Le festival des Khans

En compétition cette année avec la croisette, je vous propose mon festival des Khans.

Le festival des Khans loin de Cannes

Le palmarès cannois de l’année dernière (entre autres) m’a passablement excédée. C’est pourquoi, je vous offre une compétition annexe, celle du cinéma indien généralement réduit à Bollywood. C’est il est vrai dans la capitale historique du 7e art du sous-continent indien que brillent un certain nombre d’étoiles dénommées Khans. En général on parle des 3 Khans mais il y en a bien d’autres. Nombreux sont en effet les stars du grand écran indien à porter ce patronyme bien musulman. De nombreux Khans de Bollywood appartiennent notamment à la communauté ethnique Pathan de l’Inde, avec des racines à Khyber Pakhtunkhwa au Pakistan actuel.

Le premier des Khans

Dans la chronologie, le premier Khan (après Gengis bien sûr et je ne parle ici que du cinéma) s’est illustré sous le nom de… Dilip Kumar. Cette vedette des années 1950/60 a brillé dans des films de cape et d’épée, des drames sociaux et des comédies. Il a connu son plus grand succès commercial en tant que prince Salim dans le film historique épique à gros budget de K. Asif, Mughal-e-Azam. Néanmoins, peu de gens savent que le vrai nom de l’acteur fétiche de Bollywood était Muhammad Yusuf Khan. En ce sens, on peut le nommer le 1er de ce festival des Khans. On lui attribue le mérite d’avoir apporté du réalisme au cinéma dans le sous-continent indien. Il a été un des pionniers du jeu naturel, type Actor’s studio. Par son jeu mais aussi son statut, il est un peu le père des vedettes indiennes.

Un des Khans à la semaine des réalisateurs à Cannes 

Une autre grande pointure de Bollywood, décédée récemment en 2020, est Irfan Khan. Très primé au niveau national il a connu une carrière internationale dans des films aussi variés et connus que  Lunchbox, Life of Pi, New York, I Love You, A Mighty Heart, The Amazing Spider-Man et Jurassic World, Slumdog Millionnaire, avec un rôle vedette aux côtés de Tom Hanks dans l’adaptation 2016 du roman Inferno de Dan Brown.  Il a un peu joué les cautions indiennes dans un certain nombre de productions américaines. Connu et reconnu, on l’a souvent surnommé le 4eme Khan tout comme Saif Ali Khan.

Un quatrième Khan ex aequo

Saif Ali Khan est lui aussi parfois appelé le « Quatrième Khan”. Il a connu son heure de gloire dans les années 2005 essentiellement dans des comédies romantiques. Il vient d’une famille illustre. De fait, il est lié à la famille de Tagore par sa mère. Plus encore, par son père professionnel de cricket, il est l’un des derniers nawabs. Sa carrière a connu des hauts et des bas.

Outre ces trois Khans connus il y en a trois autres, vedettes incontestées des écrans. leurs destins sont parallèles même si chacun développe une personnalité  et une carrière bien particulières. La semaine prochaine je vous parlerai de Salman, Aamir et Shah Rukh. D’ici là, allez les découvrir au cinéma ou sur des plateformes en ligne.

Double exposition

L’écriture de mon livre les Lettres Tamoules a donné lieu, en attendant mieux, à une double exposition.

Première Exposition, à l’Alliance française de Madras

Entre les 22 et 28 mars 2024, l’Alliance française de Madras m’a gentiment prêté ses locaux.

 A ce titre, je remercie ici sa Directrice, Dr Patricia Thery Hart. Dans la belle Galerie 24, j’ai ainsi pu exposer, pendant près d’une semaine, les œuvres de mes amies Mélanie et Catherine.

 Dans le cadre de la Francophonie, la salle d’exposition s’est transformée en un lieu de conférences. Durant ces quelques jours, j’ai eu l’occasion d’expliquer à un public varié l’objet du livre. Des groupes francophones et français ont découvert les lettres de l’alphabet tamoul. Les anglophones se sont davantage intéressés à la découverte des spécificités locales. En revanche, les Tamouls se sont amusés de nos incompréhensions ou de notre vision en tant qu’occidentaux.

Cette exposition a été l’occasion d’échanger sur les nombreux particularismes de la vie au Tamil Nadu. Il a bien sur été question de la beauté et de l’originalité de la langue et de l’écriture tamoule. Nous avons pu également parler de la gastronomie si particulière du sud de l’Inde. L’architecture dravidienne, typique des sites anciens a également été abordée. Nous avons aussi pu évoquer l’uniformisation voulue par les Anglais.

Cette magnifique galerie a permis d’accrocher une soixantaine de dessins, lavis et aquarelles sur des murs blancs, repeints ou percés pour l’occasion. La semaine suivante Jean François Lesage et ses fantastiques broderies étaient l’hôte des lieux.

Seconde Exposition à la Madras Litterary Society

Du 23 au 27 Avril 2024, ce sont les locaux anciens de la société littéraire de Madras qui accueillent une vingtaine de fac simile. Les dessins du livre ornent cette semaine les locaux décrépis de ce bâtiment indo-sarracénique.

Tout ici st resté dans son jus. Et l’accrochage, déjà folklorique à l’alliance française, est devenu un véritable bricolage. Car organiser une exposition en Inde implique disponibilité, bonne humeur et beaucoup de patience.

Car bien sur rien n’est fourni ici. Je ne parle pas des cadres mais des clous, des supports, des marteaux. Il faut venir avec son papier et ses crayons pour d’éventuels cartels. Du scotch et des punaises. Et des chiffons et éponges pour opposer une légère résistance la poussière. A moins d’accepter de coincer ses cadres en lévitation au moyen de ficelles.

Mais dans ce pays ou une bonne partie de la population vit dans des conditions épouvantables, comment se plaindre de ne pas pouvoir exposer décemment. Comment refuser à ces demandes d’aide si souriantes ? Venir exposer à la Madras Litterary Society., c’est je l’espère, donner un peu de visibilité sinon à mon livre et aux dessinatrices qui ont accepté avec tant de talent de l’illustrer. Mais c’est aussi et surtout essayer de faire venir un public un peu plus large dans ces lieux chargés d’histoire,…et de poussière… Peut être l’occasion de fair fleurir quelques donations pour aider cette bibliothèque à survivre.

En attendant une prochaine exposition, certainement dans d’autres conditions à Singapour, Arab Street autour du 15 Mai.

Egmore Museum

Le Egmore Museum ou musée de Chennai, occupe une dizaine de bâtiments éparpillés dans un grand espace arboré du quartier de Egmore. Les édifices les plus anciens, de style indo-sarracénique, ont été complétés par des constructions plus récentes.

Histoire de Egmore Museum

L’idée d’un musée de Chennai date de 1846 et émane de la société Littéraire de Madras. Dans un premier temps on logea sur le campus st George les 1100 spécimens géologiques.

Les collections s’accrurent régulièrement. Face à la détérioration des lieux et à l’exiguité, le musée déménagea de College Rd à Pantheon Rd dans les Assembly Rooms dans lesquelles l’élite de la ville se retrouvait pour des banquets, bals, conférences à la fin du XVIIIe s.

Dès 1853, une bibliothèque publique s’organisa dans les locaux du Musée. En 1862, commencèrent les travaux de construction d’une salle de lecture. Ouverte en 1896, elle prit le nom des ancêtres du gouverneur de Madras, Lord Connemara. Construite sur les plans de l’architecte Irvin, elle s’enorgueillissait de beaux rayonnages de tek et d’une imposante tour (la plus haute de Madras alors) détruite en 1897 car elle s’écroulait.

Après le centenaire du musée en 1951, un nouveau bâtiment fut construit pour héberger l’exceptionnelle collection de bronzes, ainsi qu’un autre dédié à la conservation. 1963 vit aussi l’ouverture de la galerie des oiseaux. En 1984 la galerie d’art contemporain s’ajouta aux édifices et en 1988 le musée des enfants.

Aujourd’hui, Egmore Museum s’organise en 7 édifices distincts avec des collections disparates.

7 bâtiments pour des collections disparates

  • Le premier, une sorte de délicieuse pâtisserie, abrite la billetterie. Tout à côté, un grand panneau donne le code QR d’une remarquable visite guidée enregistrée par Story trail.
  • Vers la droite de la billetterie, La bibliothèque Connemara occupe un bâtiment plus moderne aux lignes vaguement art déco.  Elle accueille les chercheurs et les étudiants. Il s’agit d’une adjonction au bel édifice ancien vanté par les guides mais caché derrière le théatre.
  • Un magnifique bâtiment rond sert de théâtre. Sa restauration vient de s’achever. Bati sur le modèle du Royal Albert Hall de Londres, c’est une petite merveille architecturale mêlant les influences anglaises à des accents indo-sarracéniques.
  • En contournant le théâtre, on accède à un bâtiment de style flamand. Avec pignons de briques rouges. Ce style est emblématique de l’architecture de Kensington, le quartier de Londres bâti à lé poque victorienne dans le but de créer une enclave culturelle, l’Abertopolis. Cet édifice abrite la collection archéologique. Le rdc expose des collections de marionnettes de toute l’Inde, mais aussi des vases de terre néolithiques. Au premier étage, le palier orné d’un beau plafond victorien, distribue vers la section anthropologique et vers les salles consacrées à la civilisation harappéenne.

-Plus loin encore, se dresse le bâtiment consacré à la monnaie. Les collections numismatiques font en Inde l’objet de soins considérables

– derrière cette magnifique construction de brique rouge, un triste parallélépipède de béton annoncé par un dinosaure en plâtre abrite l’amusant musée des enfants. Des vitrines y regroupent de petites poupées évoquant les autres pays du monde selon une vision indienne.

– enfin le dernier bâtiment, lui aussi moderne et sans grâce, abrite la collection de peintures. Des croutes poussiéreuses égrènent les gouverneurs qui ont marqué la présence coloniale.

La statuaire de pierre

  En contournant le théâtre, on parvient au bâtiment principal abritant les sculptures de pierre puis au pavillon abritant les bronzes cholas. Le bâtiment principal du musée d’Egmore présente au rdc une belle rétrospective des statues des périodes historiques le plus emblématiques du sud de l’Inde. On y admire des statues datant des Pallavas, des Cholas puis des Vijayanagars.

A l’étage, une section est consacrée à l’épigraphie. Elle présente dans une petite salle les premières formes d’écriture consignées sur la pierre mais aussi sur des tablettes de cuivre ou des feuilles de palmier. Un couloir mène aux vestiges les plus impressionnants, comme les sculptures bouddhiques d’Amaravati. De là, on accède au fouillis typique des musées victoriens avec des salles consacrées à la faune et à la flore locales. Des vitrines sur la soie alternent avec des animaux empaillés au siècle dernier ou des fossiles. Des salles de paléontologie suivent en enfilade celles représentant l’habitat des bestioles du cru. La muséographie n’a pas changé depuis le départ des Anglais et le ménage doit remonter à peu près à la même époque.

Juste derrière le jardin de sculptures se dresse le pavillon des bronzes cholas.

Les Bronzes cholas, stars du musée de Chennai

La collection des bronze cholas a été refaite récemment, c’est-à-dire il y a moins de 50 ans. Elle jouit de lumière et d’air conditionné. La salle plongée dans le noir met en scène dans des vitrines éclairées (je le souligne car ce luxe électrique est unique dans les musées de Chennai) les plus belles pièces du musée. Il s’agit de statues de bronze de petite taille représentant les dieux hindous. Elles remontent à l’âge d’or des Cholas entre les XIII et XIVème siècles.

Cette dynastie brilla alors sur le sud de l’Inde depuis sa capitale Tanjore. Les Cholas sont restés célèbres dans l’histoire de l’art pour leur maitrise du bronze à la cire perdue. Il s’agit ici de la plus belle collection au monde. Certains de ces chefs d’œuvres viennent de rejoindre la magnifique salle de la galerie nationale, le plus beau bâtiment du musée de Chennai. De style indo-sarracénique, voire Gujarati, celui-ci évoque les splendeurs des palais de maharadjas.

Comme vous l’aurez compris tout n’est pas incontournable dans ce musée poussiéreux et il n’est pas forcément facile de s’y orienter. Néanmoins certaines sections valent la visite, notamment la galerie des sculptures et celle consacrée aux bronzes cholas.

Calcutta insolite

Si vous voulez découvrir un Calcutta plus insolite, après l’article de la semaine dernière, voici quelques chemins détournés. Avec deux remarques. Calcutta est une ville où l’on peut marcher. Outre les vrais grands trottoirs, on y trouve des espaces verts plaisants. Surtout, l’artisanat, étonnant, se double d’une gastronomie méconnue et savoureuse.

 Pour partir à l’aventure de ce Calcutta insolite, les taxis ne sont pas chers mais il faut négocier. Par ailleurs, le métro est très pratique.

Au sud, un Calcutta insolite

Au-delà des grandes rues commerçantes s’étendent des quartiers de marchés populaires. Mais aussi des zones résidentielles construites dans les années 1930 -40. Celles-ci regorgent de bâtiments art déco  malheureusement souvent en ruine.

Temple de Kali et quartier Kalighat

 Vers le sud, ce temple intéressant attire les fidèles de Kali la grande déesse de Calcutta. Un dédale de ruelles bordées d’étals de marchands de fleurs et d’articles religieux s’enroule autour du temple, depuis la maison de la mission de mère Teresa.

Le quartier de Kalighat est très agréable pour se loger, assez central et beaucoup moins bruyant que les zones plus centrales. Méconnu du grand tourisme, on y trouve beaucoup de cafés très sympas. Le joli parc, témoin de l’époque anglaise, exceptionnellement entretenu pour l’Inde, offre un lieu idéal pour marcher ou courir autour du lac Kalibari. Non loin de celui-ci, sur une rue tranquille,le Temple japonais Bouddhiste de Calcutta, Nipponzan Myohoji.

Birla Mandir

Ce temple tout récent, construit par la famille Birla, remonte à 1996. Consacré aux différents avatars de Vishnou, c’est une merveille de marbre blanc surmonté de Prangh d’inspiration khmère. La même famille d’industriels a financé le planétarium, ainsi que le musée de l’Industrie et de la technologie

Un peu au Nord de Espalanade

Non loin de Eden Parc, s’étend le parc du millénaire le long de la rivière Hoogli. Tout près de celui-ci, le Writer’s building accueillait les employés de l’administration britannique à l’époque coloniale.  C’est un colossal bâtiment de brique rouge au fronton palladien. Dans le même quartier, l’énorme mosquée de tipi Sultan remonte à 1842. Avec ses 16 dômes verts et ses 4 minarets elle a un aspect insolite dans le paysage urbain de Calcutta.

 De là, on peut rejoindre à pied un autre bâtiment colonial et néo-palladien, voire d’inspiration jeffersonienne pour le dôme, la Grande Poste. Dans l’autre direction, vers le Nord, on atteint une zone de marchés.

Dans ce quartier aux belles maisons décaties, se dressent encore quelques maisons à cours typiquement bengalies dont l’étonnante demeure Jorasanko Thakurbari Rabindranath Tagore. Le premier prix Nobel Indien y passa son enfance. Il s’agit d’une maison bengalie typique de l’élite cultivée de Calcutta. Ce véritable palais urbain abrite aujourd’hui une université accessible uniquement en semaine.

Toujours du côté de Bara Bazar le palais de marbre est une somptueuse demeure néoclassique du 19 e s transformée en musée. Les collections hétéroclites comportent un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi. https://kolkatatourism.travel/marble-palace-mansion-kolkata

Encore plus au nord de ce Calcutta insolite

Le long de la rivière et près du Howra bridge , la misère apparait à tout endroit. C’est à ce niveau qu’habitent artisans et manœuvres spécialisés dans la fabrication d’effigies de dieux et déesses utilisés en procession lors des festivals religieux. Ceux de Durga et Kali en novembre sont particulièrement populaires à Calcutta. De cette zone artisanale et haute en couleurs et odeurs, on rejoint un énorme marché. En direction du Pont Howrah et vers le très populeux et impressionnant marché aux fleurs on est témoin de scènes de rue ahurissantes. Un laveur d’oreilles se partage le trottoir avec un tailleur de moustache alors que son voisin teint les cheveux en public.

En continuant encore davantage vers le nord le long de la Hoogli, le quartier se paupérise encore. On voit des troupeaux de chèvres paquer dans des monceaux de détritus, des enfants à moitié nus .

Temple Dakshineswar Kali

Au nord de la ville, ce temple très populaire s’atteint à l’extrémité de la ligne de métro. De nombreux festivals y prennent place. Le temple lui-même est typique de l’architecture bengalie avec des dômes presque byzantins et est considéré comme maison de la déesse Kali, révérée à Calcutta. Il se trouve sur les bords de la Hoogli. Bras du delta du Gange, la rivière reste sacrée et on y assiste à des scènes extraordinaires de baignade ou de lessive collectives.

Il existe deux quartiers chinois à Calcutta qui a été la ville la plus marquée par la présence de ses voisins. L’un d’entre eux accueillait les Chinois pauvres qui travaillaient en tant que tanneurs. Le quartier est d’une pauvreté affligeante. Mais de petits restaurants proposent une nourriture très honnête et il reste quelques échoppes extrême-orientales.

Saint Georges

Saint Georges est le Saint sous l’invocation duquel se placèrent les premiers colons britanniques.  Il devint patron de leurs Iles durant les croisades car il personnifiait les idéaux chrétiens des chevaliers. On le représente le plus souvent avec une croix rouge. Le martyr du jeune homme blond fougueux terrassant le dragon a eu lieu sous Diocétien, en 303. Longtemps après, le tout premier fort de Chennai a pris son nom. Celui-ci remonte aux Anglais lorsqu’ils ont décidé de s’installer dans le hameau de Madras-Patnam au XVIIème siècle. Bien que décapité, Georges est resté si l’on peut dire à la tête des colonies de sa gracieuse majesté.

Fort Saint Georges

La plus ancienne église anglaise de Chennai est Ste Marie dans l’enceinte du Fort Saint Georges. Dans les faits, les paroisses portugaises du XVIème siècle préexistaient à cette romantique construction de 1680. Les missionnaires portugais avaient déjà repris le flambeau de l’apôtre. Ils avaient ainsi tenté d’imposer la foi catholique du côté de Mylapore et d’y installer un comptoir commercial. Pourtant, Ste Marie apparait encore dans les documents comme la plus ancienne église de Chennai. Ce qui n’enlève rien à son charme suranné. La construction, de style palladien, reprend au classicisme vénitien ses colonnes et sa symétrie. Mais la blancheur a fané, les boiseries se sont écaillées. La vannerie des dossiers est mangée par les rongeurs et l’humidité. Les pigeons souillent le sol et le tout respire l’infinie tristesse d’une ère passée.

Elle évoque la fondation du Fort le jour de la Fête du Saint patron de l’Angleterre par Francis Day. Cet envoyé de la Compagnie des Indes orientales y fonda un petit fort commercial. Il visait à concurrencer les Européens établis sur la côte de Coromandel. Pour ce faire, il acheta au Nayak local ce petit morceau de terre en bord de plage. Puis, il y établit ce qui allait devenir le centre d’un empire et d’une incroyable réussite économique pour Les Anglais. Pourtant, le fondateur a quasi disparu des registres et des mémoires.

Clive, Yale, Wellington, ont marqué le petit Fort Saint Georges

Du premier comptoir, subsistent quelques maisons en piteux état. Celle de Clive, le Gouverneur sans scrupule qui devint l’homme le plus riche d’Angleterre. Celle où passa Wellesley également. Futur vainqueur de Napoléon, il y connut ses premières victoires et devint quelques années plus tard le célèbre Wellington . Peu de gens se souviennent également que le premier gouverneur de la petite colonie est resté dans l’histoire. Celui-ci légua une toute petite partie de la fortune amassée à Madras pour fonder une petite université américaine. Brave Monsieur Elusha Yale.

L’Eglise Saint Georges

Plus austère, mais néanmoins tout aussi palladienne d’inspiration, l’église Saint Georges se cache derrière le consulat américain. Elle aussi devait se trouver dans un magnifique parc aujourd’hui malheureusement utilisé comme parking. Elle s’inspire très largement de St Matin in the fields à Londres. Avec ses colonnes classiques surmontées d’un clocher pointu elle ne déparerait pas dans le ciel londonien. Mais la couche de blanc un peu décrépi de la façade, les ventilateurs fatigués, les bancs recouverts d’osier et les pigeons voletant dans la nef nous rappellent que la paroisse anglaise s’est largement tropicalisée. Les feuilles de palmier traversent les jalousies ouvertes.

Mais le plus émouvant se trouve à l’extérieur dans le cimetière nostalgique. Ses tombes fracturées par les racines de banyans exposent avec détails la vie de colons morts en ces terres inhospitalières. On y lit des histoires d’officiers décédés au combat. On découvre des veuves courageuses. Des souvenirs de missionnaires dévoués se dessinent au hasard des dalles de granit gagnées par la végétation. Le petit cimetière de St Georges est certainement l’un des lieux les plus romantiques de Chennai.

Le Campus Saint George

La présence de George ne se limite pas au Fort ou à la cathédrale anglicane. En francais, on lui préfère Georges. On en trouve également la trace sur le campus de College Road, lieu de la plus ancienne université de Chennai. Il ne reste que peu de bâtiments de l’époque coloniale. Cependant, le secrétariat et la poussiéreuse mais étonnante société littéraire résistent au temps. La petite chapelle Saint Georges a, elle, été reconstruite. Elle manque singulièrement de charme mais rappelle le patron de la petite colonie et de son premier établissement d’enseignement supérieur.

Lettres tamoules

Cela faisait un petit moment que je préparais mes lettres tamoules et les voici enfin.

Une naissance très attendue

C’est donc avec fierté que je vous annonce la naissance de mon second ….livre ! Celui-ci est le fruit d’un travail d’équipe. En effet, de gentilles fées traductrices et relectrices se sont penchées sur le berceau du bébé déjà comblé par deux (+1) marraines illustratrices. Merci Melanie, Catherine D et Catherine B ! Un parrain, metteur en page de talent a joué le conseiller technique spécialisé. Merci Bertrand !

De quoi traitent ces lettres tamoules

Il s’agit d’un abécédaire basé sur le magnifique syllabaire tamoul. Pour chaque lettre choisie, un mot transparent, lisible en anglais français et tamoul permet d’explorer quelques spécificités de la culture de l’Inde du sud. Il y est question notamment de nourriture, d’architecture, d’histoires et d’Histoire locale, de vêtements mais aussi de villes et de monuments.

Présentation officielle des Lettres tamoules

La présentation de cette petite merveille aura lieu à l’Alliance française durant la semaine de la francophonie en anglais et en français. Celle-ci s’accompagnera d’une exposition d’une semaine des oeuvres picturales illustrant mes écrits.

Pour les curieux et les amateurs, vous pouvez commander votre exemplaire via mon site ou mon adresse mail. Vous pouvez également réserver des cartes postales ou des planches illustrées par les artistes Mélanie Bass ou Catherine Delmas Lett. https://catherine-delmaslett.com/. A leur importante et superbe contribution, je peux ajouter les quelques magnifiques dessins sur le yoga de mon amie Catherine Brousset https://www.atelierartmotion.com/galerie4.

Calcutta

Les préjugés collent à l’image du centre de Calcutta. La troisième plus grande cité d’Inde effraye à l’avance par sa misère crasse. Et pourtant c’est oublier que la « Belle en Guenilles » fut la capitale du Raj britannique. Elle conserve d’ailleurs de magnifiques monuments de sa période de gloire.  Comme souvent, je vous propose plusieurs articles. Dans le premier, voici une visite du centre de Calcutta. il vaut mieux y venir entre octobre et mars pour des raisons climatiques.

Autour de l’Esplanade

Ce que l’on appelle le centre de Calcutta correspond au quartier historique de la capitale du Raj Britannique. Desservi par le métro, ce quartier regorge d’hôtels et de petits restaurants.

On y trouve de jolies adresses comme l’Oberoi, le Grand hôtel de l’époque britannique avec son piano bar, ses petits salons. Dans les rues avoisinantes, une foule de petites pensions bon marché accueillent des routards. Les touristes attirent une foule miséreuse autour de ces rues très commerçantes. Car on trouve de tout à New Market . Entre petits stands et jolies boutiques anciennes, ce quartier est le paradis des acheteurs. Pour une petite boisson, le joli hôtel Fairlawn vaut le détour. Il offre une vision désuète et pleine de charme du Calcutta colonial. Ses vieux sofas poussiéreux et ses photos de célébrités d’antan invitent à une halte dans le passé.

Outre les bâtiments gouvernementaux, l’on trouve deux des monuments les plus importants de la ville et de nombreux espaces verts.

Le Maidan, poumon vert de Calcutta

Le Maidan est un immense poumon vert au centre de Calcutta articulé autour de Fort William. La forteresse remonte à 1696, une cinquantaine d’‘années après Fort Saintt Georges, à Madras. Ces Forts marquent les lieux de naissance de ces villes anglaises. Celui au centre de Calcutta se trouve toujours entre les mains de l’armée et ne se visite pas. On trouve de nombreuses statues dans le parc ainsi que des jardins aménagés. Ainsi Eliott park a été financé par la famille Tata.

S’y succèdent également des bâtiments emblématiques du centre de Calcutta. On y voit le planétarium Birla, de style classique, financé par la famille du même nom . Non loin de là, se dresse le mémorial à la Reine Victoria. Puis, la cathédrale st Paul, bâtie sur le modèle de Westminster Abbaye. Son architecture est une réplique fidèle de la grande abbaye londonienne.

Le Victoria Memorial

C’est un superbe édifice de marbre blanc plus palladien que moghol. Sa construction remonte au début du XXème siècle. Elle visait à célébrer la grandeur de l’Empire dont le centre était Calcutta. Entouré de jolis jardins bien entretenus, sa forme rappelle celle d’un capitole américain. Les petits lanternons autour de la coupole ne sont pas sans rappeller l’eglise de la Salute à Venise. C’est aujourd’hui l’un des plus beaux musées du centre de Calcutta. Le rez-de-chaussée expose des peintures et statues des Anglais qui ont marqué le Raj. En revanhe, le premier étage a été aménagé en musée des « combattants de la liberté ». Dans une muséographie moderne, inédite en Inde, on y suit l’évolution des idées et des hommes qui menèrent vers l’indépendance.

Le musée indien de Calcutta

Ce musée est l’un de plus anciens d’Asie et remonte à 1814. Conçu à l’anglaise, mais dans une palais bengali, il est resté pratiquement en l’état depuis le départ des colons. La muséographie n’a visiblement pas été retouchée. Les chemins y sont compliqués, comme la belle salle des textiles, cachée derrière la collection de poissons et d’oiseaux. La poussière date visiblement de la même époque, en tous cas dans les salles d’histoire naturelle. Néanmoins, la richesse des collections fait de ce grand palais, articulé autour d’une cour, l’une des attractions majeures du centre de Calcutta. Parmi les merveilles, les vestiges de la cité bouddhique d’Amaravati complètent ceux exposés à Chennai. La galerie de peintures mogholes au premier étage jouit néanmoins d’un réaménagement et les œuvres valent d’y passer un moment.

Maison de Mère Teresa

La maison de la grande figure chrétienne est devenue le lieu le plus visité de Calcutta. C’est une maison grise, entretenue par les missionnaires de la charité. On y voit notamment la tombe de la Sainte, cannonisée en 2016.

Au nord de Calcutta, le Pont Howrah et la Gare

Cette fois il s’agit de partir vers le nord de Calcutta. On va y découvrir deux bâtiments emblématiques de la ville. Ils se situent de part et d’autre de la rivière Hoogli, un des bras du delta du Gange. Il s’agit du pont et de la gare.

Le pont d’acier suspendu ne date que de 1943, mais il apparait sur de nombreuses représentations de la ville. Il domine l’impressionnant marché aux fleurs. Tout autour, on croise une foule de petits commerces de rue ahurissants,tels des raseurs publics ou nettoyeurs d’oreille.

De l’autre côté du fleuve, la gare Howrah st l’une de plus anciennes d’Inde avec celle de Royapuram à Chennai. C’est surtout la plus grande et la plus fréquentée du pays. Sa belle architecture est emblématique du style indo-sarracénique.

Saint Thomas

Saint Thomas a marqué Chennai de sa présence. D’abord parce que l’apôtre qui doutait y est mort au 1er siècle de notre ère. Il s’y est arrêté. Il y a aussi vécu huit ans nous raconte la légende, prêché et y a subi le martyr.

St Thomas, epinture de Saint Homas au Mont

L’Apôtre est donc venu évangéliser, subir la torture et mourir en ces lieux, bientôt suivi de disciples du Christ. Ceux-ci ont d’ailleurs motivé la construction de l’une des trois seules basiliques bâties sur le tombeau d’un apôtre. Avec Saint Jacques de Compostelle et Rome, Madras s’enorgueillit ainsi d’une communauté chrétienne.

L’arrivée de Thomas à Madras

Il n’est pas si étrange que st Thomas ait accosté en ces terres lointaines. En effet, les Romains y avaient déjà fondé des comptoirs. En atteste le site d’Arikamedu, situé à quelques kilomètres au sud de Pondichéry.

Les bateaux des marchand romains amenaient également à leur bord des missionnaires. Ceux-ci venaient au nom de cette religion nouvelle qui depuis la terre sainte essaimait à Rome. Ces hommes de foi n’étaient pas forcément nombreux mais assez pour construire quelques églises dans le Kerala. L’un d’entre eux, Thomas s’aventura de toute évidence jusqu’à la côte de Coromandel. Il avait déja séjourné douze ans sur la côte de Malabar. Il dut gagner l’Est en traversant les Ghats ou en contournant l’extrémité sud du cap Comorin.

Saint Thomas à Chennai

Les implantations chrétiennes les plus anciennes se trouvent de fait au Kerala. D’ailleurs, l’archéologie atteste bien d’une présence précoce de chrétiens. Néanmoins c’est bien à Chennai que l’apôtre Thomas aurait décidé d’organiser une communauté.

Thomas, si l’histoire est vraie, a prêché sur la plage au milieu des pécheurs. Il se retirait sur les hauteurs tropicales alentours. Une charmante petite église rappelle son lieu de retraite, au sommet de la colline. Avec son autel carrelé d’azulejos elle a un petit air portugais. Les escaliers qui y mènent, l’architecture de type missionnaire, avec sa façade simple, ourlée et blanche rappellent également le Portugal. A l’intérieur, on peut s’interroger sur l’étrange écriture sur un certain nombre de pierres tombales. Elles proviennent des marchands arméniens . Ceux- ci y pratiquaient leur culte avant de construire leur ravissante église à George Town au début du XVIIIème siècle.

Sur les côtés de l’autel, un extraordinaire étalage de reliques souligne la sainteté du lieu. Cela va des rognures d’ongles, au morceaux de dents de diverses figures plus ou moins illustres de l’Eglise locale.

Little Mount, lieu du martyr de Saint Thomas

Sur le chemin de sa retraite, en haut du Mont Saint Thomas, une flèche aurait transpercé Saint Thomas, lancée par un hérétique un peu énervé par son prosélytisme. Un étonnant lieu, nommé « Little Mount », le petit mont, rappelle l’évênement. Ici, deux jolies chapelles portugaises à l’architecture missionnare cotoient une grande église ronde comme un tipi. Sa clarté disille une foi étonnante. Sur le même site, un fléchage permet de suivre la cellule dans laquelle l’Apôtre aurait été enfermé. On voit également au sommet de la colline un rocher dans lequel est imprimée une empreinte de pied, une infractuosité, nommée source miraculeuse, ainsi qu’un rocher maculé de sang. Une reconstitution en cire très haute en couleurs retrace la mort de Saint Thomas. Le tout est abrité sous une construction curieuse et destinée à accueillir des foules de pélerins.

La Basilique Saint Thomas

Il y a pourtant des reliques de Saint Thomas, a priori tout au moins. Et elles se trouvent dans la Basilique à son nom. Celle-ci est construite tout près de la plage, là même où l’apôtre se serait rendu pour prêcher. Celle-ci fut construite à l’aplomb de la sépulture. On est ici dans le schéma de st Pierre de Rome . A savoir une basilique majeure construite sur la chapelle construite autour de la tombe de l’apôtre. Néanmoins, l’architecture y est moins glorieuse ou spectaculaire qu’à st Jacques de Compostelle ou à st Pierre de Rome. Il s’agit d’une église néogothique blanche dans le plus pur style colonial britannique. Cette structure à clocher ressemble un peu à une tarte meringuée dans le paysage de Chennai. Cependant, l’intérieur ne manque pas de charme avec son étonnant plafond vouté à croisée d’ogive en bois.

 La basilique recèle quelques morceaux de bravoure. Ainsi, la crypte propose une reconstitution édifiante en carton-pâte de la mise à mort de St Thomas. Juste au-dessus, un petit musée recèle des vestiges de l’ancienne église. Quelques images le disputent à de vieilles pierres dans un joyeux fatras dont l’Inde a le secret.

 Le long de l’édifice néogothique, une petite chapelle abrite une vierge en saree assez unique. On peut lui préférer l’ensemble de portraits des apôtres qui ornent les murs de la nef de l’église supérieure. Au lieu de tableaux pompiers ou de mauvaises reproductions d’œuvres sacrées anciennes, le diocèse a choisi des photographies. Il s’agit de portraits de jeunes hommes magnifiques en guise d’apôtres, en tous cas certains d’entre eux. Bien que depuis longtemps fanés, ces portraits conservent la beauté de stars de cinéma.

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Architecture coloniale

Voici un petit lexique récapitulant l’architecture coloniale à Chennai et sa signification  avec en prime quelques bâtiments emblématiques.

Le baroque Portugais

Au XVIeme siècle, le petit village tamoul de Mylapore est conquis par les Portugais en quète d’épices. Les Fransiscains qui les accompagnent en profitent pour évangéliser et reconstruire la basilique de l’Apôtre Saint Thomas, martyrisé et mort en ces lieux. Puis ils construisent des missions. De petites chapelles se multiplient à Mylapore : Saint Thomas bien sûre, mais aussi l’Eglise de la Lumière Luz, Sainte Rita, Notre Dame du Rosaire. Sur les hauteurs, les jolis ermitages blancs et baroques du Petit Mont et de mont Saint Thomas dominent la ville.

Le néo-palladianisme ou classicisme anglais.

Inspiré de l’architecte vicentin Palladio qui travailla au seizième siècle non loin de Venise, il est ramené en Angleterre par Inigo Jones et se diffuse dans les campagnes britanniques avant de s’imposer dans les plantations et les bâtiments officiels américains. Il est devenu emblématique de l’idée de démocratie et de bien publique. Avec ses lignes équilibrées et symétriques on le retrouve notamment au Rippon Building mais aussi dans les belles églises st Andrew et St Georges. Il émane d’une Angleterre triomphante qui impose sa vision de l’ordre et du bon gouvernement.

Le style indo-sarracénique emblématique de l’architecture coloniale

Le style indo-sarracénique nait à Chennai au Chepauk Palace, juste à côté du stade de cricket du même nom. Il correspond à la vision anglaise des édifices indiens. Il mêle influences mogholes (alors que les Moghols ne sont pas parvenus à Chennai), néo-byzantines voire gothiques. On le voit aux musées du Gouvernement mais aussi dans les bâtiments de l’université de Madras ou les cours de justice. Il témoigne d’une Angleterre qui se veut intégrante et compréhensive de l’héritage musulman mais qui ne se rend pas compte qu’elle commet un anachronisme majeur puisque les Moghols ne sont pas parvenus au Tamil Nadu. La présence coloniale impose ici un modèle unique indien dans une vision hégémonique.

Le style néo-gothique.

Emblématique de la fin du XIXe anglais, on le retrouve dans beaucoup d’églises coloniales avec ces flèches à clochers pointus. SanTome en est un bon exemple. La gare centrale, sur le modèle de Saint Pancras de Londres illustre aussi joliment ce style.

Il connait une variante vénitienne avec notamment les bâtiments de brique rouge du quartier de Parry’s Corner. Le long de la ligne de chemin de fer, les belles façades donnaient sur la Promenade, allée de parade à l’epoque coloniale vite abandonnée lors de l’ouverture du chemin de fer et de la nouvelle Marina Beach plus au sud. Cette variante repose sur les écrits de John Ruskin et est essentiellement adoptée pur les édifices à vocation commerciale. Certains architectes poussent l’imitation jusqu’à reproduire des édifices célèbres de la République Sérénissime de Venise comme le fameux Bovolo. Venise à Madras, il fallait oser, mais les Anglais au faite de leur puissance coloniale n’hésitent pas.

L’éclectisme

Il très typique dans toute l’Europe de la fin du XIXe apparait à Chennai dans certaines constructions originales comme le bâtiment du Sénat de l’Université de Madras sur la Marina. Le plus bel exemple est néanmoins certainement Egmore Station avec son ravissant toit en coupole et ses piliers décorés de dentelles.

Le style néo dravidien, plus rare est une concession à l’âme dravidienne locale. Plus profondément tamoul, il apparait plus tardivement au centre ferroviaire du sud-ouest près de la gare centrale par exemple. Il témoigne d’un intérêt voire de concessions de l’Empire par rapport à l’originalité et l’identité tamoule dans un océan anglo-hindi.

Également très rare à Chennai, le style Arts and Crafts témoigne du mouvement Art Nouveau mené par William Morris en Angleterre. On le retrouve non loin de la gare à l’école d’Art, lieu d’expérimentations artistiques.

Le style art- déco

Il marque la fin de l’architecture coloniale et une certaine forme de revendication par rapport à l’Empire britannique. Français à l’origine, remanié par son passage américain, il orne les nombreux quartiers nouveaux du Chennai des années 1940 et correspond à la montée du sentiment indépendantiste. On le trouve donc essentiellement dans les maisons privées des quartiers modelés dans les années 1930 tels T Nagar, ou Royapet. A Parry’s Corner, quelques édifices commerciaux adoptent également ces lignes droites et modernistes.

Royapet bis

Avec ce Royapet bis, je vous propose le deuxième épisode de notre decouverte d’un quartier du centre de Chennai. Après avoir présenté deux bâtiments emblématiques la semaine dernière, voici maintenant une plongée dans l’architecture art déco.

L’horloge de Royapet, point de ralliement

L’horloge de Royapet, face au Mall, est un des beaux témoins de la période coloniale finissante. Elle est l’une des quatre horloges art déco à subsister de l’époque anglaise. Et l’on peut espérer que celle-ci ne sera pas détruite. Repeinte à plusieurs reprises en couleurs vives, elle reste une balise importante de la ville. Construite dans un quartier central, elle équivaut à un lieu de rassemblement et un point de repère reconnaissable. Qu’importe finalement si aujourd’hui l’heure suit plus ses caprices internes que l’écoulement réel du temps.

Lors de son érection dans les années 1930, elle servait tout à la fois de repère visuel et de marqueur temporel. A cette époque, les gens disposaient rarement de montres..

Le quartier comptait alors de nombreux théâtres et cinémas. Il y en aurait eu plus de 80 également dans le style art déco. Celui-ci se distingue par sa verticalité et son ornementation géométrique.

Royapet, quartier résidentiel

Il ne reste guère de jardins dans ce quartier en proie à une véritable fièvre spéculative. Néanmoins le café Amethyst offre un agréable oasis de paix.

Les rues qui partent depuis le mall proposent un florilège de résidences adoptant le style art déco local. Celui-ci recourt à des matériaux nouveaux comme le béton armé. En revanche, le vocabulaire architectural combine les éléments verticaux et géométriques. Ces éléments emblématiques de l’art déco se doublent ici de particularismes locaux. Ainsi en va-t-il des jalis en béton, ou des sculptures de divinités hindoues. Les jalis correspondent à des écrans de pierre ajourés et étaient fréquents dans l’architecture moghole.

Contrairement à Mumbai, il n’y a pas de quartier art déco homogène. En revanche, le style mâtiné d’influences locales a essaimé à travers tout Chennai. L’art déco y prend des formes tardives et vernaculaires marquées. Le rinceau, très classique d’inspiration pour nous, revêt ici une symbolique religieuse. Il rappelle les colliers de fleurs que l’on trouve dans les temples. Les motifs verticaux tripartites inspirés des ornementations automobiles américaines se mêlent à des œil de bœuf typiques de l’influence paquebot hexagonale.

Souvent malheureusement, ces maisons sont en piteux état, les enfants des propriétaires habitent à l’étranger. Faute de véritable conscience patrimoniale, ces chefs d’œuvre se décomposent peu à peu. Pire, ils deviennent la proie de spéculateurs en attente de ces terrains idéalement placés au centre de Chennai.

Un palais princier survivant de la fièvre immobilière

Au débouché des incroyables Maisons de Thalayari street, une très belle construction d’angle a été rénovée avec habileté. Plus loin sur la rue, deux tours néo mogholes marquent l’entrée du dernier palais des Nawabs de Arcot. Le Mahal est le dernier vestige de la puissance des derniers monarques du Royaume carnatique. Les Nawabs d’Arcot administraient les Etats du sud et prirent leur indépendance des Nizams de Hyderabad sous la domination anglaise. A la mort du dernier des Nawabs en 1855 les propriétés familiales échurent au Raj. Dans les faits, le royaume carnatique avait déjà été pratiquement annexé par les Britanniques.

Ils disposaient également comme résidence du palais de Chepauk et de Triplicane. Mais les Anglais les confisquèrent en échange d’un édifice indo sarracénique très inspiré par l’architecture moghole. Celui-ci avait été construit pour accueillir des bâtiments administratifs. Les descendants des Nawabs y furent relogés et à partir de 1867 eurent droit à une rente annuelle. La propriété appartient désormais au gouvernement qui y loge toujours les descendants de la famille.

 Ceux-ci ne jouissent plus d’aucun pouvoir mais mènent une vie sociale active et animent de nombreuses œuvres caritatives

Un peu plus loin sur la rue, la maison Gandhi Peak offre une extraordinaire façade blanche. A partir de 10h du matin, la frénésie de la rue et l’abondance d’échoppes occultent totalement ce type de façade. Néanmoins, il vaut la peine de s’y intéresser . On peut alors constater que chaque étage a dû correspondre à un habitant et une volonté différente. Ainsi le propriétaire du dernier a voulu honorer Gandhi. Il a donc fait orner la façade d’une niche avec une statue commémorative à l’effigie du Mahatma.  En continuant le long de Pycrofts Road, on rejoint le centre commercial Express Avenue.