La publicité pourrait se résumer à Perpignan la ville où il ne fait pas bon vivre. De loin, la réputation effraye plutôt. Sur place, les rues vidées de leurs commerces, les attroupements de dealers et autres squats illustrent la chute de cette cité, qui a connu son heure de gloire à la fin du XIIIème siècle. Le site internet de la ville n’appelle pas davantage au phantasme. Et pourtant une visite s’impose de cette ville devenue capitale royale trois siècles après sa fondation.
Perpignan, l’éphémère capitale du Royaume de Majorque
Entre 1276 et 1349 en effet, les rois de Majorque choisissent Perpignan comme capitale d’un Royaume conquis lors de la Reconquista par Jacques Ier d’Aragon. Ce roi conquérant accapare peu à peu l’Aragon, Valence et la Catalogne, Barcelone, Montpellier, avant de conquérir les Baléares et le Roussillon. Marié plusieurs fois et à la tête d’une nombreuse progéniture il confie les Royaumes d’Aragon de Valence et le Comté de Barcelone à son fils ainé Pierre et le royaume de Majorque à son cadet Jacques II. Sa dernière fille, Isabelle, épousera le roi de France Philippe III le Hardi qui mourra d’ailleurs à l’emplacement de l’actuelle préfecture en 1285.
De cette période glorieuse, Perpignan conserve de beaux bâtiments. Le quartier st Jean porte en effet la trace de cet âge d’or. On y voit de magnifiques bâtiments officiels gothiques tels la Loge de mer (1397), l’actuel office de tourisme, la mairie mais aussi la Casa Xanxo, très belle demeure gothique édifiée en 1508. La maison Julia. La cathédrale Saint-Jean-Baptiste et le portail de de st Jean le vieux évoquent également ces splendeurs médiévales.
Un Palais pour un Royaume
Le palais des rois de Majorque dans la ville haute offre un particulièrement bel exemple d’architecture gothique et d’influences mudéjares. Ouvert sur trois cours, entouré de jardins, il se situe à mi-chemin entre un château fort et une luxueuse résidence omeyade. Ainsi la Barbacane, surveillée par la haute tour de l’hommage donne-t-elle accès à la cour d’honneur que regarde une loggia aménagée en salle du trône.
Le pouvoir spirituel y est marqué par la double chapelle qui fait face au fauteuil du souverain. Dans sa partie supérieure, elle s’inspire de sa contemporaine, la parisienne Sainte Chapelle. Son portail de marbre rose illustre son importance au sein du Palais. Elle se trouve située juste au-dessus d’une chapelle plus sombre dédiée à Marie Madeleine, certainement chapelle de la reine. Des restes de fresques, les grandes cheminées de l’Aula, les marbres colorés des sols témoignent du confort et du raffinement de la brève cour des Rois de Majorque.
Une capitale devenue ville frontière
Très restauré, le château médiéval se trouve englobé dans la fortification des souverains d’Aragon qui s’arrogèrent le royaume à la mort de Jacques III. Les bastions datent en effet de Philippe II, fils de Charles Quint et monarque d’un royaume espagnol à son apogée. Les conflits franco-espagnols appauvrissent alors la ville.
Capitale déchue d’un royaume annexé, Perpignan perd alors de sa superbe au sein de la couronne espagnole. Le traité des Pyrénées en 1649 va changer son destin. La frontière entre la France et l’Espagne recule au sud et la ville aragonaise se voit annexée par le royaume de France. Elle devient un poste frontière bientôt renforcé par Vauban.
Malheureusement, les constructions en bastion de ce dernier ont aujourd’hui disparu. Cependant, La toponymie et topographie de la ville restent empreintes de l’activité inlassable de l’architecte militaire de Louis XIV. Le bastion tout près du symbolique Castillet a ainsi été restauré récemment et s’est vu transformer en quartier à la mode avec des restaurants sympathiques.
La ville ancienne reste le centre du commerce et les beaux pavements de marbre rose de Villefranche de Conflent donnent un aspect élégant aux rues piétonnes du centre historique.
Néanmoins, on glisse trop vite de ce quartier actif à des rues insalubres. Ordures et magasins désaffectés donnent le ton d’une cité paupérisée.
Une ville modernisée
Le renouveau du début du XXe a pourtant laissé de très belles constructions art nouveau. La gare rendue célèbre par Dali permet en effet d’expédier à travers la France les produits agricoles de ces terres fertiles. De riches perpignanais construisent ainsi le cinéma le castillet mais aussi de jolies maisons aux volutes et motifs que ne renierait pas l’école de Nancy. La palme si l’on peut dire revient à L’hôtel Pam. Le propriétaire, Jean Bardou, possédait l’usine de papier JOB, rendue célèbre par les publicités de Mucha. Sa demeure se visite et nous invite dans la France prospère des années folles. Plus loin, près des murailles de Vauban détruites pour laisser place aux boulevards, et autour du Palais des Rois de Majorque, une série de constructions Art Déco attestent de la prospérité de la bourgeoisie locale avant la seconde guerre mondiale.
Héla, depuis, la ville semble happée par la pauvreté. Les gitans historiquement sédentarisés ont investi le quartier Saint-Jacques et le centre se paupérise totalement, théâtre de vériutable guérillas urbaines. Les quartiers alentours attestent eux aussi du triste état de la capitale du Roussillon si éloignée du centre du pays. Pourtant, le soleil, la proximité de la mer et de la montagne, de l’Espagne, tout pourrait contribuer à faire de la ville aux maisons anciennes de galets et briques un des joyaux de la France.
Très intéressant et ça me donne un prétexte pour de nouvelles visites quand j’y retournerai voir ma belle famille. Merci !
merci Isabelle!