Pour rebondir sur la polémique et contrairement à ce qu’on lit dans les journaux occidentaux et ce que pense Jimmy Kimmel le présentateur des oscars, RRR n’est pas un film Bollywood, mais un film Tollywood, c’est à dire du Telangana . Voici pourquoi.
RRR, typique d’un cinéma régional
RRR, ce film évênement braque les projecteurs sur le cinéma indien et plus précisement le cinéma du Telangana, cette petite région créée à partir de l’Andar Pradesh et dont la capitale est Hyberabad. Les 3 R illustre la montée en puissance des cinémas régionaux et notamment du Sud. En effet, en Inde, le cinéma correspond à de nombreuses industries locales. Bollywood fabrique des films à Bombay devenu Mumbai. Alors que RRR est un film de Tollywood et typique du Telangana. Varisu est issu des studios de Kollywood (quartier de chennai) et est typique du Tamil Nadu. Mais on compte également des studios dans le Karnataka (Sandalwood). Dans le Kerala, on parle de Mollywood.
Tollywood s’affirme de plus en plus avec des blockbusters tels Baahubali, et maintenant RRR.
Une différence linguistique
Cette différence de lieux implique une différence de langue et de culture. Celle-ci est la base de la polémique. Bollywood tourne et produit des films en hindi, langue du gouvernement central dont la tendance est de s’imposer à l’ensemble du pays. RRR est tourné en Telugu, doublé d’emblée en tamil pour concerner un marché plus important, celui du sud qui s’oppose culturellement et linguistiquement au Nord de l’Inde.
Un cinéma plus traditionnel
Bollywood représente le cinéma dit mainstream. Or, ce cinéma caractérisé par ses couleurs et ses numéros dansés et chantés, ses scènes de foule, tend à s’occidentaliser. De plus en plus, on voit des films à thèse, avec des sujets sociaux, tel « lunchbox », Gangubai, . En revanche le cinema du sud reste plus traditionnel avec des thématiques et personnages empruntant davantage à la mythologie.
Par ailleurs, le cinéma du Nord tend à loucher sur des thématiques occidentales, avec des sujets et de traitements parfois osés pour le pays : drogue, prostitution, sexe, alcool, homosexualité. Le cinéma du sud, lui, reste beaucoup plus conservateur, avec des sujets mythologiques, historiques, familiaux voire, quoique plus rarement, sociétaux. Il est plus tourné vers l’action.
Un cinéma de héros
Les acteurs sont des « héros » locaux et le public se bat pour eux et leur voue un véritable culte. A Chennai, les fans de Vijay en viennent à se battre contre ceux de Ajith Kumar. Ils ont même des trajectoires régionales politiques, comme les Chief Minister du Tamil Nadu. Les canons physiques diffèrent du Nord. Aux héros clairs, quasi européens, et sportifs du Nord s’opposent les baraques dodues et barbues des films du sud.
RRR, un flm avec danses et musique
Danses et musiques diffèrent également selon les puristes. Les instruments, les rythmes, les danses ne sont pas les mêmes. Les chansons, reprises par le public et diffusées sur les ondes avant la sortie des films, ont des résonnances et significations locales. Même si vu et entendu de loin, tout cela semble semblable, ne bondirions-nous pas si on nous disait que West Side Story ou les parapluies de Cherbourg, chantés dansés sortent des studios de Bollywood ?
Comme le dit SS Rajamapouli, auteur du doublé BaahuBali et RRR, lui utilise la musique et la danse pour faire avancer l’intrigue pas pour servir de charmant intermède. Ainsi la fameuse scène de « Naatu Naatu » sert-elle de compétition entre les deux héros mais aussi de pacte d’entraide. D’ailleurs cette injonction, naatu, est un verbe telugu qui signifie ici « danse »et peut être compris dans les langues dravidiennes du sud alors que le hindi, au Nord, repose sur des racines et des mots totalement différents.
Des budgets plus limités
Enfin, les Budgets n’ont rien à voir entre la grosse machine Bollywood et les budgets souvent plus restreints des studios du sud. Ce même si les récents succès en telugu promettent un changement. Le quasi bricolage de poductions comme Varisu ou Sir n’a en effet rien à voir avec les effets de Paathan.
Il faut reconnaitre que la frontière est souvent ténue entre Bollywood et les reste de la production indienne. Les ingrédients sont souvent semblables : amitiés masculines, histoire d’amour, action, danses et chants. Pour autant, n’oublions pas notre statut d’exception culturelle française lorsque nous regardons un film indien et essayons de comprendre pourquoi le sujet de la langue, de la culture, du rayonnement importe autant depuis Chennai, Bengalore ou Hyderabad.
Par ailleurs la vogue Bollywood permet aussi à RRR d’être considéré et son doublage en hindi sur Netflix lui donne une plus large audience.
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