6 lieux indo-sarracéniques

 Cette fois je vous propose des lieux indo-sarracéniques pour faire suite à l’article précèdent sur l’architecture indo-sarracénique. En effet, Chennai offre un joyeux mélange de styles. Les constructions de type néo vénitiens le dsputent aux édifices maures, au palladianisme, ou au gothique français. Cet agrégat d’éléments indiens et européens correspond à la période victorienne, très amatrice de pastiches. Globalement les gares, les universités d’époque britannique adoptent cet éclectisme teinté d’exotisme. Alors où commencer l’itinéraire indo-sarracénique à Chennai ?

High court, la tour la plus haute

Chepauk Palace , premier des lieux indo-sarracéniques.

Ce palais tombe malheureusement en ruine. Néanmoins, il marque l’acte de naissance et donc l’un des lieux indo-sarracéniques incontournables. Construit en 1768, pour le Nawab d’Arcot , il cache aujourd’hui son délabrement derrière des palissades et une façade repeinte. Le nom est cependant bien connu des locaux puisqu’ il évoque le grand stade de cricket qui lui fait face. Cependant, peu de de fans de cricket savent que Chepauk marque les débuts de ce style architectural douteux mais rigolo. Les Nababs furent rapidement déplacés par les colons et relogés au Amir Mahal, dans Royapuram où les descendants de la dynastie vivent encore.

Riipon building, un gros batiment blanc à colonnes

Madras High Court, le quartier de Parrys corner

Le Bovolo de Chennai

Connu pour ses ruelles animées et ses échoppes multicolores, le quartier de Parry’s corner vaut également la visite pour ses merveilles indo-sarracéniques. Encore convient-il de lever le nez en sortant de la gare Chennai Beach. On commence avec l’extraordinaire promenade sur North Beach road. Les marchands et marins y débarquaient et il convenait d’y afficher toute la gloire et la puissance de l’Empire. Si les bâtiments tombent ajourd’hui en ruine, il vaut la peine de regarder l’extraordinaire façade de la Poste ou des banques. On y sent l’influence de Venise et notamment du fameux Bovolo.

YMCA indo sarracénique avec des fenêtres ourlées sur l'esplanade

Si l’on traverse, on tombe nez à nez avec les joyaux de la cour de Justice. Ici c’est une profusion de dômes sculptés et minarets dignes de palais de Maharadjas.

 Madras literary society et musées

Les grandes institutions officielles impériales sont les plus révélatrices du style indo-sarracénique. A Egmore, sur College road, on peut admirer deux sites principaux, l’ancien campus st Georges qui correspond à l’embryon de l’université britannique. On peut encore y visiter la Madras Literary society .

Surtout, les musées du Gouvernement offrent des exemples épatants de la profusion architecturale de l’époque victorienne. Sur le même site se succèdent le fantastique palais ourlé qui sert de galerie d’art, alors que le théâtre rond est une réplique du Albert Hall de Londres. La galerie archéologique s’inspire des pignons de brique de Kensington et de Albertopolis, quartier emblématique de l’époque dans la capitale de l’Empire.

thátre du Musée, inspiré par le Royal Albert Hall
Théatre du Musée du Gouvernement

Autour de la gare centrale

Chowdry, ancienne auberge face à la gare centrale

Là encore nous sommes dans un quartier hautement britannique et…victorien. Quoi de plus emblématiques que les gares pour exprimer la splendeur de l’Empire en effet ?

Autour de Central Railways station, les beaux vestiges architecturaux abondent. Il s’agit d’abord du plus pur éclectisme victorien si l’on peut dire, à savoir la gare centrale néo-gothique tout droit inspirée de ses contemporaines londoniennes du style Saint Pancras. Puis le Rippon Building symbolique siège du gouvernement, l’un des meilleurs exemples de palladianisme sur le sol indien. Le Victoria Hall en brique rouge semble lui aussi directement rapporté des iles britanniques. En revanche, les deux bâtiments qui leur font face le Chawdry, auberge réservée aux Brahmanes, et l’étonnante meringue blanche qui servaient d’hôtellerie pour les voyageurs appartiennent bien au style indo-sarracénique. Je m’amuserai certainement dans les prochaines semaines à écrire un peu sur ce quartier riche en architecture. Un peu plus loin, Egmore Station avec ses coupoles et dômes est une de plus jolies réussites de ce style si unique à l’Inde pendant la période anglaise.

Egmore Station, magnifique batiment éclectique

Anna Salai, Mount Road

Avec Higginbothams, la maison des détectives et tous les bâtiments en ruine, Mount Road marqua le déplacement du centre de la ville Victorienne de st Georges à ce quartier nouveau et en expansion au début du XXème siècle. Nulle surprise que les édifices de style indo-sarracénique soient ici des bâtiments à vocation commerciale.

une facade vénitienne dans Parry's Corner

Senate House dans l’ Université de Madras, et Marina Beach

Dernier soubresaut du style indo-sarracénique, Marina ou South Beach road prit le dessus sur la promenade qui devenait un lieu moins plaisant depuis que les voies de chemin de fer avaient fermé la vue sur la mer. Ce long boulevard en bord de plage se borda de bâtiments éclectiques du plus curieux effet. Parmi les gâteaux à la crème, le Senate Building, central à l’université de Madras étonne avec ses minarets, ses coupoles néo byzantines. Un pastiche complet pour mieux affirmer la puissance de l’empire à son apogée.

Après la mort de Victoria (1901) en effet, l’architecture se fit plus sage et revint à des lignes plus classiques voire à des références réellement locales comme l’immeuble néo dravidien du South Railways building. Les derniers soubresauts anglais consistèrent en des décorations baroques sur des facades classiques, correspondant au style edwardien.

facade édouardienne
la sagesse d’une facade édouardienne dans Parry’s corner

Parry’s Corner

clocher blanc dans le jardin de l église arménienne

Parry’s Corner évoque pour les habitants et les touristes une succession de ruelles et de marchés de rue ou tout s’échange, se vend. Paradoxalement c’est aussi l’un des quartiers les plus anciens et les plus riches en architecture et il est dommage de ne s’arrêter qu’à la frénésie commerciale.

A l’origine du Madras britannique, Fort George et Parry’s Corner

A l’époque de la fondation de Chennai il n’y avait que des villages, parmi lesquels Chenna-Patnam, Madras-Patnam et Mylapore. Les Britanniques à leur arrivée fondèrent la ville de George Town, bientôt connue comme ville blanche et ouvrirent une route nord sud. Puis ils créèrent la ville noire en damier, le long de la plage avec le bazar birman. Une route menant à la prison au nord et à l’ouest à la gare centrale conplétait l’ensemble. Deux villes coexistaient donc, le fort à l’abri des murailles et au nord, la ville nouvelle au plan hippodaméen commerçante et locale avec ses temples et marchés.

 Lorsque la compagnie des Indes Orientales (EIC) grossit, elle eut besoin de comptoirs. Francis Day fut chargé en 1639 de trouver un nouveau port, non loin de l’implantation portugaise de Mylapore. Le commerce lusophone florissait depuis déjà un siècle. Le succès des Portugais, encouragea les Britanniques.

Sir Francis traversa le bastion hollandais et tomba sous le charme des lieux. Il obtint des terres du dignitaire local. Il fonda alors Fort st George pour la couronne britannique avec bureau, entrepôts et résidences pour la compagnie. Cette première ville fut pourvue d’une muraille.

Des 1600, la ville noire apparut hors des murs.  Elle résultait de la croissance mais aussi d’une discrimination entre chrétiens et locaux. Elle comptait des Telugus et Tamouls mais aussi d’autres groupes juifs, arméniens, gujaratis. Cette ville noire était dépourvue de murs. Les Français y tinrent siège en 1746 contre les Britanniques pour conquérir le trône des nawabs. Ils finirent par échanger Louisbourg, en Nouvelle Ecosse, au Canada contre Madras. Les négociants anglais revinrent alors et protégèrent la ville noire avec des armes et non des murs. Avec la colonisation en 1857, la Compagnie des Indes orientales remit ses territoires et parts à la couronne britannique.

temple et immeuble art déco dans Geogetown

Promenade autour de Parry’s Corner

Georgetown tient son nom du Roi George IV. Néanmoins, on parle du quartier comme de Parry’s Corner. Ce même si le nom désignait à la base juste un édifice commercial, d’où Thomas Parry fit fructifier ses activités.

Pour cette promenade, on peut justement partir de l’immeuble de Parry’s Corner. Ce nom correspond au second bâtiment d’affaire le plus ancien à survivre à Madras dans les années 1900. D’une riche famille, Thomas Parry, frère d’un administrateur de Georgetown, arriva à Madras. Marchand indépendant, il vendait un peu de tout, des voyages, du vin, de l’immobilier. Puis, il ouvrit une tannerie en 1905 et une, sucrerie en 1908. Ensuite, il s’associa avec William Dare. Ce partenariat fructueux prit fin dans les années 1920 lorsque Parry dut s’exiler pour des raisons politiques. Le bâtiment prit le nom de Dare mais le quartier et le sucre s’appellent toujours Parry.

facade art déco de Dare House

C’est au niveau de Dare House qu’eut lieu le siège français. En 1897, une esplanade jouxtait les murailles. En atteste un obélisque (sur les 5 existant à l’époque) et un bâtiment juridique néo-gothique. C’était une zone frontière entre les villes noire et blanche.  C’est en ce lieu que se sont développées les cours de Justice regroupant toutes les professions juridiques sur le modèle britannique mais selon le style indo-sarracénique. Ce fut surtout le centre de la ville et on y trouvait banques, commerces, institutions religieuses et administrations.

En face des dômes et pinacles d’allure néo-moghole, Dare House à l’angle, utilisé comme consulat américain a été détruit en 1908. Il a été reconstruit en acier et béton, de manière plus moderne. C’est un des rares bâtiments art déco de la ville à vocation commerciale.

Dubashi et Chetty  Street

Avant de tourner sur Dubashi Street, se dresse l’église du missionnaire John Anderson venu monter une école de filles dans St George et propager la foi chrétienne. L’église fut ensuite affiliée à l’université de Madras en 1877. Du collège, ne reste qu’un mur.

Le terme de dubashi se réfère aux serviteurs, traducteurs devenus en quelques sortes, intermédiaires, collaborateurs, agents, intermédiaires, receleurs, agents double au service des colons. Cette position avantageuse les enrichit considérablement. Ils possédaient beaucoup de terres et ont donné leurs noms aux rues. Mais ils volaient souvent les locaux. dubakul in tamul se traduit par tricher. La petite histoire raconte que pour se faire pardonner ils construisèrent de nombreux temples à travers la ville.

Chetty Street évoque en revanche les nombreux Chettiar, ces commercants qui ayant fait fortune avec les Anglais se firent batirent des palais somptueux dans le Chettinad.

Le bâtiment victorien de style vénitien rappelle les écrits de Ruskin. Il s’agissait d’une succursale d’une société de Mumbay. Construit en 1900 dans le style indo-sarracénique, l’édifice de brique possède une façade de brique et pierres aux spectaculaires vitraux et aux arcs de style venitien. La structure est néanmoins moderne et implique fer et acier, emblématiques de la révolution industrielle. Une véranda soutient le toit terrasse.

Armenian street

Cette rue prend le nom de la très belle église arménienne véritable oasis de charme dans le tohu bohu du quartier. Les Arméniens, d’abord à San Tome au Mont (ils ont financé l’escalier) sont tous partis. Mais ils étaient très prospères. Ils s’étaient enrichis grâce au commerce de la soie, des bijoux et épices. De ce fait, ils construisirent une église en 1712 plus proche de leur lieu de commerce fort st George.

Un peu plus loin se trouvent le centre catholique, un grand bâtiment art déco. A l’emplacement du parking qui le jouxte se trouvaient Benny and co ou les Arméniens vendaient leurs propriétés avant de rentrer chez eux. Cette énorme société a fait faillite. John Benny travaillait avec le nabab, il occupait de nombreuses fonctions et vendait des uniformes, fournitures de toutes sortes. Il investit dans 2 moulins, Buckingham et Karnatikam, puis à la fin du 19ème siècleune filature à Bengalore. Après l’indépendance, la société plongea du fait de la crise. Benny fut racheté dans les années 1960.

En face, la Compagnie d’assurance privée, est une succursale de celle de Bombay. Un architecte indien créa le bâtiment moderne, un des premiers planifiés en 1945 avec une entrée en angle. Le bâtiment est célèbre pour son sous-sol enterré pour les dépôts. Il recourait à des matériaux locaux. La décoration rappelait l’architecture indo-sarracénique avec le balcon de côté avec jally, le petit dôme, le joli Chatri  (kiosque) sous le toit. Aujourd’hui, la compagnie devenue LSI a été nationalisée à l’indépendance.

Un peu plus loin sur la rue, South India house, de style Edwardian offre une décoration bien différente presque rococo sur une façade toute simple.

Le Long de Beach road face au marché birman

Cette rue était l’avenue de parade bordée d’arbres et de luminaires le long de la plage avant le percement de Marina et le déplacement des clubs de plage. Avec l’ouverture de la gare, les Britanniques construisirent le long de la belle promenade, leurs plus beaux bâtiments. Les nouveaux arrivants, marchands, marins pouvaient y admirer la splendeur du Raj à travers de somptueux édifices. Aujourd’hui la vétusté et l’incurie font pratiquement oublier la grandeur indo-sarracénique de ces façades en relief. En diffère, celle du Metropolitan Magistrate court, pour les cas civils. Construite en 1892, sa façade plate ornée de mosaïques atteste combien les Britanniques consacraient un minimum d’argent pour rehausser un édifice pour les locaux.

Alliance Française

L’Alliance française de Madras, conserve le nom de l’association fondée bien avant le changement de nom de la ville en Chennai, en 1996. L’institution vient de célébrer en grande pompe ses 70 ans. Pour cet anniversaire, l’Alliance Française a fait peau neuve avec pour objectif de s’ouvrir à tous et de faire résonner la culture française bien au-delà de l’hexagone.

L’Alliance française de Madras rajeunie pour son 70eme anniversaire

               Fondée en 1953, cette Alliance nous rappelle que les liens entre le Tamil Nadu et la France s’ancrent dans l’histoire. Ce, depuis l’implantation française à Pondichéry au XVIIIème siècle. De ce fait, elle représente bien plus qu’un simple centre de langue.

L’Alliance offre bien sûr des cours de français aux apprenants. Elle accueille aussi des activités dans le bel auditorium Michelin. La bibliothèque a elle aussi fait l’objet d’une cure de rajeunissement. Surtout, le bel Espace 24, au 24 College Road, permet d’accueillir des expositions. Il aide aussi à mettre en valeur des artistes locaux ou français.

Ce 70ème anniversaire permet d’officialiser les nouveaux bâtiments d’une Alliance qui a presque doublé sa superficie initiale.

Une Alliance française atypique

L’Alliance française de Chennai est constituée d’un comité francophone et d’un trust 100% indien propriétaire des murs. Ce type de montage, assez courant, permet de sécuriser les bâtiments détenus localement. D’ailleurs, la séparation des pouvoirs garantit un équilibre. Le président du comité est un artiste local renommé.

L’Alliance de Madras est l’une des plus grosses au monde avec une quarantaine de professeurs et 2.600 étudiants. Elle prend place dans un réseau de 800 établissements. Ceux-ci se répartissent dans 130 pays dont 15 antennes réparties sur le territoire indien. Il s’agit d’associations françaises de droit local dont seul le directeur relève du Ministère des Affaires étrangères.

La proximité de Pondichéry et l’originalité du statut de franco-pondichériens expliquent en grande partie l’offre importante d’enseignants locaux parfaitement francophones.

Des bâtiments Art déco entièrement rénovés

Construite en 1953, la maison de style art déco fait partie d’un grand projet immobilier mené par un ingénieur, M Subarco. L’Alliance y a d’abord loué des salles à partir de 1975. Puis, elle a acheté la maison 5 ans plus tard, grâce à un prêt de l’Alliance Française parisienne.

Après le cyclone de 2017, le bâtiment a fait l’objet d’une magnifique rénovation et d’agrandissements par l’architecte Sujata Chankar. Les nouveaux espaces inaugurés en décembre 2022 comptent notamment la galerie. Espace 24 accueille les expositions d’arts visuels, de photographies ou offrant des ateliers. Il s’agit d’un espace polyvalent interactif. L’extension a en effet pour but de donner de l’ampleur à la dimension culturelle.

Conquérir de nouveaux publics

L’Alliance française jouit d’une véritable notoriété à Chennai. Néanmoins une marge de progression existe dans une ville de 10 Million d’habitants.

L’Alliance s’adresse à des Indiens désireux d’apprendre le français. Ils le font souvent pour des raisons professionnelles, comme travailler au Canada ou en Afrique où beaucoup d’entreprises indiennes sont installées. A ces élèves, s’ajoutent ceux qui apprennent le français pour le plaisir.

Le Dr Patricia Thery Hart, la dynamique directrice, estime qu’en diversifiant la proposition d’activités, en améliorant la qualité de la restauration, et en trouvant de nouveaux partenaires elle pourra améliorer la visibilité et l’audience et s’ouvrir à de nouveaux publics.

De nouvelles activités

Déjà l’offre a été structurée depuis son arrivée et des thématiques mensuelles visant à attirer un public avide de nouveautés culturelles.

L’équipe, renouvelée ,a déjà commencé à travailler sur une série de « dialogues créatifs ». Ils portent sur des sujets liés à l’art, la science, l’anthropologie. Elle envisage d’autres activités comme l’Opera on screen, art on screen, ou des artistes en résidence. Des cours le matin et l’après-midi ainsi que des ateliers pourraient élargir les propositions actuelles. D’autres projets à moyen et long terme visent à associer des designs contemporains en partenariat avec des associations étrangères. Le Goethe Institut de Chennai, ou Dakshinashitra font partie de ces liens.

L’Alliance Française de Madras a vocation à offrir beaucoup plus que des cours de langue. Elle vise aujourd’hui de nouveaux publics grâce à une programmation riche et variée.

Le doublage du cinéma indien

Le doublage du cinéma indien est monnaie courante et plus particulièrement dans les régions du sud. En effet, l’une des particularités du cinéma indien est de devoir composer avec la multitude de langues et donc de devoir offrir des possibilités de sous titrage et de doublage.

Photo Aura Studio

La problématique linguistique au cœur du doublage du cinéma indien

Le sous-continent compte en effet plus de 20 langues officielles. Celles du Sud, dravidienne n’ont aucune base commune avec celles du nord. Du coup le cinéma s’adresse non pas au milliard et demi d’habitants mais à une portion d’hindiphones, tamoulophones ou autre.

studio de doublage à Chennai

Si l’hindi s’impose relativement dans le Nord et peut être compris dans de nombreuses provinces il est en revanche très mal considéré dans certaines régions au sud du Plateau du Dekkan et notamment dans le Tamil Nadu. Une grande partie du public peu éduqué ne va en effet voir que les films tamouls, ou à défaut doublés en Tamoul. D’où le développement de studios dans chacune des grandes capitales régionales et linguistiques. Ainsi Tollywood produit le cinéma du Telangana et de l’Andhra Pradesh dont la capitale conjointe est Hyderabad. Ce cinéma a particulièrement le vent en poupe avec deux énormes succès récents Baahubali et RRR, couronné récemment par l’oscar de la meilleure musique originale.

double affiche de Bahu Baali, l'une en tamoul, l'autre en Telougou

Kollywood, un cinéma restreint au Tamoul

A Chennai, ce sont les studios de Kollywood qui diffusent un cinéma en Tamoul. Cependant ces cinémas pour gagner une audience plus large sont souvent tournés en plusieurs langues.

Baahubali est peut-être justement l’exemple le plus connu de film tourné en telugu, sa langue d’origine et simultanément en tamoul. Un seul des acteurs est Tamoul et célèbre. La plupart des acteurs se sont doublés eux-mêmes. Seuls les plans rapprochés sont tournés une nouvelle fois dans la seconde langue de manière à faire coïncider le mouvement des lèvres et le son.

 Dans certains films, même les inscriptions changent selon le public concerné. Il ne faut pas oublier qu’une grande partie du public n’est que faiblement alphabétisée. Elle n’est surtout pas forcément alphabétisée dans la langue de son état de résidence et ne peut donc pas lire de sous titres ou pas suffisamment rapidement. Les différentes langues indiennes ne reposent effectivement pas sur le même alphabet. Ainsi lire dans sa langue d’origine n’implique pas que l’on puisse lire une autre langue pour autant pratiquée à l’oral. On pourrait ici parler d’analphabétisation relative. C’est pourquoi, les sous-titrages en anglais sont relativement fréquents. L’anglais est en effet la langue la plus commune et la plus utilisée dans les études.

Pathaan en Hindi

Les studios de doublage du cinéma indien abondent, disséminés un peu partout dans Chennai. Cependant, ils s ne sont pas toujours très visibles. Le studio typique consiste en une salle insonorisée avec un pupitre et un gros micro, un écran de cinéma de petite taille à quelques mètres en face, et les ingénieurs du son avec leur matériel audio derrière une vitre.

Le doublage une activité florissante

Depuis les années 2000, le doublage est devenu une activité florissante grâce notamment aux progrès dans le digital. Les ingénieurs du son ont affiné leur spécialité et recalent les voix ou les modifient le cas échéant pour correspondre au personnage. Les doubleurs, eux, ne doublent plus forcément un artiste mais plusieurs, en fonction du sujet ou du personnage. Le milieu s’est modernisé, et même syndicalisé. Doubler en Inde est aujourd’hui un métier reconnu, voire recherché. Du fait de la professionnalisation croissante, les interprètes de doublages sont de plus en plus connus. Mais également de plus en plus chers. Aujourd’hui, pour accéder à ce métier de plus en plus valorisé et recherché, il existe même des formations universitaires.

Les acteurs de doublage, car il s’agit de véritables acteurs, travaillent uniquement en post production. La plupart du temps, leur scène se limite à un studio. On leur demande un échantillon de voix qui doit coller à un ou plusieurs personnages mais surtout à des situations. Car tels de véritables acteurs, les doubleurs se doivent de faire passer les émotions par leur simple voix.

Pathaan affiche en tamoul d'un film hindi doublé

Lors du doublage, le nom du film n’est pas toujours connu, il peut être donné bien en amont du montage. Chaque scène fait l’objet de nombreux essais pour bien caler la voix à l’image. L’acteur ne reçoit pas de script mais un papier un stylo qui lui permettent de noter les dialogues des  scènes qu’il visionne. Cela permet de vraiment interpréter le rôle. La difficulté consiste à coller à la durée du mouvement des lèvres des acteurs visibles à l’écran et à l’intonation voulue par le réalisateur.

Le doubleur un interprète dans tous les sens du terme

matériel de prise de son

Les langues sont variées. On peut ainsi demander à un artiste du sud de doubler un acteur hindi en plusieurs langues dravidiennes. Il n’est pas rare en effet que les acteurs maitrisent plusieurs langues. Il arrive qu’un doubleur puisse doubler en 2, 3 voire 4 langues du sous-continent indien. Certains indiens ont en effet des parents de régions, et donc de langues, différents. D’autres sont scolarisés en deux ou trois langues. D’autres encore, parce qu’ils changent d’Etat pour une raison ou une autre, se voient contraints à apprendre une ou plusieurs autres langues. Il n’est donc pas rare que les Indiens parlent, sans forcément écrire, trois, quatre voire plus de langues en plus de l’anglais. On a alors affaire à des véritables spécialistes de l’interprétation au sens large. En effet il s’agit d’interprétation en matière linguistique et au sens théâtral.