Palladio n’est pas forcément très connu en France. Pourtant, il est l’une des figures essentielles de l’architecture anglo-saxonne. A tel point que le Congrès américain l’a reconnu comme “père de l’architecture américaine” en 2010 dans la Résolution 259.
Mais il n’aurait pas autant été apprécié et adopté aux Etats-Unis si la Grande Bretagne n’avait pas au préalable épousé ses principes.
Une petite promenade dans le quartier de Westminster va nous permettre de nous familiariser l’architecture palladienne et avec son adaptateur anglais : Inigo Jones.
Voyons d’abord qui est qui.
Palladio, palladianisme, kezaco
Palladio est un architecte italien de la Renaissance. Plus précisément il est L’architecte le plus renommé de la Vénétie du 16e siècle. Né en 1508 à Padoue, il meurt à Vicence en 1580 après avoir bâti une trentaine de villas dans la région. Il a également construit une bonne vingtaine de Palais et Bâtiments Publics comme la Basilique et le Théâtre Olympique dans Vicence même. Il a également construit trois églises à Venise. https://whc.unesco.org/fr/list/712/
Palladio a travaillé dans un contexte particulier : le repli de Venise sur la Terre Ferme. Ce repli s’explique pour plusieurs raisons. Venise s’est affirmée comme carrefour commercial stratégique pendant tout le Moyen-Age. Mais elle voit sa position s’affaiblir au cours des 15 et 16e siècles du fait de l’avancée Turque en Méditerranée. A cette menace, s’ajoute la découverte de nouvelles routes terrestres vers l’Inde.
Face à ces dangers, Venise compense en quelque sorte les pertes maritimes par la conquête de territoires terrestres. S’ensuit un redéploiement de l’activité sur l’agriculture et les ressources locales. Les Patriciens vénitiens en se tournant vers l’investissement foncier deviennent des Gentilhommes fermiers.
Dans ce contexte socio-économique inédit, Palladio offre à une clientèle en pleine réinvention un nouveau type d’habitat tiré de l’exemple romain. L’architecte applique des façades de temple sur des constructions privées pour donner de la noblesse aux propriétés de ces nouveaux fermiers. Il mélange ainsi architecture sacrée antique et civile avec des bâtiments agricoles. Se faisant, il tire le meilleur parti du paysage en recourant à des formes géométriques issues de l’antiquité.
Plus encore que par ses constructions, Andrea Palladio est passé à la postérité grâce à ses « Quatre Livres de l’Architecture ». Pour la première fois, un architecte décrit son métier et publie ses plans. Ce manuel pratique sera beaucoup plus facilement utilisable et utilisé que les traités théoriques du Romain Vitruve ou de son quasi contemporain Serlio.
Les premiers temps du palladianisme dans Londres
D’Inigo Jones architecte anglais 1573/1652 on ne sait pratiquement rien sinon qu’il est allé en Italie. Il y découvre l’architecture antique et sa relecture par Palladio. Séduit, il en rapporte le Traité d’architecture écrit par son illustre prédécesseur vicentin. La clarté des explications et des illustrations diffuseront l’esthétique du Maitre de Vicence.
De retour à Londres, Inigo Jones adapte les principes tirés des “Quattro Libri » à des commandes royales. Ces bâtiments remarquables dans une capitale médiévale tranchent alors par leur blancheur et leur classicisme. Aujourd’hui on les distingue moins en raison des nombreuses imitations postérieures. Mais il nous faut imaginer l’originalité des œuvres de Jones dans la Londres du 17e.
Pour admirer Inigo Jones, comme il se doit, commençons par sa première commande. Faisons donc un petit détour à Greenwich devant la Queen’s House. Commencée en 1616 pour Anne de Danemark, épouse de Jacques 1er . Elle ne sera terminée qu’en 1636 pour Henriette-Marie, femme de Charles 1er. Ce magnifique petit Palais innovait alors par son élégance classique bien différente des bâtiments de brique rouge de l’époque Tudor. https://www.rmg.co.uk/queens-house. Cette petite vidéo donne un aperçu du somptueux hall : https://www.rmg.co.uk/queens-house/history
C’est pour cette même reine catholique qu’Inigo Jones s’attela en 1623 à la chapelle du Palais de Saint James. https://en.wikipedia.org/wiki/Queen%27s_Chapel
Non loin de cette jolie construction palladienne (la première dans Londres même), il est facile de rejoindre Banqueting House , seul bâtiment encore debout du somptueux palais de Henri VIII et de ses successeurs avant la guerre civile. Construit en 1622, décoré par Rubens en 1634, il réchappa de justesse à l’incendie de 1649 qui ravagea le reste du Palais royal. Les magnifiques plafonds sont encore visibles et les lignes du bâtiment ont conservé toute leur pureté. https://www.hrp.org.uk/banqueting-house
Nous nous rendons alors vers la dernière construction de Jones dans la capitale, Saint Paul Covent Garden 1631. Aujourd’hui connue comme l’église des acteurs, cette construction presque rurale se caractérise par une extrême sobriété des formes. Il faut contourner le portique toscan sur la place du marché pour découvrir sa façade en brique dans le charmant petit jardin. La place de Covent Garden provient également d’un projet du grand architecte. https://actorschurch.org/
Jones meurt en 1652, alors que la guerre civile ravage l’Angleterre. En une petite trentaine d’années et avec très peu d’édifices, essentiellement dans la capitale, il aura révolutionné l’architecture anglaise. Mais il faudra un siècle pour que la révolution palladienne se produise réellement. Rendez-vous pour ce faire, dans un prochain article.
2 réflexions au sujet de « Palladio à Londres »