Le thé, boisson traditionnelle chinoise depuis 3000 ans, n’apparait qu’au XVIIe s en Grande Bretagne. Il se diffuse au XVIIIe pour devenir à la fin du XIXe la boisson anglaise par excellence. Pourquoi cette prééminence alors qu’il est apparu en même temps que le chocolat et le café ?
A l’origine du thé à Londres, le café au XVIIes
Pasque Rose, domestique d’origine grecque et sicilienne ouvre en 1652 la première maison pour déguster une nouvelle boisson, le cave près de St Michael Cornhill. Il accompagne la dégustation de la lecture de journaux.
Vers 1666, on compte près de 80 « maison de café » dans la city. Monsieur Lloyd a même l’idée d’échanger nouvelles et affaires dans son café de Lombard Street. Son café deviendra marché d’assurances. Cette vogue souffre néanmoins d’une forte taxation et de difficultés de stockage.
C’est dans ces cafés qu’apparait pour la première fois en Septembre 1658 une boisson chinoise, apportée par les marins hollandais et portugais. Le journal Mercurius Politicus, annonce la vente de Tcha ou Tee. Le marchand Thomas Garway le propose solide ou liquide dans Exchange Alley.
Ce Tcha se popularise rapidement malgré son coût et les admonestations des médecins et moralistes. En 1700, 500 cafés en vendent. Du coup, la couronne impose des taxes importantes. Monopole de la East India Company (comme les épices et autres soieries), il reste précieux et onéreux et sa consommation limitée à une élite. On le consomme à la manière chinoise, noir et dans des tasses de porcelaine (alors inconnue en Europe).
Le thé l’emporte sur le café XVIIIes
La consommation de thé va augmenter par étape.
1/ Un mariage et une passion
C’est d’abord En 1662 le mariage de Charles II avec la princesse portugaise Catherine de Braganza. Amatrice de thé, elle en fait la boisson à la mode à la cour puis dans la noblesse. La compagnie des Indes orientales s’enrichit. Mais, lourdement taxé, il reste une boisson très onéreuse destinée à l’élite. On le réutilise d’ailleurs de nombreuses fois, le dernier jus insipide étant laissé aux domestiques. On le conserve dans des coffres fermés à clé et sa consommation implique rapidement de nouveaux équipements, vaisselle, meubles, imités des Chinois. Dans les maisons riches le thé était servi cérémonieusement après le diner, pris tôt dans l’après-midi.
2/ Nouveaux lieux et équipements pour le thé
En 1717 by Thomas Twining ouvre une boutique de Thé pour les Dames. Son concept essaime très rapidement à travers le Royaume. D’autant plus que les salons de thé permettent aux femmes d’avoir une vie sociale sans chaperons et sans écorner leur réputation (après 1864). https://twinings.co.uk/pages/twinings-flagship-store-216-strand
Dans sa boutique, se presse l’élite londonienne. Parmi les personnalités, le peintre Hogarth. La légende raconte qu’il paya Thomas Twining d’un portrait, que l’on contemple toujours dans la boutique du Strand.
Contrairement aux chinois les anglais utilisent des tasses avec anses et les manufactures de Wedgwood, Spode, ou Royal Doulton se développent. Les services se perfectionnent avec de petits pots pour le lait, le sucre.
3/Des lois pour favoriser la consommation de thé
Pour contourner les taxes, le trafic illégal de thé frelaté augmente. A tel point qu’en 1784 William Pitt le jeune introduit le Commutation Act. La taxe baisse de 119% à 12.5%,.
Dès lors, le thé, plus simple à préparer que le café ou le chocolat, gagne toutes les couches de la société. Les Anglais le consommant avec du lait et du sucre, dont l’absorption augmente considérablement..
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Au XIXe Démocratisation du thé
Les lois Pitt rendant le thé accessible, les élites et le progrès technique achèvent de le démocratiser.
1/ le thé devient boisson à la mode
La légende raconte que Anna, 7e Duchesse de Bedford invente le Afternoon tea au début du XIXe. Trouvant le temps trop long entre diner et souper, souvent tardif dans les maisons élégantes, la duchesse a l’idée d’un thé accompagné de mets raffinés en fin d’après-midi. Elle invente donc la rencontre sociale autour du thé. Celui-ci se transforme en High tea dans les classes populaires où il devint le repas le plus substantiel de la journée. Tea shops et Tea garden deviennent à la mode dans la bonne société.
2/ multiplication des zones de production
Un nouvel essor est donné par la fin du monopole de la compagnie des Indes orientales sur le commerce asiatique en 1834. La compagnie envisage alors un repli sur l’Inde et y introduit la culture du thé jusque là uniquement chinoise. Lorsque les britanniques prennent le contrôle de l’Inde en 1858, la production de thé croit. Le thé indien remporta un vaste et rapide succès.
3/ Amélioration des circuits et techniques
La fin du monopole de la compagnie des Indes orientales en 1834 pousse en outre les compagnies à jouer la concurrence. Elles utilisent de fins navires à voile, les clippers, tel le Cutty Sark à Greenwich, pour acheminer au plus vite le thé d’Orient vers le Royaume Uni et faire les profits les plus importants. Cette concurrence mène à de véritables courses entre Américains et Anglais dont celle de 1860. Le gagnant devait être le 1er à accoster et décharger son thé sur les docks. https://www.rmg.co.uk/cutty-sark/history
Cette frénésie ne résiste pas à l’ouverture du Canal de Suez. Il laisse en effet passer de gros navires et réduit la longueur du voyage. Le coût d’un thé produit maintenant jusqu’au Sri Lanka diminue sensiblement. De ce fait la consommation augmente énormément. Le thé devient indissociable du mode de vie britannique. Les ventes connaissent un rebond dans les années 1970 avec l’introduction du sachet.
4/ Une boisson prisée par les gouvernements.
Le gouvernement tire au XVIIe et XVIIIe jusqu’à 10°/ de son revenu des précieuses feuilles. La cour au XVIIe puis la noblesse au XVIIIe se passionnent pour le thé mais la vogue tient surtout au puritanisme. Le Considérant comme bonne antidote à l’alcool les élites victoriennes poussent sa consommation. Elles contribuent à la ritualiser. Tout fait alors l’objet de règles : Horaires, mets, qualité du thé mais aussi objets. https://www.tea.co.uk/history-of-tea
Dans les classes populaires, boire du thé représentait un marqueur social. Rapidement on considéra qu’il apportait réconfort et chaleur. Idée reprise pendant les deux guerres mondiales et toujours répandue aujourd’hui même si le thé est aujourd’hui sérieusement concurrencé par l’industrie de Flat White. (café au lait).