Bibliothèques de Madras

Aujourd’hui je vous emmène découvrir des Bibliothèques de Madras plus ou moins connues . Pour l’ensemble on peut y accéder entre 10 et 17h les jours de semaine. Certaines valent le coup pour l’édifice, d’autres incitent davantage à l’étude ou la lecture.

la Société littéraire, l’une des plus belles Bibliothèques de Madras

J’avais déjà accordé un article à ce lieu extraordinaire niché dans l’ancien campus st Georges . Extraordinaire non pour les livres, en piteux état, mais pour les bâtiments indo-sarracéniques.

Le bâtiment a besoin de restauration mais l’architecture n’en reste pas moins exemplaire de la présence britannique à Chennai. Elle allie la modernité (pour l’époque) des rayonnages coulissants métalliques à l’aspect traditionnel des jalis et autres fioritures néo mogholes affectionnées par les colons. A remarquer également quelques œuvres hors du commun comme l’original de Ponyam Selvan par Kalki Cette bibliothèque est tenue par un trio d’amateurs zélés et adorables.

Bibliothèque Rameswari

Peut être la plus méconnue des Bibliothèques de Madras, la Bibliothèque Rameswari se niche dans l’ arrière-cour d’une école sur Ednam road. Elle se situe derrière la Shakuntala Art Gallery,. Elle se cache à l’écart de la circulation importante de ce quartier central de la ville (quasi en face du Kauvery Hospital, face à l’échangeur de TTK road).

C’est une bibliothèque ancienne et privée malgré tout mieux dotée que la Madras Literary Society et surtout beaucoup mieux entretenue. Elle se dresse à l’emplacement de la maison familiale du défunt mécène et homme de loi Rameswari qui a tant fait pour sa ville.

Les salles donnant sur rue servent souvent pour des expositions, voire des ventes. Mais il ne faut pas hésiter à prendre la petite entrée de droite pour demander ce que le centre culturel propose. Derrière la grande salle de conférences on découvre une jolie cour couverte comme les maisons typiques en recèlent puis, à l’étage, une fantastique bibliothèque.

Avec un peu de chance, le bibliothécaire vous emmènera de pièces en pièces découvrir les trésors cachés. On commence par des ouvrages vieux ou désuets de géopolitique ou d’économie dans la salle de lecture. En traversant un petit toit, on atteint la salle de fumigation, lieu étonnant ou sont traités les livres, atteints de maladies rares et certainement transmissibles. Ce couloir débouche sur une ravissante salle ancienne. L’on pénètre vraiment le saint des saints avec des ouvrages rares et/ ou en restauration. Feuilles anciennes ou volumes au cuir dépecé jouxtent des meubles et gravures d’un époque révolue.

La Connemara Library

Ce grand bâtiment se dresse dans l enceinte du musée du Gouvernement.  Réputée pour la beauté des lieux elle risque décevoir le visiteur en quête de beaux lieux.

En fait, la bibliothèque Connemara se situait à l’origine dans l’un de plus beaux bâtiments indo-sarracénique du complexe. C’est ce bâtiment qu’évoquent les articles en ligne et non l’actuelle bibliothèque sans grâce. La construction des années 1970 attire aujourd’hui les étudiants et chercheurs et nullement les visiteurs plus intéressés, à juste titre, par la collection de bronzes cholas ou par le théâtre. Néanmoins une passerelle intérieure relie ce bâtiment moderne à l’une des merveilles du Raj, la fameuse bibliothèque Connemara, la vraie. Celle-ci n’est malheureusement pas accessible au public.

Faiblement ventilée, l’aile moderne, ouverte au public et répartie sur plusieurs étages n’est pas de plus attirantes pour l’européen en mal de lieu exotique. Juste derrière un magasin vend des livres en tamoul. Il ne peut pas rentrer en compétition avec la merveilleuse librairie Higginbothams.

Anna centenary Library

Nous voici maintenant devant la grande des bibliothèque de Madras.

Cette fois, il s’agit d’une bibliothèque moderne puisque son inauguration remonte à 2010. Des conférences y ont lieu régulièrement. L’immense et confortable auditorium accueille des évènements que l’on peut suivre sur le site. Contrairement aux deux premières, c’est une bibliothèque publique donc mieux dotée et financée. Elle compte 9 étages, un auditorium. Une grosse section de livres en anglais.  Pour le reste tout est écrit en tamoul et il n’est pas forcément aisé de naviguer dans cet énorme vaisseau silencieux et impeccable. Un vrai oasis de quiétude propice à l’étude dans cette ville bruyante et poussiéreuse.

Citytour

Chennai express

Voici un Chennai express, un citytour ou itinéraire de découverte accélérée de la ville. Avant de partir, munissez-vous d’eau, de vêtements légers. N’oubliez pas de vous munir de chaussures faciles à enlever et remettre. Les enlever est obligatoire dans tous les édifices religieux. Emportez également un peu de monnaie pour les pourboires, et du gel hydroalcoolique.

Pour un Chennai express d’après-midi, commencer par Fort St Georges, lieu de naissance de la colonie anglaise. En revanche, si vous partez le matin, commencez par Mylapore et  le marché aux poissons. Vous pourrez enchainer avec St Thomas et  le temple Kapelashewar. Ces lieux vous feront aborder la naissance de la ville ante coloniale.

Dans le premier cas, vous passerez d’abord devant la gare de Edgmore et le Ripon Building,

somptueux témoignages de la colonisation britannique. Les bâtiments néoclassiques de ce siège du gouvernement local renvoient à la splendeur du Raj indien. Le style victorien de la gare rappelle les efforts de la couronne pour renforcer transports et communications.

Fort St Georges 

Le Fort remonte à l’implantation des Britanniques au 17e s.  L’idée était alors de protéger le commerce de la Compagnie des Indes orientales sur la côte Coromandel. Dans ce but, les Anglais achetèrent aux Nayaks locaux une bande de terre pour y construire une fortification. Celle-ci fut le centre du pouvoir britannique sur la région pendant les 3 siècles suivants. Elle fut aussi le théâtre de batailles, notamment avec les Français.

La forteresse correspond à une petite ville abritée par des murailles bastionnées. Les bâtiments gouvernementaux se sont installés dans les quelques maisons coloniales. En piteux état, elles entourent la jolie église anglicane Ste Marie. Le musée se trouve dans les premiers bureaux de la première Banque. La visite s’avère compliquée pour admirer 3 portraits fanés, une collection de médailles et quelques explications. Du coup, ne rentrez dans le musée que si vous avez vraiment du temps.

Parry’s Corner.

En contournant le fort, se trouve l’un des quartiers les plus animés de la Chennai moderne. De très rares maisons coloniales s’y dissimulent. On peut les distinguer  derrière les boutiques et étals de ce qui constitue le bazar le plus populaire de la ville d’aujourd’hui. A l’origine, le nom du quartier provient de deux batiments d’angle, construits par monsieur Parry. En face, la belle construction en briques rouges du Tribunal, constitue un bel exemple de style « indo-saracénique ».

Longer la Marina

Il s’agit de la 2eme plus longue plage urbaine du monde. Elle mesure 12km. Comparativement, la plus longue plage urbaine du monde se trouve à Virginia Beach aux EU  et est longue de 14, 5 km. Si vous aimez l’animation, le folklore et les plages sales, c’est parfait.

Pourtant,  à l’époque coloniale, ce devait être idyllique face au Golfe du Bengale. Le long de cette plage, quelques-uns des très beaux édifices coloniaux se succèdent. On voit ainsi universités,  Bibliothèques, administrations. Le tout toujours dans le style « indo-saracénique » typique de l’Angleterre coloniale et de la période victorienne. En tournant le dos au Fort St Georges, on franchit le pont Napier, fierté locale. Puis, on longe quelques monuments commémoratifs

A mi-chemin de ce Chennai express, vous pouvez vous arrêter pour la photo instagramable.

Vivekananda House, une grosse pâtisserie rose, date de 1842 et accueille exposition et cours.

Continuez à longer la plage jusqu’au phare érigé en 1976. Ici, commence le marché aux poissons, pour le coup très populaire. Après les baraques de pêcheurs, le quartier devient de plus en plus pauvre et on s’approche des bidonvilles. la municipalité vient d’aménager une sorte de halle aux poissons.

Mylapore

La ville annexée à Chennai est aujourd’hui un quartier, proche du rivage occupé par les Romains. Ceux ci pratiquaient le commerce de brocarts soieries, épices, cotons. Puis Portugais et Anglais s’y installèrent. Deux édifices religieux s’y visitent.

Eglise San Thomas ou Santome

Santome  est l’une des trois seules églises au monde sur la tombe d’un apôtre. St Pierre et st Jacques sont les deux autres, respectivement à Rome et Compostelle. L’Apôtre Thomas serait en effet venu évangéliser le Kerala dès 53 ap JC. De là, il aurait rejoint la côte Est pour se fixer sur le Mont St Thomas et prêcher auprès des pêcheurs de Mylapore. C’est en ce lieu, selon Eusèbe de Césarée, qu’il aurait subi le martyr en 72. A l’emplacement de sa tombe (à l’aplomb de l’autel) fut construite une chapelle reconstruite par les Portugais en 1523. Bien rénovée par les britanniques en 1896, elle correspond au style néogothique. Néanmoins, l’église a du charme avec sa charpente de teck, ses 34 vitraux. A l’arrière, la crypte abrite quelques reliques de l’Apôtre. Son corps aurait en fait été transporté à Ortona en Italie. Le petit musée recèle un bric à brac bien rigolo. A gauche de l’autel, la statue de Notre Dame de Mylapore, revêtue d’un sari, a été apportée du Portugal en 1523. Elle était déjà très révérée à l’époque du séjour de St François Xavier (11 mois en 1545). 

Kapaleeshwara temple

Ce temple est consacré au dieu Shiva. Fondé au VIIe, il a été reconstruit au 17e en grande partie puis beaucoup rafistolé. Comme dans tous les temples, on laisse les chaussures à l’entrée, on entre sous le Gopuram, grande tour d’entrée sculptée et colorée, face au mât doré. On fait alors face à l’autel et au sanctuaire (interdit aux non Hindous , photos interdites)

On commence la visite par la gauche (sens des vivants) et par l’autel consacré à Ganesh, le dieu auspicieux. Puis on passe  devant le Lingam, symbole de fertilité, et on rejoint le Mandapam. Ces préaux à colonnes se retrouvent dans tous les temples et marquent le centre de la vie sociale : on y mange, on y prie, on y cause.

En contournant le temple, on passe devant différents sanctuaires et on atteint le réservoir. Ces réserves d’eau sont présentes dans tous les temples pour la purification. Après avoir contourné plus de la moitié du temple en partie gauche, on atteint un ensemble de pièces. Ces entrepôts permettent de stocker les statues et chariots pour les divinités, lors des célébrations. Puis, on accède à l’étable. La belle statue de bœuf évoque Nandi, le taureau sacré, véhicule de Shiva.

Voila, vous avez fait le tour, et avez terminé ce citytour Chennai express, il ne reste plus qu’à vous convertir.

College Road,

Vestige du Madras britannique

Bâtiments sur College Road

College road tient son nom à la mise en place d’un campus à l’anglaise à la fin du XIXème siècle, le Campus st George, embryon de l’université de Madras, anglophone. L’université anglaise s’est transformée au fil du temps, mais quelques bâtiments délabrés en gardent la trace.

Un campus à l’anglaise sur College Road

La société littéraire de Madras tout comme le directoire de l’instruction publique se trouvent sur College Road. Ils font partie d’un ensemble voulu par les Anglais aux abords de Fort St George. L’idée était de construire un vaste campus à l’anglaise au plus près des lieux de pouvoir.

Le campus sur College Road et ses arbres

 L’endroit, sauvage, abondait en palmiers et arbres centenaires et les colons ont pensé que ce joli lieu entouré d’eau comme son nom tamil le précise (Nungabakum) permettrait une circulation aisée et une proximité avec la nature. Arbres, pierres, papillons et autres animaux en faisaient un lieu d’étude particulièrement bien choisi. C’est donc en ces lieux que furent initiés le zoo, appelé « living college », le musée nommé « dead college » et la bibliothèque.

Le terrain appartenait alors à des marchands arméniens qui le cédèrent sans problème aux britanniques à des fins éducatives.

Saint George Campus, College Road

Les premiers pas furent un peu laborieux en raison d’incompréhensions linguistiques. L’éducation était dispensée aux enfants britanniques. Les « métisses » en étaient exclus. Dans les cours comme dans l’architecture, les colons essayèrent de donner leur lecture de l’indianité. Ainsi en est-il du style indo sarracénique, mélange les influences mogholes et européennes bien qu’il se prétende local. L’archétype stylistique à Chennai en est le Fine Art college. Ce style se veut partout identique mais différent. Avec le même vocabulaire architectural on cherche en fait à construire des bâtiments originaux.

Les bâtiments

Construit au bord de la rivière Cooum près d’un pont, le campus disposait de son quai. Il ne reste que la porte d’honneur, en piètre état aujourd’hui et aménagée en Poste et local technique. De cette porte on enregistrait le passage des étudiants et des marchandises.

Facade indo-sarracénique sur le Campus Saint George de College Road

Une petite chapelle, reconstruite, regroupait les étudiants.

En face, le bâtiment blanc moderne et sans grâce se traverse pour amener à un de plus jolis édifices de style indo sarracénique en brique rouge et médaillons de stuc, aujourd’hui dévolu à l’administration. Juste derrière, se cache un petit temple. Ces bâtiments de brique rouge, parfois recouverts de plâtre blanc remontent aux premières années du XXe siècle.

La Madras Literary Society

livres entreposés, Société littéraire de Madras, sur College Road
Facade de la Madras Literary Society

Plus proche de College Road, le bâtiment de la Madras Library society emprunte à l’architecture du Rajahstan avec ses, jaruka, faux balcons typiques de l’influence islamique. Signe de patriarcat, ils permettaient aux femmes de voir sans être vues. Ils cachent les 3 niveaux de terrasse dont le but était de favoriser la circulation d’air et par conséquent de tempérer un peu les fortes chaleurs. Les fenêtres, doublées au ¾ à l’intérieur agissent dans le même sens et améliorent l’acoustique.

Fenêtres en retrait pour une meilleure accoustique et un contrôle de température? et livres en poussière à la Madras Literary Society

La bibliothèque s’est constituée sur le dépôt des ouvrages parus à l’université. Malheureusement il s’agit d’une fondation privée, la seule du campus, et elle manque cruellement de fonds.

Longtemps tenue uniquement par de hommes, cette bibliothèque compte aujourd’hui majoritairement des dames. Celles-ci recueillent les dons de livres en tamil et anglais et s’évertuent à créer des évènements pour faire vivre les lieux et redonner un peu de lustre au bâtiment en piteux état et aux livres souvent réduits en charpie. Seules en effet les cotisations et donations sont susceptibles de maintenir les lieux et surtout les manuscrits dont certains très anciens. On y découvre, un peu atterré par l’état, une traduction d’Aristote du 17eme siècle et des gravures des objets envoyés à l’exposition universelle au Crystal palace à Londres en 1851. Pour les locaux de l’étape, l’intérêt porte surtout sur la première édition du cultissime Ponyam Selvan récemment adapté au cinéma.

Gravure représentant le Prince Albert

Les étagères de fonte et les chaises démontables remontent à la période de colonisation et sont dans un état déplorable. Tout crie misère.

1ere edition du cultissime Ponniyin Selvan