Grâce au très actif groupe hispanophone Donde y cuando, Natalia Bolivar âgée de 82 ans, nous reçoit dans son appartement de la Havane. Les murs débordent d’œuvres d’art.
Formation d’une spécialiste
Elève de Lydia Cabrera, fondatrice dans la foulée de Fernando Ortiz des sciences sociales cubaines, Natalia Bolivar est passeuse de formidables savoirs sur la Santeria. Cette religion afro-cubaine intéresse au delà de l’ile seulement depuis les années 1991.
Au sujet de la Santeria, vous pouvez lire mon article : http://visitesfabienne.org/wordpress/cuba/la-havane-2/la-santeria/
Cette grande dame est issue d’une grande famille aristocratique et cultivée, descendante de conquistadors. Elle s’est d’abord essayée à la peinture. Toute jeune, elle a même été l’élève de Norman Rockwell. Puis elle s’est tournée vers les folklores cubains auxquels elle a été initiée dès son plus jeune âge. Elle a alors étudié le sujet au contact de Lydia Cabrera philosophe et ethnologue. Les deux dames ont travaillé ensemble à la constitution du musée de Bellas Artes dans les années 1950.
Le développement de La Santeria à Cuba
Le mysticisme africain remonte à la traite des esclaves au 18e s. Ces derniers venaient du Grand Royaume ( Congo Angola Zaire et Nigeria animiste- la zone Yoruba). Ils furent acheminés vers Santiago à l’est de Cuba pour exploiter les mines de cuivre et se charger des travaux difficiles. Les esclaves continuèrent à pratiquer l’animisme sous couvert du catholicisme des élites espagnoles. Unis aux Indigènes qui leur apprirent les vertus des plantes locales ils formèrent un syncrétisme (utilisant par ex la fumée du tabac).
Des 400 divinités Yorubas initiales, une bonne moitié arrivèrent à Cuba. Cette religion resta très secrète. De ce fait, elle échappa aux persécutions. Elle prit de l’ampleur à la fin du 19e avec l’arrivée des esclaves venus cultiver la canne à sucre et le café pour les planteurs réfugiés de Haïti, (région de Trinidad notamment).
Cuba devint alors le premier producteur de sucre. Cette étape contribua à forger la Santeria cubaine à travers l’organisation de Cabildos où les affranchis pouvaient se réunir en dehors des villes sous la dédication à un saint patron selon l’accord du curé. Affranchis et esclaves se regroupaient également en confréries, les cofradias. Enfin, les cimarrones, esclaves enfuis, se multiplièrent à cette époque. Ils établirent des Palenques (villages sur les hauteurs de l’Oriente). Ces regroupements furent à l’origine de la religiosité populaire et de ses nombreux mélanges ethniques, religieux, linguistiques…
La pratique de la Santeria
Ainsi, la Santeria est une création cubaine avec une liturgie et un système de divinités parallèle aux saints catholiques. Elle repose sur un système divinatoire complexe connu et administré par les Santos (initiés consacrés). Il existe une hiérarchie du savoir de l’initié (habillé en blanc) au babalao, santo jusqu au maitre de cérémonies (oriate) (sorte de grand sage). Chaque fin d’année se réunissent les santeros pour établir la letra de Ano qui prévoit la direction de l’année et la conduite face aux désastres, guerres, maladies et donne des recommandations, prophéties, divinités à vénérer, une sorte de plan annuel religieux et populaire. Il n y a pas de temple mais la maison du Santo qui fait office de religieux, de sage, de médecin, psychologue, devin.
Pour en savoir plus sur Natalia Bolivar
Une visite chez Natalia Bolivar et les Orishas de Cuba | America …america-latina.blog.lemonde.fr/…/une-visite-chez-natalia–bolivar-et
Bolívar Aróstegui, Natalia – musée du quai Branlyserv-primo.quaibranly.fr:8991/…/search.do?
Lydia Cabrera, l’auteure du livre El Monte (Les forêts et les dieux, éd. Jean-Michel Place
Pour aller plus loin : L’ethnographie et l’anthropologie religieuses de Cuba : repères …