Misère victorienne

Le XIXème correspond à l’apogée de l’Empire britannique mais aussi à l’explosion de la misère victorienne.

Mosaique sur les quais de la Tamise

 Londres passe de 1 à 7 Millions entre 1800 et1900. La ville s’étend vers l’est, l’ouest, le sud, le nord et devient un centre d’immigration . Elle attire aussi bien les Irlandais chassés de leur ile par la famine que les pauvres fuyant l’Europe de l’Est. Elle devient également le centre d’un Empire énorme et agit comme un aimant.  

la misère victorienne : l’espérance de vie dans l’East End, musée de la guerre

 Si la ville se modernise et s’agrandit énormément, Les zones se déterminent. A l’ouest, les quartiers huppés, aérés, profitent des collines et grands parcs, Ils bénéficient de leur éloignement des usines polluantes. Les vastes résidences bordent de grandes avenues arborées. La différence se creuse avec les autres quartiers, défavorisés.

Musée de la guerre

Des quartiers marqués par la misère victorienne

La misère victorienne à l’Est

Les quartiers insalubres, reçoivent les déjections charriées par la Tamise et subissent les fumées des usines. La pollution industrielle atteint son apogée à l’époque victorienne créant le fameux fog  décrit dans les romans. La Tamise elle-même n’échappe pas à cette intense pollution qui mènera à l’épisode de la grande puanteur en 1858. Pour pallier ce type de pollution et les épidémies, s’organise le système d’égout et l’endiguement du fleuve.

Joseph Bazalgette, Musée des Docks

La Tamise continuera néanmoins à déverser des immondices vers l’est de la ville, dans les quartiers marqués par la misère victorienne.

Bricklane et Whitechapel illustrent encore le Londres pauvre de l’époque victorienne. Petites maisonnettes partagées, constructions sordides et boutiques jouxtent toujours des entrepôts en piteux état, boutiques désaffectées ou usines.

– encore plus à l’est et le long de la Tamise,

Les Docks attiraient une foule hétéroclite et misérable de journaliers, dockers et ouvriers.

Le musée des Docks donne une bonne idée de la zone à l’époque victorienne et des conditions de vie.

Une rue de l’East End victorien, Musée des Docks

-De l’autre côté de la Tamise, Bermondsey puis Roserhithe abondent en témoignages du 19e, siècle : entrepôts, usines désaffectées, écoles caritatives donnent une idée précise de la vie des plus pauvres.

Les gares

Elles correspondent également aux quartiers pauvres du 19ème siècle. Effectivement, il était plus facile de déloger des pauvres pour construire les rails. En outre, les terrains à bâtir coutaient moins cher que dans le centre. Une seule gare se trouve d’ailleurs au centre de Londres, Charing Cross.

– au sud de Londres, les quartiers de Southwark, Lambeth, Kennington rappellent le sort des plus pauvres. Les films de Charlie Chaplin, recréent son enfance miséreuse à Kennington. Ils illustrent aussi les conditions d’existence abjectes des pauvres de l’époque victorienne. Sa mère se produisait dans les cafés et a été internée avec ses enfants dans ces abominables asiles, terreur des pauvres d’alors. Ces « workhouses » sous prétexte de venir en aide aux plus nécessiteux, les condamnaient à un quasi-enfermement dont il était difficile de se sortir. Le musée du cinéma se situe dans les bâtiments del’un de ces rares asiles encore en place.

Musée du cinéma

Des Conditions de vie et de travail épouvantable

Des vies difficiles

Les quartiers pauvres étaient très densément urbanisés. Outre la promiscuité, la petite taille des réduits, il faut imaginer le bruit incessant et assourdissant d’une ville travaillant jour et nuit, les cris, , les sabots des chevaux sur le pavé. Les indigents s’entassaient dans des petits gourbis sans eau. Souvent contraints de manger à l’extérieur par manque d’eau, ou de chauffage, ils profitèrent de l’essor des pubs. On y mangeait en effet chaud et on pouvait s’y réchauffer. Des salons réservés permettaient d’y séparer les clients selon leurs catégories sociales.

Des conditions de travail très éprouvantes 

2/3 des pauvres n’avait pas de travail fixe. Ils étaient contraints de travailler à la journée. Les horaires interminables et les conditions épouvantables en faisaient les artisans et victimes de l’opulence victorienne.

Photographie de la misère victorienne quotidienne, Musée des Docks

le musée des Docks et le musée de la guerre évoquent en filigrane le phénomène.

Les plus pauvres, fragiles, les enfants, étaient soumis à un véritable esclavagisme difficilement compréhensible en France où la 3e République s’est voulue garante de l’école obligatoire. Cette loi fondamentale a été l’une des armes le plus spectaculaires contre le travail des enfants et pour la promotion sociale. Or, a contrario, l’école ne devint obligatoire pour les moins de 10 ans qu’en 1918 au Royaume Uni, qu’en 2015 pour les moins de 18 ans.

-A Southwark, un curieux enclos à la grille ornée de rubans multicolores honore les prostituées. On leur refusait toute sépulture alors que le commerce de ces pauvres femmes bénéficiait à l’église.

Misères victoriennes et philanthropie 

Rapidement, de riches victoriens se sont émus des conditions de vie de plus pauvres. Ils ont alors multiplié les structures caritatives pour les loger, les instruire, prendre en charge les enfants. On voit ainsi se multiplier les lotissements ouvriers et écoles caritatives. Ces initiatives privées font écho aux aides de l’église ou de l’Etat dont la France a été généreuse.

En matière d’éducation, les ragged  et les charity schools visaient à éduquer et prendre en charge les enfants indigents. A Bermondsey, Lambeth, Southwark ou Spitalfield, de petites sculptures d’enfants attestent de ces initiatives.

Working cottage, Southwark
Almshouses Spitalfield

Pour le logement, les Almshouses , abris pour les plus démunis furent bientôt détrônés par les lmmeubles Peabody. Voulus par un riche philanthrope américain, ces logements bon marché restent nombreux dans la capitale.

Peabody Bg

Réactions politiques

Face à cette misère épouvantable dont il était quasi impossible de se sortir, l’époque victorienne a aussi inventé des réactions.

  • Ce sont d’abord des récits plus ou moins critiques : ceux de Dickens notamment.
  • la presse à sensation joue un rôle important, principalement lors de l’affaire Jack l’éventreur. Ces meurtres attirèrent l’intérêt sur l’East End miséreux .
  • Puis la Contestation devient politique. Ainsi, dès 1811, des ouvriers, les luddites, s’en prennent aux machines qui remettent leur travail en cause. Une vingtaine d’années plus tard, en 1838, le mouvement chartiste tente de promouvoir le suffrage pour tous, en vain.
  • Dans les années 1880, le Fabianisme marque une nouvelle étape de la contestation sociale. . Celle-ci trouvera un écho chez les réfugiés politiques. En effet Londres s’affirme alors comme une terre d’exil. Deux émigrés refugiés dans les quartiers de Clerkenwell vont notamment y échanger : Karl Marx et Vladimir Lénine. Marx , vivant de la générosité de Friedrich Engels va un peu tourner dans Londres.
Bibliothèque Marx

Syndicalisme

Le syndicalisme construit peu à peu un mouvement de masse, avec la fondation dans les années 1860, des Trade Union Congress (TUC, congrès des syndicats), et, dans les années 1880, l’extension du syndicalisme au-delà des seuls ouvriers qualifiés. Les grandes grèves des dockers, des travailleurs du gaz, et des filles qui fabriquaient des allumettes défrayent la chronique. Mais, la crise de 1890 marque le recul du mouvement ouvrier avec le recours à des briseurs de grèves, des lock-out et procès pour saisir les fonds syndicaux. A la mort de Victoria, en 1901, les grands mouvements de protestation sont surtout portés par les femmes, les Suffragettes.

Londres victorien

Le 19e s symbolise l’apogée de l’Empire britannique et du Londres victorien. Il se confond en effet pratiquement avec Le long règne de la reine Victoria (1837-1901).  C’est une période de grands changements économiques et sociaux avec l’entrée dans un monde dominé par l’industrie et le capitalisme. Dans Londres, la période correspond à l’âge d’or du West End mais aussi à l’explosion de la misère à l’est de la Ville.

Je vous propose de nous intéresser cette semaine aux splendeurs du West end et de reporter à une semaine prochaine les misères de l’East end.

On l’oublie souvent, mais le Londres que nous connaissons aujourd’hui est en grande partie victorien d’abord pour la taille mais aussi l’image. Y naissent en effet aménagements de la Tamise, mobilier urbain, voies de circulations et surtout de nouveaux quartiers. Les grands propriétaires bâtissent peu à peu le West End. Mayfair, Kensington sortent de terre autour des grandes constructions royales.

Nouveaux lieux de pouvoir :

Buckingham Palace, symbole du Londres victorien

– La construction de l’immense palais de Buckingham au centre de Londres dure plus d’un siècle.  Plusieurs rois y ont contribué : George IV, William IV. Cependant, Victoria sera la première à l’habiter. Initié par William Chambers, amplifié par John Nash, l’immense palais sera remanié par différents architectes. Aston Webb déjà rencontré au Victoria & Albert et à l’église protestante y œuvra.  Du fait de ces agrandissements successifs, le bâtiment, massif, est un peu indigeste

statue de la Reine Victoria

-Le Palais Saint James, laissé de côté en tant qu’habitation reste un lieu officiel alors que de nouveaux palais accueillent la famille royale. Ainsi en est-il de Kensington construit par Guillaume et Marie à leur arrivée de Hollande.

– Barry et Pugin reconstruisent le vieux Palais du Parlement, incendié en 1834 dans le style néogothique alors en vogue. Ils y adjoignent une tour destinée à abriter l’horloge : Big Ben.

– Downing Street qu’avait inauguré le premier premier ministre Robert Walpole devient emblématique de la Monarchie Parlementaire. Cette maison de style géorgien est agrandie au cours des mandats suivants jusqu’à occuper l’entière rue.

Nouvelles formes architecturales du Londres victorien

Autour de ces grands chantiers royaux, les riches familles aristocratiques se mettent à bâtir, profitant de l’explosion démographique. Une fièvre spéculatrice s’empare de zones restées campagnardes. C’est que contrairement à Paris par exemple, l’ouest londonien n’est pas limité. Aucune muraille ne vient entraver l’expansion de la ville. Les grands propriétaires fonciers peuvent s’en donner à cœur joie et de grandes sections se lotissent de manière ordonnée voire répétitive.

Terrasses, croissants et cirques

Suivant le modèle que John Wood a lancé à Bath, des crescents (croissants) s’ajoutent bientôt aux terrasses typiquement anglaises.

Les terrasses sont des alignement de maisons aux façades identiques, les croissants eux suivent une courbe. L’idée est d’affecter la forme du croissant de lune. La place dénommée circus s’inspire, elle, de la forme circulaire du soleil. Ces deux inventions adoptent une façade continue comme pour offrir aux locataires l’impression de vivre dans un palais.

Alignements et verticalité

Tous ces quartiers sont constitués de maisons individuelles de 2 ou 3 étages avec cour ou jardinet.

Les alignements de façades s’articulent ainsi autour de parcs ou squares. Dans les rues moins huppées, les maisons conservent les 2, 3 voire 4 étages mais occupent beaucoup moins de surface au sol. D’où l’impression de maisons verticales dans lesquelles chaque étage correspond à 1 voire 2 petites pièces.

Pour accueillir la domesticité, ces maisons conquièrent le sous-sol plus ou moins aveugle. En effet alors que Paris loge les serviteurs dans les combles, Londres les héberge dans les caves.

Nouveaux quartiers du Londres victorien

Ce modèle urbanistique est alors déployé au travers de nouveaux secteurs de la capitale.

Nouveaux secteurs

Bloomsbury puis bientôt tous les quartiers ouest se parent de cet urbanisme novateur. Entre Regent Street et Buckingham Palace apparait le West-End. Mayfair en constitue un fleuron. Mais bientôt les villages de Kensington, Belgravia se transforment en quartiers huppés. Plus au Nord, le quartier de Marylebone ou celui de Fitzrovia rivalisent avec Bloomsbury.

Royal Albert Hall, la quintessence du Londres victorien

Les grosses maisons de pierre y côtoient les maisons de briques noires. Jardins, squares, allées se multiplient pour aérer la vie de cette élite. Les nombreuses mews (étables, aujourd’hui maisonnettes très prisées) attestent des carrosses utilisés pour le transport de ces familles. Elles témoignent des encombrements de la capitale à la fin du 19e s. Les grosses familles s’enrichissent considérablement et donnent aux rues nouvellement crées les noms de leurs nombreuses familles. Les rues de Bloomsbury évoquent ainsi le duc de Bedford, aussi Marquis de Tavistock et baron Russel. On retrouve ses différents titres au travers des artères du quartier.

Jardins et parcs

Si les maisons sont éloignées de la rue par un jardinet ou un retrait, elles comportent également un petit espace de verdure à l’arrière. C’est que La ville victorienne s’aère considérablement. Des jardins publics ou privés mais communs s’ouvrent. D’immenses parcs sont créés.

Ceux-ci s’ouvrent principalement à l’Ouest de la capitale, pour le bienfait des classes aisées : Hyde park, Holland, Green St James, Holland Kensington. On en trouve également de plus en plus à l’extérieur de la ville dans les nouvelles zones conquises sur la campagne : Richmond, Greenwich, Highgate.