestiges anciens.

Les shop houses

 Ce sont d’abord les shop houses. On les voit dans le quartier malais mais aussi le long du quai Clarke. De petites ruelles débouchent également le long de la grande Mecque des magasins de luxe, Orchard avenue. Armenian street dans laquelle se dresse le musée Peranakan vaut également la peine pour ses jolies maisons colorées. Les shop houses sont en effet des petites maisons étroites et bigarées dont le rez de chaussée correspondait à la boutique alors que les étages servaient d’entrepôts, d’ateliers et de logements. Des façades reconstruites et éclairées font l’objet d’un joli spectacle à l’aéroport Changi.

L’architecture coloniale et Art Déco

Le quartier historique (près du métro city hall) recèle également des merveilles coloniales. On peut s’arrêter à la cathédrale anglicane néo gothique St Andrew dont les origines remontent à la première moitié du XIXème siècle. Le City Hall édifié dans les années 1920, ou le Old Supreme Court Building valent la visite. Une restauration audacieuse relie ce bâtiment à la Galerie d’art de Singapour. A défaut de découvrir les peintres locaux, la boutique et les restaurants proposent des options attractives.

Le superbe hôtel Raffles, remonte lui aussi aux beaux jours de la colonisation britannique. Il en a conservé le charme. Mais là encore, le luxe et la qualité de la restauration nous emmènent bien loin de l’Inde. Il reprend le nom de Sir Thomas Stamford Raffles, qui colonisa la cité en 1819. Sa statue se dresse devant le musée près du quai.

Les « Black and white »

Autre merveille architecturale caractéristiques de Singapour les » black and white » ou maisons noires et blanches. Souvent art deco, il s’agit de belles demeures au milieu de jardins. Elles caractérisent les quartiers huppés. On en trouve à l’extrémité de Orchard avenue mais aussi dans le quartier de Dempsey, derrière le jardin botanique.

Des musées

Musee Peranakan.

Pourquoi privilégier ce petit musée plutôt que les galeries et musées nationaux ? Pour l’originalité de sa culture, emblématique de Singapour. Les Peranakan sont en quelque sorte les créoles locaux. Des marchands du sud est asiatique venus faire des affaires dans la ville et qui y ont laissé des enfants et des femmes. Outre l’intérêt du propos, le musée se situe dans une ravissante demeure du quartier historique. Cerise sur le gâteau, les galeries viennent d’être remarquablement restaurées. On y découvre des bijoux, vêtements, meubles et de belles expositions.

Musée des arts asiatiques

Ce musée des civilisation asiatiques abrite des merveilles. Une extraordinaire collection de céramiques abbassides trouvées dans une épave occupe la verrière aménagée a cet effet. Elle débouche sur des salles consacrées a la céramique, qu’elle soit chinoise, peranakan ou malaise. Le premier étage lui se consacre aux différentes religions présentes sur le petit territoire.

De nombreux autres musées ou galeries, tels le musée national ou la galerie nationale (peinture plutôt contemporaine) permettent d’attendre la fin des ondées ou de découvrir un autre aspect de la diversité culturelle locale.

Enfin, si cela ne suffit pas à vous occuper, il vous reste à découvrir les plages, les magasins, ou encore les studios universal, et les nombreuses promenades.

Singapour

Singapour représente une destination facile au départ de Chennai. Avec 2h30 de décalage horaire, 4h20 de vol, on débarque directement au 23e siècle. Ce changement d’échelle et de monde est idéal pour un séjour totalement dépaysant. Singapour est en effet l’une des villes les plus propres, l’une des mieux organisées au monde. Mais aussi l’une de plus onéreuses.

Dès l’aéroport Changi, on entre dans la modernité et la beauté avec le « Jewel », un centre commercial sur le thème de la nature. Ce complexe grandiose né de l’imagination fertile de l’architecte Moshe Safdie s’articule autour du Rain Vortex,  une cascade intérieure haute de 7 étages entourée de passages en hauteur. D’emblée le ton est donné dans cette ville cosmopolite aux multiples racines et soucieuse de mettre en scène la luxuriante nature locale.

Construite sur des iles à l’extrême sud de la péninsule malaise, Singapour est en effet un lieu de confluences culturelles et commerciales, à la hauteur de l’Equateur. On y circule entre des parcs admirablement paysagés, des immeubles aux architectures avant-gardistes au creux desquels se nichent quelques petites enclaves préservées.

La ville jardin

Ce qui frappe en arrivant de Chennai est la beauté et la multitude des espaces verts ainsi que la propreté. Si vous ne passez qu’une journée dans la ville monde de Singapour, les jardins de la Baie sont incontournables,

Gardens by the bay

Cet immense parc admirablement dessiné est globalement gratuit . Il faut compter une bonne demi-journée pour parcourir les différents jardins thématiques et découvrir les supertree Grove, les jardins “Tulipmania” ou “Orchid Extravaganza.”  Ou déambuler au milieu de la chaine animalière sculptée par les formidables Marc et Gillie rencontrés  à Londres.

Les 12 super trees ( super arbres) se trouvent dans une sorte de clairière. Ils jouent le rôle de méga capteurs solaires. L’énergie ainsi recueillie sert à alimenter le parc. Il est possible d’acheter un billet pour marcher en hauteur d’un arbre à l’autre. Le soir un fantastique son et lumière, gratuit, y prend place.

La Forêt de nuages est, elle, payante et onéreuse. Elle recrée en intérieur l’environnement humide tropical. On fait le tour du dôme sur un sentier en haut des arbres et autour d’une cascade.

Marina Bay

La promenade qui relie les 3 jardins en bord de baie – Bay South, Bay East and Bay Central – permet d’admirer Marina Bay. Plus que de jardins on devrait parler ici de promenade plantée. On y voit la fameuse statue fontaine du Merlion, mi poisson mi lion, l’emblème de Singapour. Elle date de 1972. Le poisson représente le village de pécheurs originel alors que le lion évoque le nom de la ville qui signifie « la ville du lion » en malais.

 De là, on voit clairement l’immense complexe Marina bay Sands . A défaut de loger dans le luxueux hôtel et de profiter de la spectaculaire piscine infinie on peut se contenter du centre commercial dessiné aussi par Moshe Safdie, avec son casino, son centre de convention, et son musée des arts et sciences, tous logés dans les 3 tours de 57 étages.

Singapour, la cosmopolite

Kampong Glam, le quartier malais

Au début du 19e Kampong Glam était un quartier musulman. Y habitaient le Sultan de Johore (au sud de la Malaisie) ainsi que des communautés arabes et javanaises. Le petit souk est devenu un quartier vibrant et multiethnique avec de nombreux cafés, restaurants et boutiques d’artisanat blotties dans des petites bâtisses art deco. Il faut se perdre dans la jolie Haji Lane piétonnière. Quelques monuments culturels parsèment le quartier comme la Mosquée du Sultan, Malay Heritage Centre et le Vintage Camera Museum avec sa jolie façade.

Quartier chinois

Thian Hock Keng Temple, ou Tianfu Temple est le temple bouddhiste le plus ancien de Singapour. Construit dans le style traditionnel de Chine du sud sans clou et bien restauré, c’est un régal avec ses sculptures de dragons et phénix et ses toits en pagodes étagés. Les photos y sont interdites.

Aujourd’hui, près des trois quarts des habitants de Singapour sont d’origine chinoise. Mais les premiers colons sont arrivés dans la cité Etat au début du XIXe siècle. C’est ici qu’ils se sont installés, près de la rive au sud de la rivière. Même si ce quartier porte le surnom de Chinatown, à l’image de cet état insulaire, c’est un endroit particulièrement cosmopolite. Il abrite par exemple deux mosquées. La mosquée Al Abrar et la mosquée Jamae jouxtent le temple hindou Sri Mariamman. Celui-ci est très coloré et consacré à la déesse Kali. On voit aussi entre les marchés et magasins chinois, des temples taoïstes et bouddhistes.

Little india

Il s’agit probablement de l’endroit le plus coloré de la ville, avec ses maisons bigarrées comme la fameuse Tan Teng Niah House (maison d’un marchand chinois). Le Tekka Centre, grand marché couvert de fruits légumes viandes et poissons rappelle l’Inde du sud. Tout comme les arcades commerçantes et l’Indian Heritage Centre. On se croirait à Chennai. On y voit des temples hindous et des monastères bouddhistes comme Le Sakya Muni Buddha Gaya. Dans ce petit monastère surnommé le « temple des 1000 lumières » se trouve une statue de Bouddha de 300 tonnes et de 15 mètres de haut.

Le Sri Srinivasa Perumal Temple est lui consacré à Vishnu. Son imposante Gopuram de 20m de haut est décorée de nombreuses sculptures des incarnations de Vishnu.

Vous voilà munis pour une première journée dans cette étonnante cité état. Je vous retrouve la semaine prochaine pour compléter cette première approche des incontournables de Singapour.

Indigo

Le terme indigo désigne chez les anciens la couleur qui vient d’Inde. Autrement dit de l’autre bout du monde où on la cultivait déjà 2000 ans avant notre ère. Il se réfère à une nuance d’un bleu profond mais aussi à une plante, l’indigotier. Base d’une teinture profonde cette couleur est certainement l’une des préférées de l’occident contemporain. En revanche, elle passe au second plan en Inde.

On pourrait même se demander si la couleur des Schtroumpfs a vraiment droit de cité au pays de l’indigo, comme l’illustre avec humour Catherine Delmas dans notre livre commun.

“Qui a volé mon bleu” copyright Catherine Delmas Lett

Aujourd’hui c’est aussi avec un joli jeu de mot le nom de la compagnie aérienne indienne la plus fiable et prospère.

Le bleu d’inde

L’indigo, ou Indigofera tinctoria, est une couleur située entre le bleu et le violet, Elle provient des feuilles et des tiges de l’indigotier. Les Grecs la connaissaient surtout pour se propriétés médicinales On la trouvait en Mésopotamie et en Égypte ancienne, mais aussi en Inde d’où son nom. Des découvertes récentes attestent de son existence en Mésoamérique. Elle transitait par les pays du Proche Orient qui l’utilisaent dans elurs céramiques vernissées. Cette tradition du bleu se retrouve dans l’Asie Central et l’Iran des XII, XIII ème siècle, puis un peu plus tard dans les Empires Safavide et ottoman.

Pour autant, elle n’intéressa vraiment l’occident qu’après le XVIe siècle. Pendant toute l’Antiquité, on’appréciait peu le bleu. Puis, la teinte s’affirma dans la représentation religieuse, chez Giotto, rare peintre italien à la faire sienne, dans les vitraux, voire l’héraldique.

Les vêtement et blasons royaux poussèrent à s’intérsser aux propriétés tinctoriales de la guède. Ce fut l’apogée du pastel. Mais les grandes découvertes ouvrirent la route de l’Inde. Avec cette route directe, s’améliorait l’approvisionnement en indigo. Or celui-ci offrait une couleur plus profonde, avec une meilleure tenue mais un moindre cout. L’Inde s’affirma alors comme le lieu de production du bleu et des textiles.

Il fallut attendre 1631 pour que l’importation d’indigo en France soit autorisée par la couronne et débute véritablement. La main d’œuvre bon marché des colonies américaines allait néanmoins rapidement déplacer le centre de la production de bleu.

L’indigo des Amériques

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, les colonies devinrent des lieux de production importants. L’indigo poussait naturellement sur le continent et s’y montrait particulièrement qualitatif. L’esclavage, en fournissant une main d’œuvre très bon marché, allait achever de transférer la production d’Inde aux colonies américaines sous domination britannique. L’Angleterre détint alors les rouages du commerce du bleu.

 Pour obtenir la couleur, les arbustes d’indigo étaient placés dans des cuves d’eau afin de procéder à la macération puis à la fermentation. Le liquide était ensuite filtré, puis séché afin de récupérer l’indigo réduit en poudre et aggloméré en boules. C’est sous cette forme qu’il arrivait en Europe.

Avec l’indépendance américaine, la couronne britannique refusa la dissolution de son monopole et préféra déplacer une nouvelle fois sa production vers le sous-continent indien. Elle y imposa alors la monoculture de la plante au détriment des plantations vivrières provoquant des famines épouvantables qui ne disparurent qu’avec le retour à des cultures plus responsables.

le bleu des facades de Jodhpur

Le XIXème siècle s vit l’apparition de couleurs synthétiques grâce aux recherches de chimistes allemands dont Adolf von Baeyer  Ceux-ci rendirent les cultures fastidieuses et chronophages de l’indigo obsolètes. Leur découverte correspondait au brevetage des rivets qui allaient faire du blue jean un essentiel des garde-robes.

Aujourd’hui, l’indigo synthétique permet de fabriquer 4 milliards de vêtements en jean chaque année. En revanche, l’indigo renait en tant que couleur naturelle dans un cadre plus artistique. En Inde, il symbolise la ville de Jodhpur.

Mais ce rapide balayage historique permet de comprendre pourquoi le bleu ne figure pas au premier plan des couleurs indiennes.

Le Pastel

Toulouse la bleue et la route du pastel

Dans mon précédent article, je suis revenue à grands traits sur l’histoire du bleu en plongeant à pleines mains dans les ouvrages de Michel Pastoureau. Cette semaine je vous propose d’approfondir la destinée de la région toulousaine au Moyen Age. C’est l’époque où les chantiers des cathédrales mettent le bleu à l’honneur. Promu comme couleur à part entière, celle-ci gagne le vestiaire et assure la fortune des fabricants et marchands de guède. Or l’une des zones qui va s’affirmer est le triangle Albi Carcassonne Toulouse.

Pastel dessiné par Catherine Delmas dans notre livre “Lettres Tamoules”

Le bleu pastel, or du « pays de cocagne »

Déjà connu des anciens. l’Isatis tinctoria aurait été introduite en Europe au Moyen Âge par les Maures qui lui prêtaient des vertus médicinales. En France, elle assura la fortune d’Amiens jusqu’`a la guerre de 100 ans et surtout celle de Toulouse.

 Cette plante bisannuelle a besoin d’une terre riche en calcaire et argileuse pour se développer mais elle s’adapte aux climats tempérés, Dans le Lauragais, on obtenait jusqu’à 6 récoltes par an de ces feuilles vertes aux fleurettes jaunes. Le processus de fabrication du pastel était néanmoins long et fastidieux. Une fois les feuilles récoltées manuellement, lavées, elles passaient sous le moulin pastelier.

fleur de pastel

 Broyées, elles étaient ensuite égouttées puis moulées à la main pour former des « coques » (boules). Le Pays de Cocagne est le lieu où l’on façonnait ces coques. On les déposait ensuite plusieurs mois sur un séchoir.

Puis, une fois sèches, on les réduisait en poudre à l’aide d’un maillet. On versait cette poudre dans une cuve carrelée creusée à même le sol. On l’arrosait alors d ’urine et d’eau croupie afin d’en accélérer la fermentation. La pâte à l’origine du mot « pastel », retournée deux fois par semaine avec une pelle devait dégager une odeur atroce.

Une fois la fermentation terminée, on obtenait enfin une matière bleu gris foncé, l’agranat (concasser en occitan). Il fallait le réduire en poudre très fine pour l’utiliser dans les cuves de teinture. Il ne restait qu’à tremper le tissu.. Après le premier bain, il ressortait jaune, virait au vert puis, rapidement, en s’oxygénant, devenait bleu.

Le Lauragais et le pastel, la route du pastel

Au début du XVe siècle, le Lauragais est encore pauvre. Cette région traditionnellement textile se trouvait à l’épicentre du drame cathare. Parler des Cathares me permet de faire la publicité de la dernière et toujours aussi remarquable exposition du Musée saint Raymond de Toulouse. Avec ses commentaires décalés mais au fait des dernières recherches archéologiques, les conservateurs ont une nouvelle fois réussi le tour de force de vulgariser les dernières publications scientifiques avec humour et brio.

 L’essor du commerce du pastel va bouleverser une nouvelle fois son destin cette fois de manière positive.

Toulouse et Albi se transforment. Leur enrichissement profite à leurs représentants, les Capitouls toulousains et les grandes familles albigeoises. Ils ornent leurs villes de somptueuses demeures. Ainsi, à Toulouse, l’Hôtel de Bernuy, appartenait à un négociant si riche qu’il racheta la dette nécessaire à la libération de François 1er . L’Hôtel d’Assézat, lui remonte à 1555 .

Hotel d'Assezat, Toulouse
l’Hôtel d’Assezat, siège de la somptueuse collection Bemberg

 Au XVIème siècle, la région connaît un essor sans précédent. La campagne se couvre alors de châteaux, d’hôtels particuliers, d’églises et de pigeonniers. De simples propriétaires terriens deviennent des bourgeois fortunés, accédant même, pour certains, à la noblesse.

champs de pastel dan le Lauragais

A St Martin de Nailloux, Bourg Saint Bernard ou Montgeard, les tombes ou portails des églises attestent de l’enrichissement de la région au XVIème siècle.

Des châteaux montrent également cette richesse. Reconstruits comme à Loubens-Lauragais où le moulin pastelier sert aujourd’hui de fontaine ou à Tarabel. Aménagé pour la teinture comme à Monestrol, ou construits ex nihilo comme à Montgeard, ces grandes demeures disent la réussite sociale des marchands.

Des villes deviennent plaques tournantes du commerce des textiles ou des teintures : Avignonet-Lauragais, Villefranche-de-Lauragais, Caraman.

Aujourd’hui les moulins pasteliers ont tous disparus et seuls les textes nous les évoquent. Néanmoins l’habitude d’utiliser les fonds de cuve de pastel pour peindre les menuiseries, volets, portes, les charrettes et les cornes des bœufs a longtemps perduré. Le pastel avait en effet la réputation de posséder des propriétés fongicides et insecticides.

les huisseries bleues de la préfecure de Toulouse

La fin du pastel toulousain

Le pastel connaît son apogée au milieu du XVIème siècle. Mais, plusieurs évènements concomitants vont mettre fin à cet âge d’or.

C’est tout d’abord la concurrence de l’indigo de meilleure tenue et de moindre prix. Pourtant, la couronne de France interdit dans un premier temps la teinture indienne. Elle maintient ainsi artificiellement le commerce du pastel jusqu’ à la fin du XVIIème siècle. C’est l’avènement des teintures chimiques qui porte le coup final.

Cependant, le pastel connait deux renaissances aux XIXème et au XXème siècle :

Sous Napoléon, le blocus continental avec l’Angleterre rend indisponible les matières tinctoriales., L’empereur encourage alors la production de pastel français afin de teindre les uniformes de l’armée. Mais la production reste éphémère et s’écroule avec l’Empire.

Aujourd’hui on assiste à un renouveau artisanal du pastel dans les cosmétiques et certains tissus locaux et haut de gamme.

La route du garum

La route du garum sera notre aventure de la semaine. Ou plutôt la route du commerce romain jusque vers le sous-continent indien. Cela constituera une diversion à l’automnale route du rhum qui se déroule tous les 4 ans.

Les Romains sur la route du garum

Alexandre le Grand a abordé l’Inde en arrivant par le nord. Ses troupes ont franchi l’Hindus et par extrapolation ont donné au pays qu’ils atteignaient le nom d’Inde. Puis, épuisée, l’armée du grand Général s’est arrêtée et a rebroussé chemin.

Mais qu’en est-il des Romains allez vous me dire ?

Les Romains aimaient les épices et notamment le poivre dont ils parsemaient allègrement leurs plats. Ils consommaient beaucoup d’encens dont ils embaumaient leurs dieux. Ils recherchaient aussi textiles et perles. Tout cela transitait en Inde vraisemblablement depuis l’Afghanistan ou la Malaisie.

Les anciens raffolaient également du garum ce mélange de petits poissons en saumure, semblables à ceux que l’on trouve fréquemment sur les étals des marchés indiens. Ils maitrisaient également les vents. De ce fait il n’est guère étonnant de retrouver leur présence sur les côtes orientales et occidentales du sud de l’Inde. ils allaient y chercher leur précieux et odorant condiment.

Les Romains sur la cote de Malabar

C’est tout d’abord sur la cote ouest, dite côte du Malabar que l’on retrouve la présence romaine dans le sud de l’inde. Ils auraient laissé des temples dont aucun vestige ná été retrouvé. En revanche la documentation existe. Le papyrus de Muziris est le premier document en grec renseignant sur un commerce égyptien et romain sur le sol indien, il date du 2e s et est conservé au musée archéologique de Cochin.

 La table de Peutinger, cet itinerarium latin de la fin de l’Empire portait mention des routes empruntées par l’armée et les marchands. Recopiée au 13e s par un moine elle est aujourd’hui conservée à Vienne. Une copie se trouve au musée archéologique de Cochin et atteste de l’existence d’un temple augustéen dans la localité de Muziris. Cependant, le site n’a jamais été retrouvé. Les archéologues l’imaginent situé un peu au nord de l’actuel Fort Cochin, du côté d’Ernaculum. Des amphores et panneaux évoquent aussi les incursions romaines.

Les Romains sur la côte de Coromandel

La présence romaine ne se limite pas à la cote ouest. Il semble que nos légionnaires aient traversé les ghats, ou contourné le sub continent en longeant les plages du sud pour gagner la cote de Coromandel au sud du golfe du Bengale. A défaut de soldats, des marchands s’y sont rendus. Les accompagnaient certainement quelques protochrétiens au rang desquels se trouvait le fameux st Thomas. On retrouve leur trace aux embouchures des fleuves . Par exemple, non loin de Pondichéry, sur le site d’Arikamedu où l’institut français a exhumé des amphores au 19e s. D’autres proviennent de Adichanallur-Tuticorin et remontent au IVe siècle avant notre ère. Quelques vestiges sont exposés dans deux mini vitrines de la minuscule section indienne du Musée Guimet à Paris. Mais aussi dans la première salle peu reluisante du musée de Pondichéry.

Le style indo-sarracénique

Le style indo-sarracénique désigne les bâtiments de l’époque victorienne en Inde. Sur le sous-continent d’une manière générale, et plus précisément à Madras qui présente une belle collection, on découvre avec amusement les vestiges du Raj. Ce mot hindi désigne le gouvernement colonial britannique en Inde.

 Également nommé indo-moghol ou indo-gothique, gothico-moghol ou néo moghol, ce style affecte essentiellement des monuments publics ou des bâtiments administratifs du Raj.

Formation du Raj

En 1857, la compagnie des Indes orientales qui contrôlait de larges pans du sous-continent, légitimise son pouvoir en prenant sous sa protection l’empereur moghol Shah Alam II. La rébellion des princes indiens et des soldats anglais marque la fin de l’empire moghol. Celui-ci est dissous officiellement par les Britanniques. Les territoires de la Compagnie des Indes sont alors transférés à la couronne qui implante son administration de façon officielle. La colonisation anglaise a débuté.

Pour afficher ce nouveau pouvoir tout en l’inscrivant dans la continuité de l’héritage moghol, Les architectes empruntent leur vocabulaire décoratif à l’architecture indo-islamique laissée par les prédécesseurs et inspirateurs des Britanniques. En revanche, ceux-ci empruntèrent assez peu aux temples hindous.

Vers une architecture officielle

Dans les faits, les colons construisirent des bâtiments contemporains en leur ajoutant une décoration qui leur paraissait locale. En l’occurrence, ils s’inspiraient des descriptions de l’Inde de la fin du 18e siècle. Les architectes anglais mélangèrent joyeusement ces images exotiques avec des lignes plus européennes. De fait, on retrouve le style indo-sarracénique de la Malaisie au Sri Lanka et jusqu’ aux Iles Britanniques avec l’extraordinaire Royal Brighton Pavillon construit pour George IV (1787–1823). Plus largement ,le style néo arabe se retrouve à travers l’Europe et aux Etats Unis . On peut penser ici aux bâtiments près de Brick Lane à Londres, école de mode de style néo mudéjar espagnol.

Le terme médiéval sarracène désignait les musulmans arabophones. Et les Anglais furent les premiers à utiliser le mot indo-sarracénique pour évoquer l’architecture moghole indo-islamique. Ce style mêlant grandeur anglaise et héritage indien aux yeux des colons légitimait pour eux leur présence en ces territoires.

Naissance de l’architecture indo-sarracénique

Le premier bâtiment indo-sarracénique est né à Madras, au Chepauk Palace. D’ailleurs, la ville reste un bel endroit pour voir ce style si particulier qui se retrouva également dans les deux centres de Bombay et Calcutta. Ironiquement, Madras en fut un des centres. Ironiquement, car le Tamil Nadu avait été épargné de la tutelle directe des Moghols. En outre, les détails indo-sarracéniques empruntent souvent à l’architecture rajahsthani ou même aux premières incursions turques. Mais, ils ne font aucunement référence à l’histoire tamoule.

Chepauk Palace

La majorité de ces bâtiments indo-sarracéniques remontent donc à la colonisation britannique, de 1858 à 1947, avec un pic dans les années 1880. Elle correspond en partie aux aspirations britanniques pour un style impérial et proclame le concept inaliénable de l’empire invincible. Il s’agit en général de bâtiments imposants et couteux. Les matériaux et l’ornementation demandent beaucoup de savoir-faire. On compte peu de résidences privées dans ce style.

Ce style est donc à la fois proclamatif et fonctionnel car il visait à accueillir des fonctions nouvelles. Gares, bâtiments administratifs pour une bureaucratie croissante, tribunaux, universités, tours horloges, musées. Ce sont tous des bâtiments de grandes dimensions. Souvent, ils incorporaient des méthodes constructives modernes. Même si les façades étaient souvent de pierre, la structure recourait à l’acier, au fer et au béton, puis au béton armé.

Particularités du style indo-sarracénique

Le style indo-sarracénique se caractérise par des motifs nouveaux mais aussi imités d’écoles d’architecture locales ou régionales, notamment Bengali ou Gujarati

  • Avant-toits en surplomb, souvent soutenus par des corbeaux saillants
  • Dômes en bulbe (oignon) ou toits arrondis.
  • chajja : brise soleil ou avant-toit sur un porte à faux fixé dans le mur d’origine Bengali ou Gujarati
  •  arcs en pointe,  arcs festonnés,  motifs tels les encorbellements avec de riches stalactites sculptés
  • arcs en fer à cheval caractéristique de l’Espagne islamique ou Afrique du nord mais souvent utilisé
  • Couleurs contrastantes des arches (rouge et blanc comme en Espagne )
  •  chhatri avec un dôme, kiosques sur le toit
  • pinacles, tours, minarets, balcons, kiosques
  • Pavillons ouverts ou avec toits bengali.
  • jalis ou écrans ouverts, ou fenêtres travaillées d’origine moghole.
  • Mashrabiya or jharokha-fenêtre écrans.
  • Iwans, en guise d’entrée en retrait par rapport à la façade, sous un arc.

Autour du Tamil Nadu : introduction

Cette nouvelle rubrique autour du Tamil Nadu vise à proposer quelques échappées à moins de 4h d’avion de Chennai. De quoi passer un joli week-end ou de petites vacances.

A 1h de Chennai, le nord du plateau du Deccan

Autour du Tamil Nadu, il y a d’abord, tout le plateau du Deccan avec des villes fascinantes. Ainsi, Hyderabad ou Mysore à 1h de vol nous projettent dans un cadre bien distinct. Car les Moghols ont conquis et gouverné cette zone. Ils y ont laissé des témoignages visibles, dans l’art mais aussi la culture populaire et la façon de vivre. L’architecture et la population y diffèrent totalement de celles du grand sud, en l’occurrence du Tamil Nadu ou du Kerala. La nature diffère également avec des forêts denses que l’on découvre dès le Nord du Tamil Nadu.

Tombe Paigah à Hyderabad

L’Inde du Nord

On peut aussi pousser plus loin vers le Nord du pays et se donner l’impression de changer complètent de monde. Les langues, les peuples y diffèrent. L’histoire même du Nord n’a rien à voir avec celle du sud. Elle est marquée par de nombreuses invasions. Aryens, Moghols notamment qui ont épargné une grande partie de l’Inde dravidienne du Sud. Souvent plus moderne et marqué par l’occident, le Nord correspond davantage à l’image d’Epinal que l’Occident se fait du pays. Une Inde multicolore, surpeuplée, miséreuse. Ceci sans parler des paysages impressionnants des montagnes himalayennes.

Cette Inde axée autour des grands fleuves ne ressemble que de loin à l’Inde du sud. Celle-ci est à la fois plus technologique et plus conservatrice. Ainsi c’est à Bengalore et Hyderabad que se concentrent la haute technologie et la créativité informatique du pays. En revanche, à Chennai, on trouve les industries innovantes. C’est aussi à Chennai que les familles restent le plus viscéralement attachées à leurs traditions. Et notamment à leur gastronomie basée sur le riz. On pourrait ainsi opposer une Inde du riz au sud à une Inde du blé au nord.

Les pays autour du Tamil Nadu

Troisième option, les territoires autonomes comme Andaman ou carrément l’étranger. Car Chennai ouvre la porte du Sud asiatique. Le trajet pour Colombo dure à peine 1h alors que 3h30 suffisent pour rejoindre Bangkok ou 4h la Malaisie. En changeant de pays pour la péninsule malaisienne, on se sent à la fois dépaysé et en territoire connu. Connu car Singapour comme la Malaisie reconnaissent le tamoul comme langue officielle au même titre que l’anglais ou le malais.

Batu Cave Malaisie, le Ramayana

Connu parce que l’hindouisme y est présent mais aussi les légendes et mythes fondateurs, fondés sur le Mahabarata. Si la Thaïlande ne reconnait comme langue officielle que le thaï, l’écriture s’appuie, elle, sur l’héritage pali. Elle utilise une logique similaire à celle de l’alphabet tamoul. Le fait de le savoir ne rend ni bilingue ni alphabétisé. En revanche ces influences culturelles donnent un fond commun qui justifie pleinement toute excursion depuis l’Inde.

Batu Cave, le Ramayana, Malaisie

Malaisie

12 bonnes raisons pour voyager en Malaisie depuis Chennai

Voici 12 raisons pour voyager en Malaisie si sous avez quelques jours libres devant vous, une envie de dépaysement plaisant et pas trop loin de Chennai ? Alors n’hésitez pas et prenez votre billet pour Kuala Lumpur.

1/ Depuis Chennai, la Malaisie est une destination facile, et proche

Il vous suffit de 3h50 d’avion, vol direct, 2h30 de décalage horaire.C’est une destination facile car tout y est bien organisé clair et tramé. Sur place, les transports sont nombreux efficaces et fiables. Les trains sont confortables, fréquents, modernes et ponctuels. On peut les réserver en ligne. Les liaisons faciles d’une ville à l’autre, de l’aéroport à Kuala. Si le bus ou le métro ne sont pas de votre gout, téléchargez l’appli Grab, super efficace et facile. Attention néanmoins, le trajet entre l’aéroport et le centre est très long (plus de 40km) et tellement plus rapide en train. Attention également à la gare à bien vérifier le nom de la compagnie ferroviaire et la destination pour vous orienter.

2/ Les Français n’ont pas besoin de visa pour voyager en Malaisie

3/ Culturellement, voyager en Malaisie est à la fois dépaysant et proche.

Même si la population à la base austronésienne a été bien mâtinée de chinois, de nombreux apports tamouls nous la rendent plus compréhensible, plus proche, vue depuis Chennai. Les rotis et parathas s’y consomment aussi couramment que le bami goreng et les couleurs de l’hindouisme se mêlent au son du muezzin. Pays à majorité musulmane, la Malaisie reste tolérante pour les étrangers. Près de Kuala Lumpur, Batu cave est un haut lieu récent mais impressionnant de l’hindouisme. On y rend un hommage appuyé au Ramayana.

4/ Des villes coloniales ravissantes.

A Malacca, vous trouverez une ambiance provinciale et portugaise, alors que Georgetown, beaucoup plus grande, sur l’ile de Penang offre de très beaux souvenirs architecturaux de la période anglaise et de l’influence chinoise. On peut l’atteindre en train rapide depuis Kuala Lumpur jusqu’à Butterworth et prendre le ferry très bien indiqué depuis la gare. Dans cette ravissante ville colonial la grosse communauté chinoise, s’organisait en clans avec leurs maisons, leurs temples et mêmes leurs jetées. On peut visiter la maison Peranakan pour avoir une idée de la richesse de ces chefs quasi mafieux qui régnaient sur leurs communautés. La ville, classée par l’UNESCO, est parsemée de jolis cafés mais aussi de lieux plus authentiques.

5/ Un arrière-pays de toute beauté et très varié

On y trouve des zones de jungle, une végétation luxuriante, des collines à thé (Cameron Hills). La nature y reste sauvage et préservée avec des villages typiques. Venant d’Inde, il est plus facile d’alterner les plaisirs grâce au réseau de transport rapide et efficace.

6/ Des plages, des plages, des plages comme Langkawi

7/ Une qualité de vie fantastique.

Le coût de la vie assez faible permet de s’offrir de se faire plaisir en hôtellerie. Les hébergements y sont de qualité avec un beau service et un vrai confort pour des prix bien plus compétitifs qu’en Inde. Les conditions de voyages sont donc plaisantes dans ce pays moderne et propre.

8/ Une véritable authenticité.

La Malaisie reste à l’écart des sentiers touristiques. De ce fait, les gens ont conservé une vraie gentillesse. Surtout la nature n’est pas encore abimée.

Temple, paons, Batu cave

9/ la qualité de service, la gentillesse et la serviabilité des gens.

Comme dans toute la péninsule malaisienne, Le mélange d’hospitalité musulmane et de gentillesse asiatique y est particulièrement agréable.

10/ En venant de Chennai, la langue est presque sympathique.

Le malais ne fait pas peur. Ecrit en alphabet latin, il est lisible et on peut donc s’orienter à la simple lecture des panneaux. Certes il est parfois retranscrit en arabe jawi mais en général pour des raisons religieuses donc autour des mosquées principalement. Surtout, la mixité des cultures malaises, anglaises, chinoises et tamoules rend la communication aisée. L’anglais, le malais et le tamoul sont langues officielles. On peut donc s’y exprimer, s’y faire comprendre et comprendre facilement grâce notamment à la lingua franca qu’est l’anglais.

Terima Kashi = merci en malais

11/ la nourriture est omniprésente et excellente.

quartier indien Kuala Lumpur

Partout les petits marchands ambulants proposent des produits de qualité à des prix défiant toute concurrence. Alors n’hésitez pas et rendez-vous sur ces hawkers market pour gouter au nasi (riz ) goreng (frit) ou bami (pates) kukus ( vapeur)

12/ Kuala Lumpur est une capitale vivante vibrante et moderne.

Shaname, manuscrit du Musée d'arts Islamiques de Kuala Lumpur

Il y en a pour tous les goûts, de la boutique de quartier au magasin de luxe, mais aussi un joli quartier historique et des musées remarquables. Notamment le magnifique musée d’Art islamique, reconnu à juste titre l’un des meilleurs du monde avec le MIA de Doha, le Caire et le Louvre. Des bâtiments modernistes et impeccables, une muséographie superbe. Le parti pris d’exposition est thématique et non chronologique, mais la disposition par matériaux et couleurs est assez bluffante visuellement. Surtout, la qualité des objets exposés concurrence les plus belles collections mondiales. On commence au dernier étage de ce bâtiment blanc et moderne par les modèles des mosquées les plus emblématiques du monde puis on découvre les collections de textiles, la galerie des céramiques, les ornements, les manuscrits dont quelques pages du magnifique Shaname.

Petronas Towers Kuala Lumpur

Kuala Lumpur offre de quoi se régaler aussi bien aux accros du shopping, qu’aux flâneurs de rues, aux inconditionnels de culture ou aux gourmands invétérés.

mosquée du quartier historique Kuala Lumpur

Le thé boisson symbole

Cette quatrième et dernière partie du feuilleton des thés s’intéresse au thé boisson symbole de deux pays que tout semble opposer.

tableau representant un service à thé
Théière peinte par CBrousset

Le thé né en Chine, acculturé en Inde pour satisfaire les appétits financiers et étancher la soif des anglais, devient une boisson symbole pour ces deux contrées. C’est au XIXe que l’ensemble de la Société anglaise fait du thé la boisson nationale. En revanche, il faut attendre la fin du XXème pour que le chai devienne indissociable du sous-continent indien

Ritualisation anglaise du thé indien

Ayant mis tout le monde au boulot sans coup férir, les Anglais peuvent tranquillement siroter leur cuppa venue d’Inde ou d’ailleurs> Elle coûte d’ailleurs un prix sans commune mesure avec celle de leurs ancêtres de la période Géorgienne. Pour l’aristocratie, il convient maintenant de se démarquer de ce qui est en train de devenir une boisson nationale. La gourmande septième Duchesse de Bedford a l’idée d’inventer l’afternoon tea, ou low tea.,

Tableau de C Brousset représentant une table dressée joliment pour le thé avec macarons et fleurs
Tea Time, tableau de CBrousset

A l’époque, l’élite a coutume de diner tardivement, à la mode française. Et longue est l’après-midi qui s’étire entre le diner et le souper. Pour se sustenter sans perdre de sa superbe, la distinguée Anna de Bedford a donc l’idée ingénieuse de lancer la mode de cet afternoon tea. Le thé, servi dans des services rivalisant d’élégance. On l’accompagne de petits biscuits, scones et petits sandwichs de pain de mie coupés joliment.

boite de thé

Ce tea time considéré comme emblématique du raffinement britannique se prend en fait à 15h. Il comprend de nombreuses règles mais aussi des batailles, éminemment essentielles à la survie de la société.

Batailles de bienscéance

Convient-il en effet de verser le thé d’abord et d’y ajouter une goutte de lait ou de commencer par le lait froid pour éviter de casser la fine porcelaine en y versant brutalement de l’eau bouillante. ? Primordial également à la survie de l’humanité, tartine-t-on le scone d’abord de clotted cream puis de marmelade de fraises ou le contraire ?

Les classes moins favorisées elles, se mettent à l’abri de ces débats d’idées fondamentaux. Elles se replient sur le high tea, ou sorte de repas complet servi vers 17h30.

L’ère victorienne et le thé comme arme morale

Dans la suite du dix-neuvième siècle, la reine Victoria devenue impératrice des Indes et d’une grande partie du monde, va régler toute la vie de ses sujets. Elle formate tout de la tenue vestimentaire à la manière de consommer le thé.

tea time très victorien servi à l'hotel Durrands de Lonndres

Dans cette société puritaine et corsetée, le thé va connaitre un nouvel élan moralisateur grâce aux sociétés de tempérance qui l’opposent à l’alcool. On loue alors le thé consommé très sucré pour apporter des calories et tromper la faim des plus pauvres. Nourrissant, réchauffant et énergisant, il permet de contrer la consommation d’alcool, absorbé par les miséreux de la Révolution industrielle en butte au froid et à la faim.

Tout est donc en place pour l’avènement du thé des colonies. Reste à régler un détail, économiquement essentiel pour les sujets de sa grâcieuse Majesté. Il s’agit de s’assurer que les consommateurs britanniques préfèrent bien le thé indien au thé chinois. Un certain M Horniman entre alors en scène. Le saint homme du Capitalisme britannique a d’ailleurs un musée à sa mémoire.

Pour être honnête, c’est la fortune de ce monsieur qui a permis à ses descendants de se lancer en politiqu. Elle a aussi permis de faire bénéficier aux britanniques des largesses rendues possible par l’exploitation des colonies.  Avec un génie du marketing très Anglo saxon, il lui revient de diaboliser la production chinoise. On la peint alors comme de mauvaise qualité, mélangée avec de la boue. Dans ce cadre, on l’oppose à la production indienne contrôlée par la toute puissante compagnie des Indes orientales.

Et l’Inde ?

trois buveurs de thé autour d'un chawallah, vendeur de thé dans les rues de Chennai

Et l’Inde dans toute cela ? Car s’il est un fait établi que le tea time est une tradition anglaise et que le thé est la boisson symbole de l’Angleterre, que font les Indiens en dehors d’être réduits à ramasser les feuilles ? En fait il faut attendre l’indépendance pour que la boisson, déjà consommée au début du vingtième siècle par l’élite anglicisée, gagne les villes de province, ce grâce au chemin de fer. Après 1950, les campagnes sont peu à peu gagnées au gout du thé. Mais il faut attendre les années 1970 pour que cette boisson devienne un symbole national. Bien qu’unitaire, elle ne porte néanmoins pas le même nom entre le sud et le nord. Car si la terminologie Chai au Nord, c’est le mot Tea qui lui est préféré au sud.  C’est que le thé s’est diffusé par voie maritime alors que le chai lui venait par voie terrestre. C’est ainsi que le seul pays européen à boire du cha est le Portugal et ses colonies alors que le reste de l’Europe a adopté le thé, tea, tee.

pause thé dans les rues de Chennai

 Il est d’ailleurs incroyable de voir que la boisson symbole de ces 2 pays opposé que sont le Royaume Uni et l’Inde est la même. Mais le symbole lui diffère passablement. Si le thé indien symbolise l’unité nationale d’un pays très divers. Le thé anglais, quant à lui, affirme la toute puissance impériale de l’Angleterre victorienne à son apogée consommant le sucre des Antilles dans le thé d’Inde, avec du lait néozélandais.

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Tea

Une passion anglaise

Originaire de Chine, le thé, ou Tea devient rapidement une passion anglaise. Rapporté par les premiers découvreurs, il gagne rapidement toute l’Europe. Les Portugais puis les Hollandais en rapportant la petite feuille de leurs pérégrinations vont lancer une vraie mode en Europe et surtout en Angleterre.

Avant le Tea, une autre passion anglaise, le café

Et voilà en effet qu’avec la Renaissance, les voyages de découvertes et les missions religieuses, les premiers Européens entrent dans la danse. Le contact se fait d’abord par le truchement des missionnaires portugais puis des marchands hollandais. Des 1606 la première cargaison est attestée dans le port d’Amsterdam.

Des missionnaires fransiscains, relief à l'église de la Lumière, Chennai

Or les Anglais ont découvert entre temps le café et montent leurs premières maisons pour déguster la boisson dans le dédale de ruelles de la City de Londres. Une jolie pancarte bleue rappelle d’ailleurs le flair de Rose Pasqua ce grec d’origine qui ouvrit sur St Michael Cornhill la première de ces maisons de café, le premier café donc.

pancarte indiquant le premier café en 1652

Ces « maisons » deviendront bien vite des lieux d’échange. L’un de ces cafetiers, M Lloyd a même l’idée de transformer sa maison de café en lieu d’échanges d’informations financières. Situé tout près de ce qui deviendra la bourse, ce lieu d’échanges sera appelé à un avenir financier des plus assurés.

facade de la maison de thé Twinnings, représentant un chinois

Du coup, il faut attirer. Rien de tel pour cela que la nouveauté. Rapidement, les Anglais flairent la bonne affaire dans ces feuilles qui parfument l’eau chaude. Un certain Thomas Garway annonce le nouveau breuvage magique. En dépit des peurs du corps médical, la mode prend, d’abord mollement. Puis aidée par le mariage de Charles II en 1662, elle s’empare des élites. La mariée Catherine de Bragance, une princesse portugaise ne se déplace pas sans son thé et lance la vogue. Elle apporte aussi dans sa dot Bom Bahia, comptoir portugais qui deviendra Bombay.

La passion anglaise naissante du Tea

Les Anglais se lancent alors dans une course poursuite pour accaparer ce commerce qui promet d’être lucratif. Ils suppriment le monopole hollandais et créent leur Compagnie des Indes orientales.

Puis ils fondent sur la production chinoise. Ils en profitent pour taxer considérablement cette denrée de luxe que s’arrache l’aristocratie anglaise. Au passage cette politique de taxation leur coute le déclenchement de la guerre d’indépendance américaine.

Exaspérés que la métropole taxe aussi lourdement leur boisson, les bostoniens décident de la boycotter. Cet épisode de désobéissance civile en 1773 annonce la guerre d’indépendance. Nommée tea party elle reprend l’expression américaine de l’époque qui désigne simplement le five o’clock tea des élites britanniques.

facade de Twinnings sur le Strand, détail d'une des statues de chinois

A la fin du XVIIIe siècle, un tiers de la population boit du thé deux par fois par jour. Or, après la Guerre de sept ans, la Grande Bretagne taxe le commerce du thé dans les colonies pour se refaire une santé financière. Pour contre ces coûts prohibitifs, la contrebande fait rage sur le continent américain. Sauf à Boston où les Douanes anglaises contrôlent l’ensemble du trafic. Une campagne anti-anglaise agite la population dès 1770. À Philadelphie et à New York, des indépendantistes empêchent débarquement des cargaisons britanniques. En 1773, dans un acte de désobéissance, cent cinquante hommes jettent à la mer des caisses de thé britannique pour protester contre ces taxes. Les Anglais organisent alors des représailles. Cet incident annonce l’indépendance américaine, qui sera suivie de cinq ans de guerre d’indépendance.

Un produit de luxe

Surtout, face à la croissance du marché, la qualité de la marchandise baisse. Parallèlement, la Chine, en situation de monopole, augmente ses tarifs.  En Angleterre où le thé reste très taxé, la contrebande bat son plein. Pour la contrer le gouvernement Pitt décide d’abaisser ses tarifs douaniers et légifère avec la fameuse loi de 1784. Le prix du thé baisse et du coup la consommation britannique explose.

facade de Twinnings sur le Strand

Jusque-là le thé restait un produit de luxe.Une passion anglaise certes, mais réservée à l’élite. Dans les bonnes maisons, il était conservé dans des boites précieuses et consommé dans des services de plus en plus sophistiqués et raffinés. Les manufactures de porcelaine se développaient à mesure que le gout du thé s’affirmait. C’est dans ce contexte que le jeune Josiah Wedgwood a vu sa manufacture se développer considérablement.

tableau du V&A montrant un  tea time

 Les feuilles de thé étaient si couteuses, qu’on les réutilisait d’abord dans les étages nobles, puis à la cuisine chez les domestiques. A mesure que leur parfum s’estompait, elles descendaient l’échelle sociale. Ce ruissellement du thé si l’on peut dire permit peu à peu à l’ensemble de la société britannique de s’habituer à cette boisson exotique. A mesure, que les Anglais prenaient gout au thé, ils l’accompagnaient d’une consommation croissante de sucre en provenance cette fois des Antilles.

Une consommation croissante et de plus en plus populaire

La vogue du thé en Angleterre s’accompagna ainsi de changements dans la façon de le boire, non plus pulvérisé mais infusé et accompagné du lait crémeux anglais et du sucre d’Amérique. La consommation grandissant, le besoin de récipients s’accrut et fut à l’origine du développement local de services à thé fabriqués localement.

services à thé anciens au V&A

Tout cela coutant fort cher, les Anglais conçurent peu à peu l’idée d’échapper au monopole chinois et de créer leurs propres réseaux de thé.

En effet, cette croissance de la consommation mettait en péril la balance des échanges britanniques. Car la période correspond à l’extinction des gisements d’argent d’Amérique et par conséquent à une crise fiduciaire. Pour éviter un désastre financier et surtout échapper au monopole chinois sans se priver de monnaie, les Anglais cherchèrent alors à maitriser leurs échanges. En l’occurrence, ils se mirent en quête d’un produit que les Chinois seraient disposés à acquérir coute que coute. Ils se rendirent vite compte de l’attrait grandissant de l’élite pour l’opium.

Cette prise de conscience mena les Anglais à tout tenter pour assouvir leur passion pour le thé.